au vendredi de la passion.

Publié le 25 Mars 2010

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Le don, ce sont tous les biens que nous a valus la passion du Sauveur.



Ils sont si nombreux et si grands que nulle pensée humaine ne peut les saisir, nulle parole humaine les exprimer.

Notre Seigneur, par sa passion, nous a enlevé tous nos maux et nous a accordé tous ses biens. Or, quoi de plus triste que nos maux? Et quoi de plus admirable que ses biens?

Il a donc été doublement notre bienfaiteur, en nous arrachant à de si grands maux, et en nous comblant de si grands biens.

Par sa mort, en effet, il nous a délivrés de la tyrannie du démon, de la captivité du péché, de la servitude de la loi, des emportements de la concupiscence, de la colère à venir, et enfin de la mort éternelle où tout cela nous menait.

Cette délivrance de la mort, ou plutôt cette victoire sur elle, saint Paul la célèbre en ces magnifiques paroles adressées à la mort elle-même : « La mort a été absorbée par la victoire. O mort, où est ta victoire? ô mort, où est ton aiguillon? Or, le péché est l'aiguillon de la mort, et la loi est la force du péché (parce que la défense excitait le désir). C'est pourquoi rendons grâces à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ, » I Cor. xv, 54, 57, par lequel la mort a été frappée de mort, et le règne du péché a été renversé.

 

Et non content de nous avoir délivrés d'aussi grands maux, il nous a distribué libéralement tous ses biens.

Ce qui fait dire à l'Apôtre : « Nous sommes entrés dans la participation de Jésus-Christ. » Participes Christi effecti sumus. Hebr. III, 14.


Il est devenu participant de notre humanité, et nous le sommes devenus de sa divinité et de sa grandeur. Comme il est fils de Dieu, nous le sommes aussi ; comme il est le bien-aimé de son Père. nous le sommes avec lui et par lui ; comme il a été établi héritier du royaume, il nous a faits ses cohéritiers ; comme il est notre roi et notre pontife, il nous a faits, non littéralement, mais spirituellement, rois et prêtres, selon cette parole d'action de grâces que chantent les saints dans l'Apocalypse : « Vous nous avez faits rois et prêtres pour notre Dieu. » Apoc. V, 10. Enfin nous sommes devenus participants de son Esprit, de toutes ses œuvres, et de tous ses mérites, témoin ces paroles de l'Apôtre : « Vous tous, qui avez été baptisés en Jésus-Christ, vous avez été revêtus de Jésus-Christ, » Gal. III, 27, c'est-à-dire, vous êtes devenus participants de ses mérites par le baptême.

....

 

Voyons maintenant de quelle manière le Sauveur nous a donné de si grands biens.


« Venez, mes frères, et voyez les œuvres du Seigneur, qu'il a fait paraître comme des prodiges sur la terre. » Ps. XLv, 9. Quel plus grand prodige, en effet, que de voir le Dieu de majesté, l'éclat de la lumière éternelle, la splendeur de la gloire du Père, prendre sur lui tous nos maux afin de nous communiquer ses biens? Car c'est vraiment par le moyen de cette humilité et de cette patience qu'il nous a transmis tous les biens dont nous avons parlé.

 

Nos maux étaient de deux sortes, mal purement naturel, mal du péché; or, il a pris sur lui les uns et les autres, les premiers pour les subir, les seconds pour les expier. Ce qui fait dire à saint Augustin : « Celui qui a fait l'homme s'est fait homme, afin que le conducteur des astres suçât la mamelle, que le pain eût faim, que la fontaine eût soif, que la lumière s'endormît, que la voie fût fatiguée de marcher, que la vérité fût accusée par de faux témoins, que le juge des vivants et des morts comparût devant un juge mortel, que la justice fût condamnée par les injustes, que la discipline fût battue de verges, que la force succombât, que le salut fût blessé, que la vie mourût. »


Voilà comment notre Seigneur nous a mérité et apporté de si grands biens.


Il a pris la nature humaine pour nous faire participer à la nature divine ; il a pris notre faiblesse pour nous donner sa gloire; il a pris notre mort pour nous communiquer sa vie; il s'est fait pauvre pour nous enrichir; petit, pour nous élever; débiteur de nos dettes, pour les payer à notre place.


Vous voyez combien le Rédempteur nous plus rendu que le Créateur ne nous a donné. « C'est un grand signe de l'amour de Dieu pour les hommes, dit Eusèbe Emissène, qu'à l'origine du monde il ait mis dans un serviteur son image et sa ressemblance ; mais un signe plus frappant encore, c'est qu'il ait pris lui-même la ressemblance de son serviteur.

Le Créateur fit preuve d'une grande bonté en tirant de ses trésors, pour le donner au premier homme, « un souffle de vie, » Gen. II, 7, mais il témoigne aujourd'hui à l'homme plus d'amour encore en lui communiquant non plus ses biens, mais sa nature.


Je suis fier de me sentir l'ouvrage de Dieu, mais beaucoup plus de le voir se faire ma rançon, puisque cette rédemption si libérale semble attribuer à l'homme autant de valeur qu'au Tout-Puissant.


Si donc, ô homme, à ne considérer que ton Créateur, tu n'es pas convaincu du prix élevé que tu vaux, interroge ton Rédempteur. »

 

Le mode par lequel nous arrive le salut doit nous exciter à l'amour du Sauveur plus que ne le fait le salut lui-même.

Il est beaucoup plus étonnant que Dieu se fasse corporellement homme, qu'il ne l'est que l'homme soit transformé spirituellement en Dieu; il est plus étonnant que Dieu prenne sur lui nos maux, qu'il ne l'est que nous participions à ses biens. Car il appartient à la nature du souverain bien de se répandre de toutes parts, et de faire participer toutes les créatures aux trésors de sa bonté.

Mais que le souverain Seigneur de toutes choses prenne sur lui les châtiments du péché, qu'il se soumette aux misères de la vie humaine, qu'il endure la pauvreté, les fatigues, la faim, la soif, et les autres incommodités du corps, dont les hommes euxmêmes rougissent, voilà ce qui est étonnant et merveilleux, tant cela est éloigné de la nature divine.

Par là, le Seigneur a manifesté d'une manière admirable son immense amour pour le genre humain, et nous a excités vivement à le payer de retour. Comme dit saint Bernard, « les hommes ne connaîtraient pas assez la charité de Dieu, s'il se contentait de leur donner ses biens sans rien perdre, puisqu'il ne lui en coûte pas plus de donner beaucoup que de donner peu; aussi, voulant leur attester d'une manière éclatante sa charité et sa bonté, il a daigné non-seulement donner beaucoup de biens, mais endurer beaucoup de maux, pour que ces deux puissants indices nous fissent reconnaître l'immensité de son amour. »


  Afin de vous faire apprécier, autant qu'il est possible, quelle preuve d'amour il nous a donnée en mourant pour nous délivrer de. la mort, je vais recourir à une comparaison.

 

Supposons que le fils d'un roi soit en danger de mort par suite de la morsure d'un serpent, et que de l'aveu de tous les médecins il ne puisse guérir sans que quelqu'un se dévoue à une mort certaine et instantanée en suçant le venin de la blessure. Quel parti prendraient les hommes en pareil cas?

Ils chercheraient un condamné à mort, ou un esclave dont la vie serait comptée pour rien, et ils l'obligeraient à sucer la blessure, afin de sauver, au prix d'une vie sans valeur, celle du prince. Telle serait la décision de la prudence humaine.

Maintenant renversons l'hypothèse : supposons que c'est l'esclave qui a été mordu par le serpent, et que personne ne voulant sucer le venin de la blessure, le fils du roi pousse la compassion et la miséricorde, jusqu'à se présenter pour ce dangereux service et pour conserver par sa mort la vie de l'esclave.

Qui, je vous le demande, a jamais eu l'idée de faire un tel sacrifice? Quelle charité est parvenue à ce point? Qui ne voit que cela surpasse infiniment la mesure des vertus humaines? Ce trait, qui passe toute charité, tout sentiment, et même toute imagination, était réservé à Dieu seul, qui n'est pas moins admirable par sa bonté que par sa puissance et par sa sagesse.

Comme sa puissance surpasse infiniment la puissance humaine, ainsi son immense bonté surpasse tout ce qu'il y a de bonté parmi les hommes, et elle accomplit avec empressement ce que les hommes peuvent à peine imaginer.

 

Que doit donc faire une vile créature inondée de l'éclat d'une telle lumière, sinon de s'écrier de tout son cœur avec le Prophète, en considérant, d'une part, la majesté divine, et de l'autre, sa propre bassesse : « Seigneur, qu'est-ce que l'homme, pour que vous vous souveniez de lui, ou le fils de l'homme, pour que vous le visitiez, » Ps. XIII, 5, lui dont vous faites tant de cas, que vous êtes mort pour lui? C'est comme s'il disait : Quand je considère, Seigneur votre incroyable bonté envers nous, et que je pense, dans mes réflexions solitaires et fréquentes, que le Créateur et Seigneur de toutes choses s'est réduit à la condition d'esclave pour nous affranchir, a revêtu notre mortalité pour nous rendre immortels comme lui, et après d'immenses fatigues et toutes sortes de peines a enduré une mort épouvantable pour nous faire jouir d'une vie bienheureuse et éternelle; en repassant fréquemment toutes ces choses dans mon esprit je suis stupéfait de l'immensité de tels bienfaits, et je m'écrie : Seigneur, qu'est-ce que l'homme, pour que vous procuriez son salut et ses intérêts avec une générosité si extraordinaire?

Qu'est-ce que l'homme pour que le vous le visitiez sur le grabat où le retient une maladie pestilentielle, et pour que vous guérissiez ses blessures par les vôtres ?

 

Si le mode de notre salut excite en nous tant d'admiration et d'amour, que sera-ce donc si nous considérons la cause de cet immense bienfait !

 


Quel motif, Seigneur, vous a poussé à vous sacrifier ainsi pour notre bien?

Car les hommes, s'ils ne sont attirés par l'espoir de quelque avantage, n'ont guère d'ardeur pour le travail. Quel est donc l'espoir, quel est le profit qui vous attirait vers de telles souffrances? Que pouviez-vous désirer, ne manquant de rien? Que pouviez-vous acquérir, étant le maître de toutes choses? Qu'y a-t-il qui ne vous appartienne? Vous l'avez dit vous-même : « Tout ce qu'il y a sous le ciel est à moi. » Job. XLI 2.


Tout vous appartient, Seigneur, et quand nous vous offrons quelque chose, nous vous rendons ce qui nous vient de vous. Aussi les philosophes païens eux-mêmes vous disaient immobile, parce que vous ne dépendez de personne, et que vous n'avez pas besoin de mouvement. Tout ce qui est mû, l'est en vertu d'un besoin, et afin d'acquérir en se mouvant ce qui lui manque. Mais vous, qui ne manquez de rien, qui possédez tout, qui remplissez de votre majesté l'univers, vous n'avez pas besoin de mouvement.

Quelle utilité pouviez-vous donc retirer d'un si grand ouvrage? Ce n'est pas pour votre avantage, c'est pour nous et pour notre salut que, non content de remédier à nos maux, à nos dettes, vous avez daigné miséricordieusement les prendre sur vous.

C'est là, en effet, le caractère de la vraie miséricorde, comme saint Grégoire l'atteste en ces termes : « La véritable compassion ne se borne pas à subvenir aux douleurs du prochain ; elle se reconnaît en ce qu'elle prend part à l'affliction qu'elle soulage; c'est en cela que consiste la compassion parfaite et la vraie charité.

Le Sauveur nous en donne l'exemple, lui qui, pouvant nous sauver sans mourir, a voulu nous sauver par sa mort, parce qu'il nous eût moins aimé (c'est-à-dire nous eût témoigné moins d'amour), s'il n'avait pris sur lui nos blessures, et que sa charité serait moins visible, s'il n'avait subi pour un temps ce dont il nous délivrait ; ainsi Dieu a daigné prendre les dehors d'un pauvre, pour que l'homme reconquît les richesses intérieures. »

 

Que pouvons-nous rendre à notre Sauveur pour une telle miséricorde?


« Quand nous subirions chaque jour la mort, dit saint Chrysostome, pour celui qui nous a aimés à ce point, cela suffirait-il pour nous acquitter, au moins en partie? »

Du reste, puisque nous ne pouvons le payer de retour par ce moyen, faisons-le du moins, dans la mesure qui nous est possible, par une reconnaissance inaltérable, par des louanges incessantes et par la considération assidue de ce grand bienfait.

Entre tous les exercices de la vie chrétienne, le plus recommandé par saint Bernard, par saint Bonaventure et par les autres Pères, c'est de consacrer chaque jour un certain temps à la considération de ce divin ouvrage, en contemplant pieusement des yeux et du cœur notre Seigneur suspendu pour nous à la croix.

Saint Augustin nous y exhorte en ces termes :


« Regardez les blessures de son supplice, le sang qu'il verse en mourant, le prix dont il vous rachète, les cicatrices de son corps ressuscité. Sa tête s'incline pour vous baiser, son cœur s'ouvre parce qu'il vous aime, il étend les bras pour vous embrasser, il se donne tout entier pour votre rachat. Pensez à la grandeur du sacrifice; pesez-le dans la balance de votre cœur, et que ce cœur s'attache entièrement à un Dieu qui, pour nous, s'est attaché entièrement à la croix. »

 

Louis de Grenade.

 

 


Rédigé par philippe

Publié dans #spiritualité

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