O Sacerdos. journée des vocations.
Publié le 23 Avril 2010
Mon Dieu, donnez-nous beaucoup de prêtres, beaucoup de saints prêtres. !
GRANDEUR DU SACERDOCE CATHOLIQUE.
Puisque la sainteté d'une créature doit se mesurer sur la dignité dont elle est investie et sur les rapports que cette dignité établit entre Dieu et elle, quelle sainteté ne devra pas être celle du prêtre !
Où trouver une dignité semblable à celle qui lui fut conférée au jour de sa dernière ordination ? qui pourra jamais en donner une idée exacte ? Il y a là un abîme de grandeur dans la contemplation duquel l'esprit humain se perd et se confond. Grandis sacerdotum dignitas! s'écrie saint Jérôme.
On ne peut que l'admirer; c'est presque en affaiblir la notion que de vouloir l'expliquer en détail.
Prenez le prêtre dans l'exercice d'un acte quelconque de son ministère, et si vous voulez examiner avec l'oeil de la foi la fonction qu'il remplit, vous serez infailliblement frappé de l'excellence de cette fonction.
Et cela doit être ainsi ; car le prêtre, toutes les fois qu'il agit en prêtre, n'a plus rien de commun avec les vils intérêts de la terre. Il plane au-dessus d'elle, et la domine de toute la hauteur de son sacerdoce. La sphère où la main de Dieu l'a ravi est toute spirituelle et toute céleste. Toujours en rapport immédiat avec Dieu, il est l'exécuteur de ses volontés adorables à l'égard des âmes, le vrai ministre de Jésus-Christ et le continuateur de son œuvre.
Ce n'est plus moi qui vis, peut-il dire comme le disait saint Paul à la vue de cette dignité suprême dont il était investi lui-même ; l'homme a disparu depuis que je suis prêtre, c'est Jésus-Christ qui vit en moi : Vivo... jam non ego, vivit vero in me Christus ; comme s'il disait : Jésus m'absorbe, Jésus me métamorphose : je me l'incorpore si souvent, que mon être tout entier est remplacé par le sien; je suis son œil, son bras, sa main, son pied, sa chair, son âme et son cœur : Vivo... jam non ego, vivit ver à in me Christus.
Suivons-le, ce prêtre, dans quelques-unes de ses fonctions, et nous verrons s'il y a rien d'exagéré dans ce qui vient d'être dit.
De qui, par exemple, tient-il la place quand, par ses insufflations, ses bénédictions et ses exorcismes, il chasse Satan de l'âme du nouveau-né qu'on lui apporte, et remplace le démon par l'Esprit saint lui-même dans cette pauvre petite créature, dès qu'il lui a conféré le baptême ? N'est-ce pas Jésus-Christ qui parle par sa bouche, qui bénit par sa main, qui sanctifie par son souffle, qui baptise enfin par son sacré ministère ? Hic est qui baptizat in Spiritu sancto.
Oui, dit Jean-Baptiste, celui sur qui vous verrez reposer la colombe, c'est celui-là qui baptise : Hic est qui baptizat in Spiritu sancto.
Que Pierre baptise, dit saint Augustin, il en a le droit; mais qu'il sache que c'est Jésus-Christ qui baptise par lui : Petrus baptizet, Hic est qui baptizat. Que Paul baptise, c'est fort bien ; mais qu'il sache à son tour que c'est Jésus-Christ qui baptise par son ministère : Paulus baptizet, Hic est gui baptizat.
Et quand cette créature régénérée fait ses adieux à l'enfance; quand son intelligence, sortant comme d'un nuage, demande une autre nourriture que l'aliment grossier qui développe le corps auquel elle est unie, de qui le prêtre tient-il la place lorsqu'il voit ce jeune chrétien se joindre aux nombreux enfants de son âge, et que tous se groupent comme de petits agneaux autour de sa houlette pastorale ? Au nom de qui parle-t-il à ce jeune auditoire? Quelle doctrine déposet-il dans l'âme de ces enfants? La parole qui tombe de ses lèvres est-elle sa propre parole, ou celle de Dieu même ? N'en doutons point, la doctrine qu'il annonce est celle de Jésus-Christ; bien plus, Jésus-Christ lui-même ne se l'attribue point, il la fait remonter jusqu'à son Père : Mea doctrina non est mea, sed ejus qui misit me.
Et quand, plus tard, ce même enfant, devenu homme, grossira l'assemblée des fidèles et viendra recueillir au pied de la chaire évangélique les divins enseignements qui tomberont de la bouche du prêtre comme d'une source pure et intarissable, de qui tiendra-t-il la place, ce prêtre ? Au nom de qui parlera-t-il ? de qui sera-t-il le son, la voix, la trompette et l'organe, sinon de celui qui lui a dit : Annuntia populo meo scelera eorum Praedica verbum ; insta opportune, importune Opus fac evangelistae Ite, docete omnes gentes?
Malheur à lui s'il cesse de parler en Dieu pour parler en homme ! Malheur à lui s'il ne craint pas de faire de cette parole trois fois sainte une profanation sacrilège, que saint Augustin ose comparer à la profanation même de la divine Eucharistie, sur ce principe que Jésus-Christ tient autant à l'honneur de sa parole qu'à celui de sa chair et de son sang? Non minus reus erit, qui verbum Dei perperam audierit, quàm qui corpus Christi in terram cadere sua negligentiâ prsesumpserit... Non minus est verbum Dei quàm Corpus Christi.
Et quand l'efficacité de cette divine parole aura touché quelque Madeleine, terrassé quelque Paul, embrasé quelque Augustin, de qui le prêtre tiendra-t-il la place quand ces conquêtes de la grâce viendront, fondant en larmes, humilier leur orgueil à ses pieds et solliciter de sa puissante autorité le pardon de leurs crimes ?
Quel homme que celui qui, sans bruit et sans apparat, se rend mystérieusement dans un coin retiré de l'église, s'enferme dans un obscur confessionnal, échange quelques paroles à voix basse avec les pénitents agenouillés près de lui, et de temps en temps lève la main en signe de puissance, formule un arrêt décisif, et par trois mots que ses lèvres profèrent, ferme l'enfer, ouvre le ciel, et transforme à chaque instant des pécheurs en saints !
Est-ce vraiment l'homme, ou n'est-ce pas Dieu même qui siège sur ce tribunal de miséricorde? Prêtres de Jésus-Christ, que faisons-nous sur ce tribunal sacré?
Nous distribuons des pardons, c'est vrai ; mais ceux à qui nous pardonnons nous ont-ils personnellement offensés? Nullement. Et cependant, n'est-il pas de règle que le pardon se demande à la personne offensée ? Que viennent-ils donc nous demander, ces pécheurs repentants ? C'est Dieu qu'ils ont outragé, et c'est à un homme pécheur comme eux qu'ils s'adressent pour obtenir le pardon que sollicitent leurs larmes !
0 mystère d'étonnante grandeur du côté de l'homme et de condescendance miséricordieuse de la part de Dieu !
Oui, prêtre de Jésus-Christ, c'est de Jésus-Christ même que tu tiens la place ; c'est le ministère même de Jésus-Christ que tu exerces ; c'est au nom de Jésus-Christ, et en vertu du pouvoir divin qu'il t'a confié, que tu dis à chaque pécheur avec une autorité souveraine : Ego absolvo te !
Et il est si vrai que c'est Dieu qui siège quand tu sièges, que tu le sais bien, si quelque juge de la terre, franchissant sa limite, voulait envahir ton mystérieux domaine et te demander compte des secrets que les enfants de Dieu ont déposés dans ton sein, tu peux dire hardiment, bien plus, tu dois dire avec assurance : Je ne sais rien de ce que vous me demandez.
Pourquoi? Parce que ce n'est pas comme homme, mais comme représentant de Dieu, que tu sais ce qui t'a été dit à l'oreille.
Encore une fois, c'est donc Dieu que tu remplaces ; ce sont donc ses arrêts que tu prononces ; et dès lors, quelle dignité que la tienne ! quelle étonnante dignité que celle qui confondait les Juifs et leur était un sujet de scandale, quand ils disaient sur le ton du reproche et de l'indignation : Quis potest dimittere peccata, nisi solus Deus?
Mais quittons cet auguste tribunal où nous tenons la place d'un Dieu, et montons à l'autel où nous n'allons pas seulement remplacer Jésus-Christ, mais sur lequel nous allons le produire.
Ici la parole manque : Deficiunt verba; toutes les expressions humaines font défaut ; nous respirons une atmosphère de merveilles qui nous saisit et qui nous pénètre de telle sorte, que si la pure foi nous éclaire, nous ne pouvons qu'adorer avec tremblement le Dieu trois fois saint que la puissance de nos paroles fait descendre chaque jour du ciel dans nos mains.
Le prêtre catholique à l'autel ! ! !
0 Dieu ! quel spectacle! Un homme à la parole duquel un Dieu s'abaisse du ciel en terre, quand il dit sans y changer une lettre, et comme si Jésus-Christ le disait encore lui-même : Hoc Est Enim Corpus Meum!
Un homme qui, par l'articulation de cinq mots, opère le miracle de la transsubstantiation, immole le Fils de Dieu sur la pierre du sacrifice, tient la cour céleste en extase, fait pleuvoir des déluges de grâces sur la terre, arrête la foudre suspendue sur des milliers de pécheurs, arrache des âmes aux feux du purgatoire, et rafraîchit délicieusement celles qui ne peuvent en sortir encore ; un homme qui fait et renouvelle ces prodiges tous les jours de sa vie sans que jamais Jésus-Christ résiste à l'autorité de sa parole : en vérité, est-ce un homme ? Appartient-il à la masse commune des hommes?
Les anges qui lui font escorte, qui envieraient sa dignité si l'envie pouvait les atteindre; les anges qui voient à la lumière de Dieu tant de grandeurs entassées au centre de l'humanité, d'ailleurs si chétive et si misérable, les anges ne voient-ils qu'un homme ordinaire dans le sacrificateur quotidien du Dieu qu'ils adorent?
Arrêtons-nous, et n'épuisons pas par nos admirations les forces de notre âme.
Replions-nous plutôt sur nous-mêmes, et, tout saisis encore des étonnantes merveilles que nous venons de contempler, demandons-nous, la main sérieusement appliquée sur la conscience, si des dignités de cette nature n'exigent de celui qui en est investi qu'une sainteté médiocre.
Demandons-nous si le prêtre qui en est gratifié est réellement ce qu'il doit être quand il se place, nous ne dirons pas au rang des pécheurs, cela ferait frémir, mais à un des degrés inférieurs de la perfection chrétienne. Demandons-nous si un tel prêtre peut considérer sans trouble et sans confusion des multitudes de pieux fidèles, si au-dessous de lui dans l'échelle des grandeurs, et si supérieurs à lui dans l'échelle de la sainteté. Demandons-nous s'il a de lui-même les sentiments élevés qu'en ont ces pieux fidèles, ces âmes embrasées du feu divin, qui le considèrent comme l'ombre de Dieu même, et qui, instruites à l'école de l'Esprit saint, mesurent sa sainteté, comme il le devrait faire lui-même, sur la sublimité de ses fonctions et sur la divinité de son sacerdoce.
Nous souscrivons d'avance aux réponses qui se feront à ces questions dans le sanctuaire de la conscience.
Monter à l'autel pour y immoler Jésus-Christ tous les jours et se nourrir de sa propre substance; qui oserait dire que cela ne demande pas une sainteté sans tache?
S'asseoir au saint tribunal avec mission spéciale de réconcilier les pécheurs avec Dieu, de réchauffer les tièdes, de perfectionner les justes, de consoler, d'éclairer, de diriger des milliers d'âmes dans les voies du salut et de la perfection chrétienne ; est-ce l'œuvre d'un prêtre sans piété, et n'est-ce pas plutôt l'œuvre d'un saint?
Monter en chaire pour y annoncer les divins oracles à une multitude de chrétiens; emboucher la trompette divine ; expliquer et faire goûter le saint Évangile et ses austères rigueurs; prêcher toutes les vertus, stigmatiser tous les vices, et n'être rien moins soi-même que ce qu'on dit aux autres d'être, est-ce faire son devoir d'apôtre en serviteur fidèle, et peut-on penser que Dieu soit satisfait d'un tel service?
Être aux yeux des peuples l'image de Jésus-Christ sur la terre; en être le ministre et le collaborateur, exercer son sacré ministère en courant comme lui après les pécheurs, les affligés et les pauvres pour les sauver tous et les embraser du divin amour : cela peut-il se faire et se bien faire avec un cœur froid, avec une piété languissante et même avec une sainteté ordinaire et commune?
...
Aussi, qui pourrait savoir l'infusion de dons spirituels qui s'opère dans l'âme de ce jeune homme au moment où on peut lui dire avec vérité : Tu es sacerdos in aeternum?
II se passe en ce moment des mystères ineffables dont Dieu seul a le secret, mais qui, du reste, se traduisent souvent chez le nouveau prêtre en un saint frémissement d'abord, puis en soupirs et en larmes, puis enfin en des actes éminents de vertu et de sainteté.
Oui, quand il est bien appelé, quand il répond fidèlement à sa vocation, quand il prend réellement Dieu pour son partage et qu'il renonce à tout jamais et de grand cœur aux frivolités de la terre et aux vains plaisirs du monde, le sang de Jésus-Christ dont il s'abreuve chaque jour, retombe en pluie de grâces sur son âme et lui communique cette foi qui fait des prodiges, ces vertus qui édifient, cette charité qui embrase, et ces transports de zèle qui touchent les pécheurs les plus endurcis.
Voilà ce que produisent ces divines faveurs quand elles tombent dans un cœur de prêtre digne de les recevoir.
Saint Ambroise l'appelle une profession déifique, deifica professio, et il ajoute qu'elle surpasse infiniment toutes les grandeurs de ce monde : Nihil excellentius in hoc sseculo.
Il la met au-dessus non-seulement de celle des rois et des empereurs, mais même au-dessus de celle des anges : Praetulit vos, sacerdotes, regibus et imperatoribus, prsetulit vos angelis.
Saint Grégoire de Nazianze dit, et saint Thomas l'a dit après lui, que les anges eux-mêmes vénèrent le sacerdoce : Sacerdotium ipsi quoque angeli venerantur ; et en effet, ajoute saint Liguori, tous les anges du ciel réunis ne peuvent pas absoudre d'un seul péché.
Saint Augustin, contemplant la dignité du prêtre à l'autel, a écrit ces paroles, que nous ne traduisons pas dans la crainte d'en altérer le sens, mais que nous recommandons au lecteur de peser avec attention : 0 venerabilis sanctitudo manuum ! ô felix exercitium! Qui creavit me sine me, ipse creavit se mediante me.
Quel langage ! et quelle hauteur il révèle dans le prêtre à qui il s'adresse !
Le pape Innocent III, considérant les immenses pouvoirs du prêtre, ne balance pas à le placer, en ce point, au-dessus de la très-sainte Vierge elle-même : Licet, dit-il, beatissima Virgo excellentior fuit apostolis, non tamen illi, sed istis Dominus claves regni cœlorum commisit; et saint Bernardin de Sienne, si renommé pour sa tendre piété envers la divine Mère, ose s'adresser à elle-même, et lui dire : Virgo benedicta, excusa me, quia non loquor contra te, sacerdotium pretulit super te.
Oui, dit saint Ambroise, la sainteté du prêtre doit » l'emporter de beaucoup sur celle des laïques; bien plus, le prêtre, sur ce point, ne doit avoir rien de commun avec la multitude : » Nihil in sacerdote commune cum multitudine. Vita sacerdotis praeponderare debet, sicut prseponderat gratia.
Je ne trouve pas un seul saint, dit Cyrille d'Alexandrie, qui n'ait redouté le poids énorme du divin ministère.
Donnez-moi dix prêtres zélés, dit saint Philippe de Néri, et le monde est converti.
O Dieu! versez, nous vous en conjurons, versez à flots vos grâces les plus abondantes sur votre sainte Eglise, et spécialement sur ses ministres qui en sont les colonnes, et qui, par leur sainteté, doivent en être l'ornement et la gloire.
mr l'abbé H. Dubois