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Publié le 22 Février 2023

 

 

 

MERCREDI DES CENDRES

 


Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU

Abbé de Notre-Dame de Fontgombault

(Fontgombault, le 22 février 2023)

 


Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,


La décadence morale de l’humanité ayant pour conséquence l’affaiblissement et la disparition du respect dû à toute vie humaine, les scandales qui sans fin ébranlent les institutions les plus respectables, les maladies et virus en tout genre, contribuent largement à un sentiment diffus de profonde désespérance, d’inquiétude.

La condition humaine peut-elle aujourd’hui être enviée ? L’homme peut-il être aimé ? Peut-il s’aimer ? N’aurait-il d’autre issue que de rejoindre les rangs de ceux qui n’ont, comme religion, que la protection de la nature et la préservation absolue de la vie des animaux jusqu’à leur fin naturelle ? Oui, l’homme peut-il encore être aimé ? La question mérite d’être posée, alors que débute le temps de pénitence du carême.

 

Celui-ci s’ouvre en effet par le rite évocateur de l’imposition des cendres sur le front, associé à la formule : « Souviens-toi homme, que tu es poussière et que tu retourneras en poussière. » La poussière est-elle aimable ?
 


La cendre, très en usage dans la plupart des religions antiques, fut souvent associée à la poussière comme en témoigne par exemple la traduction grecque de la Bible à partir de l’hébreu et appelée la Septante, car réalisée par 72 anciens, près de trois siècles avant la naissance de Jésus-Christ. En hébreu, les deux mots ‘âphâr, « poussière », et ’éphèr, « cendre », sont phonétiquement très proches. Cela correspond bien au génie de la langue hébraïque, qui exprime volontiers une seule idée par deux mots sémantiquement proches, et plus volontiers encore s'ils sont phonétiquement proches.


La cendre symbolise tout à la fois, et le péché de l’homme et sa faiblesse. Au seuil de ces jours, écoutons Isaïe appeler l’idolâtre un « amateur de cendres. » (Is 44,20) De lui, le Sage dit : « Cendres, que son cœur ! Plus misérable que la poussière, sa vie ! » (Sg 15,10) Comment ne pas recevoir ces paroles, nous qui oublions si facilement notre condition de pécheur. Ô homme, si tu acceptes de te souvenir que tu es poussière, quelles sont donc tes idoles ? Quels sont les actes, les manières de penser, de voir, les compromissions qui, dans ta vie, ne plaisent pas à Dieu, et dont au fond tu ne prends pas, ou tu ne veux pas prendre, les moyens de te séparer ?

 

Quelles perspectives pour le pécheur endurci ? La Bible n’hésite pas à affirmer que les orgueilleux se verront « réduits en cendre sur la terre » (Ez 28,18), et que les méchants seront piétinés comme cendre par les justes. (Ml 3,21)
En face de l’homme hautain, se tient aussi celui qui reconnaît sa condition, qui accepte sa faute. Tel est Ben Sirac : « De quoi pourrait s’enorgueillir celui qui est terre et poussière, affirme-t-il, alors que ses entrailles pourrissent déjà de son vivant ? » (Si 10,9)


Le chemin du désespoir, qui semble la seule issue pour le vivant, n’est pourtant pas selon le plan Dieu. Souvenons-nous de l’intercession d’Abraham pour les pécheurs de Sodome, et de l’interminable tractation en vue d’éviter la destruction de la ville. Oserons-nous nous adresser à Dieu ? Abraham le fait : « J’ose encore parler à mon Seigneur, moi qui suis poussière et cendre. » (Gn 18,27)​​​​​​

 

Rappelons-nous, avant de commencer le temps d’entraînement du Carême, que la Bible est animée d’une ferme conviction : l’audience de Dieu n’est jamais fermée à qui se reconnaît pécheur et implore le pardon. Au long de ses pages, la misère humaine apparaît comme un titre à implorer la miséricorde.


Déjà retentissent à nos oreilles les échos de l’Exsultet pascal : « Ô heureuse faute qui nous a valu un tel rédempteur. »

Tout homme devenu par sa faute fils de colère, se souvient qu’il a été appelé à renaître dans les eaux du baptême. Il se rappelle que les flots de la miséricorde divine ne demandent qu’à irriguer toute vie.


Pouvons-nous tergiverser ?

L’appel du Seigneur retentit ce matin par la bouche du prophète Joël :


Revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et le deuil ! Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements, et revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment.

(2, 12-13)


Telle est la carte d’identité de Dieu : il est le tendre, le miséricordieux ; celui qui est lent à la colère et plein d’amour.

 

Que Marie, Mater dolorosa, nous garde au pied de la Croix.

Ayez pitié de nous, Seigneur ! Saint, vrai et joyeux Carême.

 


Amen.

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Rédigé par Philippe

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Publié le 15 Août 2022

 

 

photo petit placide . 

 

 

 

 

+ ASSOMPTION

Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU

Abbé de Notre-Dame de Fontgombault

(Fontgombault, le 15 août 2022)

 

Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,

 

Misericordia ejus a progenie in progenies.

Sa miséricorde s’étend d’âge en âge. (Lc 1,50)

La fête de l’Assomption nous plonge dans un mystère omniprésent, incompréhensible et libérateur : le mystère de la miséricorde de Dieu.

Omniprésent parce que le monde ruisselle de ce mystère, à l’œuvre en tous lieux et dès l’origine du temps.

L’œuvre de la création en effet est œuvre de pure miséricorde, non pas de justice. L’univers avant d’être créé ne pouvait être dû ni à l’homme qui n’existait pas, ni à Dieu qui n’en avait pas besoin, déjà comblé qu’il était par lui-même en sa gloire essentielle.

En choisissant dans sa création un être, l’homme, et en l’invitant de façon purement gratuite à une communion de vie avec lui, Dieu accomplit un nouvel acte de miséricorde.

Après le péché et la rupture avec Dieu, l’homme, seul et perdu, ne pouvait rendre justice à Dieu, son créateur. A travers le mystère de la Rédemption, Dieu recrée sa créature blessée.

L’oraison du dixième dimanche après la Pentecôte nous rappelle ce mystère en s’adressant à Dieu qui manifeste sa toute-puissance en pardonnant et en faisant miséricorde.

Un mystère omniprésent, un mystère incompréhensible aussi, car nos vies témoignent trop souvent que notre cœur préfère mettre en œuvre la justice bien plus que la miséricorde. Le Seigneur, lui, nous engage à être miséricordieux comme le Père est miséricordieux. (cf Lc 6,36)

Un mystère omniprésent et incompréhensible, un mystère aussi libérateur. Combien de fois depuis notre enfance avons- nous déposé le fardeau de nos vies au cours du sacrement de pénitence, afin de recevoir le pardon du Seigneur par le ministère du prêtre.

Mais qu’en est-il pour Marie ? De tous les enfants des hommes, Marie la toute pure est celle qui a bénéficié de la miséricorde de Dieu dans une mesure unique. Dieu a décuplé pour elle sa puissance.

Comme créature, elle était dans la pensée de Dieu avant même que le monde fût créé. L’Église aime à le rappeler, en lui appliquant un verset tiré du livre des Proverbes :

Nondum erant abyssi et ego jam concepta eram – Quand les abîmes n’existaient pas encore, je fus enfantée. (8,24)

Mais puisant dans les trésors inexplorés de sa miséricorde, Dieu lui réservait un privilège unique : dès le premier instant de sa conception, la Sainte Vierge a été préservée de toute atteinte du péché originel, en considération des mérites de la Passion de son Fils, et afin d’offrir à celui-ci une demeure digne de lui aux premiers instants de sa vie terrestre.

Peut-être pourrait-on oser dire que Dieu, voulant s’incarner dans le sein d’une vierge, souhaitait bénéficier avant l’heure des conséquences de son œuvre de rédemption. Destiné à subir dès sa naissance le rejet et la méchanceté des hommes, il s’est incarné dans le sein paisible d’une Vierge, et a goûté durant neuf mois la maternelle et douce protection d’une enceinte toute pure, toute belle. En Marie, Dieu s’est complu d’une manière unique.

L’Evangile est aussi le témoin de cette complaisance qui s’est poursuivie durant toute la vie publique du Seigneur. Nous pourrions évoquer le miracle des noces de Cana, ou encore l’émerveillement de Dieu devant celle qui, mieux que tout autre, gardait la Parole et la mettait en pratique.

Mais c’est certainement aux derniers instants de la vie de la Vierge de Nazareth qu’il nous faut contempler le couronnement de l’œuvre de miséricorde de Dieu à son égard.

Saint Augustin a écrit :« Vous nous avez fait pour vous, Seigneur, et notre cœur est sans repos jusqu’à ce qu’il se repose en vous. » (Les Confessions, I, 1)

Ces lignes s’adressant à Dieu nous concernent aussi. Nous avons été créés par Dieu et pour Dieu, et nous sommes appelés à vivre chaque instant de la vie qui passe avec lui. C’est dans cette communion de notre vie avec la vie divine que toute vie humaine trouve son repos, sa joie, sa fin.

Il s’en faut de beaucoup que chaque instant de nos vies soit un moment d’amitié avec Dieu. Le corps et l’âme demeureront rebelles jusqu’au dernier instant. Même en possession de la grâce de la communion dans l’instant présent, nous savons que celle-ci pourra toujours s’approfondir jusqu’au moment de la vision de Dieu face à face. Aucune créature ne peut bénéficier sur terre d’un parfait repos.

Il en allait ainsi pour Marie. Plus que tout autre, elle désirait la plénitude de repos de la vision face à face. Toute sa vie cependant a été la parfaite communion d’une créature avec son créateur. Son âme et son corps demeuraient dans la paix. La mort pouvait-elle, ne serait-ce qu’un instant, interrompre cette communion, cette paix ?

Le Pape Pie XII, en promulguant le dogme de l’Assomption, enseignait de foi définie que Marie au dernier instant de sa vie terrestre est montée corps et âme au Ciel. Ainsi, elle a gagné le lieu de son dernier repos. Et ce repos lui a été accordé en plénitude : repos de l’âme et repos du corps, couronnement de gloire.

En ce qui nous concerne, si notre âme est appelée à se reposer en Dieu dès l’instant de notre mort, nous ne retrouverons nos corps qu’au moment de la résurrection des corps, à la fin des temps.

Pour Marie et par pure miséricorde, cette grâce a été accordée dès l’instant de sa mort. D’une façon un peu imagée et en prêtant à Dieu des sentiments humains, on pourrait affirmer que Dieu, impatient de voir près de lui la plus belle de ses créatures, a accordé à Marie le privilège du couronnement de gloire à l’instant même du terme de sa vie terrestre.

Au ciel désormais, Marie intercède sans relâche pour nous. Celle qui a toujours dit « Oui » à Dieu, n’ignore pas que si Dieu a multiplié en elle les trésors de sa miséricorde, c’est afin qu’elle apprenne à ses enfants à prononcer leur « Oui » à Dieu, le « Oui » libérateur. Dieu pour cela a voulu s’associer l’aide d’une femme, le cœur d’une Mère.

Comme le proclame le passage du livre de Judith que l’Église applique ce matin à Marie, la Vierge de Nazareth a été bénie « par le Dieu Très-Haut, plus que toutes les femmes de la terre. » (13,18)

Elle est « la gloire de Jérusalem, l’orgueil d’Israël, de Dieu, la fierté de notre race. » (15,9) Elle est surtout la gloire et la Mère de l’Église ; notre gloire et notre Mère.

Avec elle, chantons sans fin les miséricordes de Dieu répandues sur son humble servante.

Amen, Alleluia.

 

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Rédigé par Philippe

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Publié le 29 Juin 2022

 

 

 

 

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SAINT PIERRE ET SAINT PAUL

 

Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU

Abbé de Notre-Dame de Fontgombault

(Fontgombault, le 29 juin 2022)

 

Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,

 

Dans une même solennité, l’Église unit saint Pierre, un pêcheur de Galilée, choisi par le Seigneur comme chef des apôtres et pierre fondamentale de l’Église, et saint Paul, citoyen romain né à Tarse en Cilicie qui, de persécuteur des premiers chrétiens, va devenir l’intrépide prédicateur de l’Évangile.

Quel chemin parcouru pour Pierre depuis le premier appel du Seigneur au bord du lac de Tibériade ! Quelle conversion pour Paul depuis la chute du chemin de Damas !

En fêtant aujourd’hui Pierre et Paul, l’Église nous invite à contempler la sainteté en acte, la sainteté qui, de la première rencontre avec le Christ, s’épanouit à travers les épreuves pour atteindre sa maturité dans le martyre de l’un et de l’autre. Chemin de sainteté pour Pierre et Paul, chemin de l’Église qui grandit en ses membres, notre chemin aussi.

Alors que beaucoup de chrétiens, considérant l’Église comme en soins palliatifs, veulent la mettre à l’heure du monde et de la mondanité afin qu’elle survive, souvenons-nous que l’Église demeure signe de contradiction. Non seulement sa survie, mais d’abord sa vie, ne dépendent que de Dieu. Revenir aux premiers temps de sa longue histoire doit nous permettre de tirer quelques leçons.

La délivrance de Pierre est un signe puissant et n’est pas sans lien avec la situation de beaucoup de chrétiens dans le monde. Il y a bien des prisons et bien des façons d’être retenu en prison. Pierre est dans une situation sans issue : à la suite de l’arrestation de plusieurs disciples et de la mort de Jacques, Hérode fait arrêter Pierre. Rien moins que quatre escouades de quatre soldats sont députées à sa garde. On ne lésine pas quand il s’agit de faire taire l’Église ! Pourtant, le Seigneur va se jouer de la garde.

Remarquons que la délivrance de Pierre ne se fait pas sans la prière de tous : « Tandis que Pierre était ainsi détenu dans la prison, l’Église priait Dieu pour lui avec insistance. » (Ac 12,5)

L’ange qui apparaît à Pierre est prévenant : « Lève-toi vite... Mets ta ceinture et chausse tes sandales... Enveloppe-toi de ton manteau et suis-moi. » Ces derniers mots n’ont-ils pas évoqué pour Pierre l’appel si souvent entendu dans la bouche du Seigneur depuis le premier jour : « Venez à ma suite. Je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes. » (Mc 1,17)

Ce jour-là, ce n’était pas une prison que Pierre avait quittée. C’était des filets, ses filets qui le retenaient près du lac aimé et qu’il abandonnait. Il les abandonnait pour se charger d’autres filets, dans lesquels il prendrait des hommes ; heureux filets conduisant à l’heureuse prison de la vie avec Dieu.

Mais tendre des filets ne suffit pas à la mission. L’Évangile rapporte l’étonnante question du Seigneur : « Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? » Les réponses sont variées : Jean le Baptiste, Élie, Jérémie, l’un des prophètes. Le Seigneur poursuit : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre répond alors : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » Jésus dit alors : « Heureux es-tu, Simon fils de Jonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. »

De quoi Pierre peut-il se féliciter ? D’avoir dit une belle parole ? Non, cette parole ne vient pas de lui : ce n’est pas la chair et le sang qui lui ont révélé cela. Pierre doit en revanche se réjouir que Dieu lui ait donné la lumière et qu’il ait été docile à cette lumière. Tout vérité vient de Dieu par l’Esprit qui illumine. Pierre a reçu la lumière et peut ainsi illuminer ses frères.

Jésus conclut : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. » La mission de Pierre est de fortifier ses frères par la parole venue de Dieu.

Dans l’épisode de la délivrance de Pierre, c’est encore Dieu qui agit. Pierre sort derrière l’ange, sans savoir si tout ce qui arrive est bien réel, convaincu qu’il ne s’agit que d’une vision. Mais les faits sont sans conteste : « Le Seigneur a envoyé son ange. »

Les textes de la fête des deux colonnes de l’Église sont un stimulant et invitent à rajeunir notre foi et notre espérance. Le Seigneur est le Dieu fidèle. Il protège son Église et veille sur le successeur de Pierre, afin que sa foi ne défaille pas.

Pour autant, le Seigneur n’épargne pas à son Église les épreuves, comme l’attestent les premiers siècles de son histoire. À travers ces épreuves, elle offre au monde de manière ferme, mais non pas arrogante, le message qu’elle a reçu de son Seigneur par le ministère des apôtres, demeurant ainsi une, sainte, catholique et apostolique.

Un récent document de la Commission théologique internationale consacré à la synodalité affirmait :

L’Église est une parce qu’elle a sa source, son modèle et sa finalité dans l’unité de la Très Sainte Trinité...

L’Église est sainte parce qu’elle est l’œuvre de la Très Sainte Trinité (cf. 2 Co 13,13) : sanctifiée par la grâce du Christ qui s’est donné à elle comme l’Époux à son Épouse (cf.Eph5,23), et vivifiée par l’amour du Père répandu dans les cœurs par le Saint-Esprit (cf. Rm 5,5).

L’Église est catholique parce qu’elle garde l’intégrité et la totalité de la foi (cf. Mt 16,16) et qu’elle est envoyée pour réunir en un seul Peuple saint tous les peuples de la terre (cf. Mt 28,19).

Elle est apostolique parce qu’elle est édifiée sur le fondement des Apôtres (cf. Ep 2,20), parce qu’elle transmet  fidèlement la foi de ceux-ci et parce qu’elle est enseignée, sanctifiée et gouvernée par leurs successeurs (cf. Ac 20,19).

(La synodalité dans la vie et la mission de l’Église 1, n°45)

Il semble important de rappeler ces vérités, alors que beaucoup de chrétiens envisagent le chemin synodal comme le moyen de faire passer dans l’Église et dans son enseignement les idées du monde. L'idéologue est incapable de synodalité, car il est incapable d’écouter l’Esprit. Et il y a aussi dans l’Église beaucoup d'idéologie. L’Église se rajeunit non dans la compromission avec le monde, mais dans la vérité reçue de l’Esprit.

Demeurons convaincus que, comme il a suscité les premiers apôtres et les premiers croyants, comme il a édifié l’Église, Dieu poursuit son œuvre à travers les misères des hommes de notre monde et à travers nos pauvretés. Il trace pour ceux qui veulent le suivre une route de lumière. Aujourd’hui comme toujours, Dieu répand en abondance son Esprit et il envoie ses anges. Heureux es-tu, car ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela ! Enfin et surtout, le Christ nous confie à sa Mère.

Mater Ecclesiae, ora pro nobis.

Amen.

 

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Rédigé par Philippe

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Publié le 27 Juin 2022

 

 

 

 

 

 

 

 

Tout d'abord, notre cœur doit être un trésor. C'est Dieu lui-même qui a doté notre cœur de tant de joyaux précieux : les vertus théologales et morales, les dons de l'Esprit Saint, les dons spécifiques et les talents qu'il a donnés à chacun de nous pour le bien commun.

Les gens doivent pouvoir trouver en nous une réserve de toutes les attitudes divines que Notre Seigneur a apportées sur la terre. Aucune personne qui nous rencontre ne devrait repartir sans avoir été enrichie. Comme l'a dit un jour le pape Benoît XVI : "Si je ne donne pas Dieu aux autres, je ne donne pas assez".

En effet, si nous aimons vraiment notre prochain, nous devrions vouloir lui donner le meilleur.

D'autant plus que nous vieillissons et que nous voyons que nous approchons rapidement de la fin de notre route terrestre et que nous voulons laisser quelque chose de précieux à ceux que nous aimons, nous devrions avoir l'intention de leur léguer le meilleur, et ce meilleur ne peut être que Dieu lui-même dans notre cœur et les immenses trésors de grâce et de bons exemples qu'il nous donne pour que nous puissions les partager.

Lorsque nous quittons cette vie, nous voulons que d'autres personnes puissent dire qu'elles ont vu Dieu lui-même en nous et qu'elles ont été enrichies par ce trésor.

 

Notre cœur doit être une fontaine d'où jaillissent la vie et l'amour.

 

De même qu'une fontaine ranime le voyageur assoiffé et lui donne le courage d'avancer, de même notre cœur ne doit jamais cesser de déverser le meilleur de nous-mêmes, de notre vrai moi, ce vrai moi qui ne se trouve qu'en Dieu et dans la communion avec le Sacré-Cœur.

Si nous restons au niveau de notre moi superficiel et que nous ne donnons que nous-mêmes, nous donnons peu ou rien.

Si nous sommes parvenus à trouver notre vrai moi dans le Cœur de Notre Seigneur, alors nous pouvons nous donner aux autres et de notre cœur jailliront des actes innombrables de toutes les vertus qui seront comme une pluie douce sur une terre desséchée.

notre cœur doit être un encensoir.

Que met-on dans un encensoir ? De l'encens. Mais avant de mettre l'encens, il faut que des charbons ardents soient allumés. S'il n'y a pas de charbons ou s'ils ne sont pas chauds, l'encens ne brûlera pas et ne pourra pas dégager le doux parfum des vertus. C'est ainsi que notre cœur doit être en feu d'amour pour Dieu. Comme le Cœur de Jésus, la "fournaise ardente de la charité", comme nous le disons dans les litanies, notre cœur doit être enflammé d'amour. Comment cela se fait-il ? C'est très simple.

C'est un feu qui s'allume comme tout autre feu, au contact des flammes. Si nous restons près du Cœur de Notre Seigneur dans le Saint Sacrement, nous nous réchauffons peu à peu nous-mêmes, et si nous persévérons, nous pourrions bien devenir rouges de zèle pour sa gloire et pour le salut de notre prochain.

Ne perdons pas patience si nous avons froid. Restons près du feu. Certaines bûches mettent beaucoup de temps à sécher et à prendre feu. Certaines âmes ont besoin de plus de temps que d'autres. Persévérons et le feu viendra, et alors le Seigneur pourra verser son encens le plus exquis sur notre cœur, et nous dégagerons un parfum de vertu enivrant qui inspirera tous ceux qui nous rencontreront. De plus, de notre cœur s'élèvera une prière continuelle qui sera comme le sacrifice du soir qui plaît tant à Dieu tout-puissant.

Si nos cœurs sont accordés au cœur du Christ, ils seront comme la harpe d'or qui émet des mélodies exquises pour ravir le cœur de Dieu lui-même et de tous ceux qui les entendent. Quelles sont ces mélodies si ce n'est les hymnes de louange et d'action de grâce que nous chantons tout au long de la journée et les paroles de grâce que l'Esprit Saint lui-même met sur nos lèvres pour l'édification des autres ?

Sainte Elisabeth de la Trinité nous parle d'un autre air, parmi les plus parfaits, celui du cœur qui accompagne Notre Seigneur dans sa douleur et son angoisse : si nous imitons sa passion, nous comprenons que c'est dans la souffrance que le cœur s'épanouit pleinement, car ce n'est que dans la souffrance qu'il se dépouille de lui-même et qu'il peut faire le don total de lui-même aux autres sans courir le risque d'un quelconque égoïsme.

Enfin, sur l'autel de notre cœur, comme sur le Cœur du Christ, nous apprendrons à sacrifier tout ce qui nous est cher et nous-mêmes avec lui en holocauste à la Majesté divine.

N'oublions pas que l'holocauste est une victime entièrement consumée : il n'en reste rien pour celui qui l'offre, elle est totalement livrée à Dieu pour témoigner de son domaine souverain et absolu sur toute la création. Si nous atteignons le stade où il nous est donné de faire ce sacrifice ultime, alors nous saurons que notre cœur est vraiment devenu un autel sur lequel Dieu est glorifié, et les fruits de ce sacrifice atteindront de nombreuses âmes. 

Si ce programme semble déconcertant, tournons-nous vers Marie, invoquée comme Notre-Dame du Sacré-Cœur. C'est elle qui entretiendra le trésor dans nos cœurs, qui nous donnera d'être une fontaine vivifiante, qui tiendra les charbons chauds et versera l'encens ; enfin, elle nous apprendra à ravir le Cœur de Dieu et des hommes par la douce musique qu'elle inspirera elle-même, et ainsi toute notre vie sera consumée sur l'autel pour la gloire de Dieu et le salut de nombreuses âmes. Fiat.

notre Dame Priory 

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Publié le 6 Juin 2022

 

 

 

 

 

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PENTECÔTE
Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU

Abbé de Notre-Dame de Fontgombault

(Fontgombault, le 5 juin 2022)


Audivimus eos loquentes nostris linguis magnalia Dei


Nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu.

(Ac 2,11)

 


Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,


Saint Benoît achève le très court chapitre 19e de sa Règle, consacré à la manière de psalmodier, par un souhait : « Que notre esprit soit à l’unisson de notre voix ».
Après avoir rappelé avec le psalmiste le devoir des moines de chanter le Seigneur en présence des anges et avec crainte, il conclut : Considérons donc comment il faut être sous le regard de la divinité et de ses anges, et tenons-nous pour psalmodier de telle sorte que notre esprit soit à l’unisson de notre voix.


Ces lignes valent pour la tenue du moine au chœur. Elles valent pour toute sa vie et plus généralement pour toute vie humaine qui se déroule sous le regard de Dieu. Elles concernent évidemment toutes les dimensions de la vie: privées et publiques, familiales et professionnelles. Dans le domaine du travail, elles s’appliquent aussi à tous les hommes, et en particulier aux hommes politiques au service de la cité ; aux journalistes qui ont pour mission de porter à la connaissance de leurs concitoyens les événements marquants ; enfin aux hommes d’Église au service de l’œuvre de Dieu dans les âmes.


Vivre sous le regard de Dieu est exigeant, car Dieu ne se laisse pas éblouir par le paraître. Seul l’être profond l’intéresse. Saint Benoît fustige donc l’attitude hypocrite de celui qui dissimule sa véritable personnalité, affectant des sentiments, voire des vertus, qu’il n’a pas. L’homme qui, jour après jour, mène courageusement le combat de la droiture, de la loyauté, de la vérité, honore durant sa vie Dieu qui est la Vérité même et se sanctifie.


En ce matin de Pentecôte, le souhait de saint Benoît invite tout homme à examiner son propre cœur. Demandons les uns pour les autres, demandons pour les législateurs, demandons aussi pour nos familles, pour notre pays et pour le monde, la grâce d’une vie cohérente. « Que votre parole soit “oui”, si c’est “oui”, “non”, si c’est “non”. Ce qui est en plus vient du Mauvais. » (Mt 5,37)
 

Les paroles du Seigneur rapportées par saint Jean et que nous venons d’entendre sont effrayantes : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. » (Jn 14,27)

Pourrait-il exister plusieurs paix ? L’hypocrite, de fait donne une fausse paix, et le monde est hypocrite. Celui qui donne une fausse paix ne souhaite que profiter de son semblant de don. Le Christ, lui, fait le don gratuit de sa paix. Donnant sa paix, il donne la vie. Dieu donne pour libérer et vivifier.
Mais comment recevoir ce don inestimable de la paix et de la vie de Dieu ?

Depuis l’Ascension et jusqu’au terme de l’octave de la Pentecôte, l’Église invite ses enfants à demander sans relâche le don de l’Esprit.


Lui, est l’unique dispensateur de tous dons, l’hôte très doux des âmes. De lui, nous implorons le repos dans le labeur, le réconfort dans les pleurs.

Qu’en ces jours, cette lumière bienheureuse remplisse jusqu’à l’intime de nos cœurs. Sans lui, il n’est rien dans aucun homme qui ne soit perverti. Par lui, le cœur souillé est lavé ; le cœur insensible devient vulnérable et généreux ; le cœur blessé est guéri. A sa chaleur, l’esprit raide s’assouplit, et dans sa lumière, la volonté tortueuse se rectifie. Vivre selon l’Esprit, c’est s’assurer le salut final et le don de la joie éternelle.
 

Mais ce n’est pas tout. Si nos bouches multiplient en ces jours les Veni, combien plus nos cœurs, à l’unisson de nos voix, doivent-ils aspirer eux aussi au don de l’Esprit.


Selon l’enseignement constant des pères du désert, ces premiers moines, la vertu qui plaît le plus à Dieu est la pureté du cœur. Un cœur pur est un cœur simple, sans duplicité ; un cœur qui ignore le murmure, un cœur doux et généreux ; un cœur libre qui, en tout, ne cherche et n’attend que Dieu. Cette pureté du cœur, qui est déjà un don de l’Esprit, appelle une nouvelle effusion de l’Esprit dans le cœur des fidèles.


Marie, la comblée de grâces, a reçu les dons de l’Esprit dans une mesure unique.


Ainsi parée, elle n’a pas eu besoin d’attendre le Ciel pour vivre déjà de joies éternelles. Sa vie n’a été que Magnificat, comme elle a aimé le chanter : un Magnificat pour le passé, un Magnificat pour le présent, et un Magnificat pour l’avenir. Oui, Dieu s’est penché sur son humble servante. Pour elle, il a fait des merveilles. Aussi en tout temps, son âme exalte le Seigneur et son esprit exulte en Dieu son Sauveur. Bien avant les Apôtres, Marie, emplie de l’Esprit-Saint, chante les merveilles de Dieu. Déjà, elle contemple les trésors de la miséricorde divine à l’œuvre dans la vie de ceux qui craignent Dieu.
Par son Fiat, à travers le don du Saint-Esprit qui l’a couverte de son ombre, Marie a reçu par anticipation le don de l’Esprit que les Apôtres ont reçu au jour de la Pentecôte. Voici en effet qu’un vent violent remplit la maison. Des langues semblables à du feu apparaissent, se partagent et se posent sur la tête de chacun des disciples. Fortifiés par le don de l’Esprit, les Apôtres annoncent sans crainte les merveilles de Dieu et tous, d’où qu’ils proviennent, comprennent dans leur propre langue.


Ces merveilles dont les Apôtres témoignent, c’est en premier lieu Dieu lui-même, c’est le mystère pascal aussi. Ces merveilles, ce sont aussi les fruits de l’Esprit que le Seigneur se plaît à faire germer dans le cœur de ses amis : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi.
Ceux qui, quelques jours plus tôt, se lamentaient de la mort de leur Maître, sont devenus dans le feu de l’Esprit les ardents et intrépides prédicateurs de l’Évangile.


Dieu n’est pas avare de ses dons. Jésus n’a eu de cesse de mettre le feu au monde ; mais seuls s’enflamment les cœurs purs.
Implorons à nouveau la venue de l’Esprit. Offrons à Dieu des vies sans droit de reprise. A la suite de Marie, des Apôtres, des premiers disciples et des premiers moines, devenons toujours plus, au sein de nos familles, de nos communautés, de la société et du monde, par la mise en pratique des fruits de l’Esprit à temps et à contre-temps, les prédicateurs crédibles de l’Évangile que tous attendent.
Venez, Esprit-Saint, remplissez les cœurs de vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour !

Amen. Alleluia !

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Rédigé par Philippe

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Publié le 26 Mai 2022

 

 

 

 

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ASCENSION

Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU

Abbé de Notre-Dame de Fontgombault

(Fontgombault, le 26 mai 2022)

 

Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,

S’il n’est pas permis de douter que beaucoup, parmi nos contemporains, chrétiens ou non, voient dans la fête de l’Ascension le motif traditionnel d’un pont bien apprécié, il est tout aussi clair qu’à côté des solennités de Pâques et de la Pentecôte, l’Ascension semble tenir pour de nombreux chrétiens un rang second.

Dans la nuit pascale, nous avons célébré le triomphe de la vie sur la mort. Mais le Christ vainqueur du tombeau n’a pas gardé pour lui le trophée de sa victoire. A travers le baptême, il nous associe à sa résurrection. Vivant de sa vie, avec lui constamment, nous passons des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie.

Lors de la Pentecôte, l’Esprit, qui jadis sous la forme de langues de feu avait reposé sur chacun des disciples, vient aussi sur nous, pour établir en nous sa demeure.

Mais quel est le mystère qui couronne cette fête de l’Ascension ? Ne serait-elle que le souvenir de l’événement vécu par quelques disciples qui ont vu le Seigneur s’élever en son corps au Ciel ? Alors que le Seigneur siège avec son corps de gloire marqué par les stigmates de la Passion à la droite du Père, les apôtres, déjà privés du contact constant avec le Seigneur depuis le soir du Jeudi-Saint et l’arrestation au jardin des Oliviers, ne bénéficieront plus désormais des apparitions si aimables du Maître, commencées au jour de Pâques.

Les lectures de ce matin invitent pourtant à l’attention.

L’événement de ce jour y est rapporté dans des versets tirés du premier chapitre du livre des Actes des Apôtres et du dernier chapitre de l’Évangile selon saint Marc. Saint Luc fait égale- ment mention de cet événement à la fin de son Évangile, établissant ainsi une transition avec le premier chapitre du livre des Actes des Apôtres dont il est aussi l’auteur. Saint Matthieu, sans mentionner l’événement, le sous-entend.

L’Ascension apparaît comme un événement charnière, marquant le terme de la présence corporelle du Seigneur auprès de ses disciples, et ouvrant une nouvelle période de la vie de l’Église, objet du livre des Actes des Apôtres.

L’Évangile avait commencé par la bonne nouvelle de la naissance d’un enfant du nom de Jésus : Dieu sauve. Dieu se fait Emmanuel. Il vient chez nous. La fête de l’Ascension prend donc place dans l’histoire des rencontres de Dieu avec l’humanité. Le Fils est venu nous visiter en sa nature humaine et aujourd’hui, il remonte vers son Père.

Déjà, au paradis, Dieu se plaisait à venir à la rencontre de l’homme. L’homme, fait pour Dieu et ne trouvant son repos qu’en lui, était comblé par ces rencontres.

Chassée du paradis, la lignée humaine n’a pas porté long- temps la fierté de sa révolte. La haine et la guerre ont occupé, et occupent toujours nos horizons. Les conséquences de la blessure première demeurent, quand ce n’est pas la blessure elle- même. Le cœur humain est tiraillé entre l’amour pour l’auteur de toute vie, et le mépris envers celui qui prétendrait limiter une vie devenue folle. Et Dieu n’est pas le seul à limiter cette folie humaine : c’est l’autre, s’il est gênant ou vulnérable, c’est l’enfant dans le sein maternel, qui bien souvent est de trop, c’est la nature elle-même qui se rebelle.

Face au désastre, Dieu aurait pu abandonner l’homme, le détruire.

Non, il lui offre sa paix, leitmotiv des apparitions du Seigneur : « La paix soit avec vous. » Déjà saint Jean avait mentionné ce don inestimable dans le discours après la Cène :

Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé. (Jn 14,27)

La paix de Dieu est notre consolation. Elle devient notre paix. Ce don une fois communiqué et partagé, la présence du Seigneur n’était plus nécessaire. Sa mission était accomplie.

Désormais, c’est aux disciples que va revenir le rôle de répandre la paix venue du Ciel.

Remarquons que saint Matthieu, saint Marc et saint Luc, ne se limitent pas à évoquer l’élévation au Ciel du Seigneur. Ils rappellent que l’Ascension a été pour le Seigneur l’occasion de deux actes : réprimander les disciples pour leur dureté de cœur, et les confirmer dans la mission de porter le message de l’Évangile jusqu’aux extrémités de la terre. Le message de l’Ascension, ultime testament du Seigneur remis aux disciples, tient en deux mots : croire et transmettre.

Dans la lumière de ce saint jour, alors que nous nous souvenons de l’Ascension et que le cierge pascal déjà éteint va disparaître, nous avons à recevoir ce message du Seigneur, et à le faire nôtre : croire et transmettre.

Les dernières lignes de l’Évangile selon saint Marc attestent que les disciples ont mis en œuvre la mission reçue du Seigneur :

Ils s’en allèrent proclamer partout l’Évangile. Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient. » (Mc 16,20)

Ces lignes retraçant les premiers pas de l’Église témoignent aussi de la fidélité de Dieu : « Le Seigneur travaillait avec eux. » Dans son discours après la Cène, Jésus s’était adressé aux disciples dans des termes sans équivoques :

Celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes, parce que je pars vers le Père, et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. Quand vous me demanderez quelque chose en mon nom, moi, je le ferai. Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous (Jn 14, 13-16)

La fête de l’Ascension n’est donc pas seulement le rappel amer d’un au revoir. Elle est au point de départ d’un nouveau mode de présence du Seigneur à ses disciples et à tout homme de bonne volonté.

Recevons la réprimande faite aux disciples quant à leur dureté de cœur. Combien est-il plus difficile pour nous de croire, alors que nous ne voyons pas !

Le Christ demeure fidèle. A la droite de Dieu, il prie le Père d’envoyer le Paraclet, l’Esprit-Saint, sur ses amis. En ces jours qui précèdent la fête de la Pentecôte, notre prière est appelée à rejoindre celle du Fils. Forts du don de l’Esprit, attentifs à mettre en œuvre les paroles du Seigneur, nous partirons en mission à la suite des disciples, nous vivrons en vrais croyants et rayonnerons notre foi à la plus grande gloire de Dieu.

Veni Sancte Spiritus !

 

Amen, Alleluia.

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Rédigé par Philippe

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Publié le 17 Avril 2022

 

 

 

+ JOUR DE PÂQUES

Homélie du Très Révérend Père dom Jean PATEAU Abbé de Notre-Dame de Fontgombault

(Fontgombault, le 17 avril 2022)

 

Jesum quæritis Nazarenum, crucifixum. Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié.

(Mc 16,6)

Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,

Que de chemin parcouru depuis le dimanche des Rameaux !

Les machinations de ceux qui, faute de trouver des témoins véridiques, se sont satisfaits de menteurs, ont pu nous révolter. L’un des Douze a préféré à l’amour de son maître l’amour de l’argent et l’a livré pour 30 pièces d’argent. Depuis le jardin de l’Agonie, nous avons suivi le Seigneur dans les ruelles de Jérusalem, exhibé à la satisfaction des grands, et finalement abandonné par le faible Pilate au supplice de la croix en réponse aux cris de la foule.  Le cœur du mauvais est plein de détours et d’inquiétude. Ces heures en témoignent. Le cœur du simple est ouvert à la paix. Telle est cette paix que le Seigneur vient apporter ce matin à ses disciples, qu’il vient aussi nous apporter, et qu’il veut offrir au monde et en particulier aux habitants de la chère terre d’Ukraine.

Mais comment recevoir cette paix en plénitude ? Mettons-nous à l’école des disciples. Si le chemin de l’Agonie a été long pour Jésus, n’a-t-il pas paru plus long pour eux ? Celui qu’ils aimaient a été traîné de tribunal en tribunal, battu par les soldats, moqué par la foule. En ce matin du troisième jour demeure en eux le souvenir de leurs trahisons ; celle de Judas, qui désormais a rendu ses comptes à Dieu ; celle de Pierre, chef humilié d’un groupe de disciples désorientés et qui se cachent ; tous, en ce matin, devaient ressentir une honte plus ou moins profonde en considérant leurs comportements. Les cœurs n’étaient pas en paix. Ils étaient tourmentés. Les femmes non plus n’échappent pas à cette inquiétude. Elles avaient un dernier devoir à accomplir auprès du corps du Seigneur. Comment allaient-elles rouler la pierre qui leur interdisait l’accès auprès du corps ? Les soldats les laisseraient-ils passer ? Bien des questions, bien des problèmes qui ne pèseront pas lourds devant le plan de Dieu. L’évangile selon saint Matthieu, entendu cette nuit, nous a proposé le récit le plus détaillé de la course des saintes femmes. Alors qu’elles s’approchent du tombeau, un violent tremblement de terre ébranle la pierre qui fermait l’ouverture. Un ange descendu du ciel roule la pierre et demeure assis dessus. Les gardes près du tombeau qui représentaient le pouvoir des Juifs sur le corps du Christ, sont renversés, terrifiés, à terre. L’ange, au vêtement blanc comme neige, s’adresse aux femmes : « Ne soyez pas effrayées. » Comment ne l’auraient- elles pas été ? Lorsque que le ciel s’invite à visiter la terre et que les éléments se déchaînent, la peur envahit naturellement le cœur de l’homme : peur devant le mystère qui prend consistance comme au jour de l’Annonciation, peur aussi de la misère humaine confrontée à la sainteté de Dieu.

La parole de l’Ange se fait alors consolante : « Vous, soyez sans crainte ! Je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié. » (Mt 28,5).

Voilà bien la seule condition pour recevoir une parole consolante de Dieu. Ces mots sont comme le condensé du message de l’évangile. Le plus grand pécheur reçoit consolation, pourvu qu’il cherche vraiment Dieu, qu’il cherche le Christ. Dans l’encyclique Dominum et Vivificantem, saint Jean-Paul II a réfléchi sur l’essence du péché

. Pour le pape polonais, le péché apparaît comme « le refus, ou au moins l'éloignement, de la vérité contenue dans la Parole de Dieu qui crée le monde. » (n°33)

Or cette Parole créatrice est le Verbe de Dieu lui-même ; messager de l’amour de Dieu, Père, Créateur du ciel et de la terre. Dans des lignes particulièrement fortes, le Pape enseignait : ...Nous nous trouvons ici au centre même de ce que l’on pourrait appeler l’« anti-Verbe », c’est-à-dire l’« antivérité ». Ainsi se trouve faussée la vérité de l’homme, à savoir : ce qu’est l’homme et quelles sont les limites infranchissables de son être et de sa liberté. Cette « antivérité » est possible car, en même temps, est complètement « faussée » la vérité sur ce qu’est Dieu. Le Dieu Créateur est mis en suspicion, et même en accusation, dans la conscience de la créature. Pour la première fois dans l’histoire de l’homme apparaît dans sa perversité le «génie du soupçon». (ibid. n°37) Rendu à ce point, l’homme ne peut voir en Dieu qu’« une limitation pour lui-même, et non la source de sa liberté et la plénitude du bien. » Portant alors son regard sur l’état de la société, le SaintPère concluait : L’idéologie de la « mort de Dieu » menace plutôt l’homme, comme le souligne Vatican II lorsque, se livrant à l'analyse de la question de l’« autonomie des réalités terrestres », il écrit: « La créature sans Créateur s’évanouit... Et même, l’oubli de Dieu rend opaque la créature elle-même. » (Gaudium et spes, n. 36). L’idéologie de la « mort de Dieu » montre aisément par ses effets, qu’elle est, sur le plan théorique comme sur le plan pratique, l’idéologie de la « mort de l'homme ». (ibid. n°38) Telle n’est pas la démarche des saintes femmes. Elles vont au tombeau pour rendre au corps d’un mort les derniers devoirs, mais demeurent pourtant ouvertes à la vie. L’Ange va les éclairer et leur confier une mission.

Nul en effet ne reçoit la lumière pour lui-même, mais bien pour la faire rayonner et la transmettre : Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? leur dit-il.

Il est ressuscité : il n’est pas ici. Voici l’endroit où on l’avait déposé. Et maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre : “ Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit. ” (Mc 16,6-7).

Pour les saintes femmes, pour les disciples, pour nous aussi, l’improbable s’est réalisé.

Le Christ mort est ressuscité, il est vivant. Notre chemin n’est pourtant pas achevé. Les apôtres ont été invités à se rendre en Galilée, pays paisible et idyllique qui leur rappelle le temps des premiers appels, le temps des échanges simples et libres avec le Maître. En ce matin de Pâques, le Seigneur nous appelle nous aussi à gagner notre Galilée, à nous rappeler la première visite du Seigneur au jour de notre baptême, à mettre tout en œuvre pour renouveler notre cœur à cœur avec le Seigneur.

En ce matin de Pâques, écoutons l’Ange de la Résurrection nous demander : Qui cherches-tu ? Qui cherches-tu vraiment ? Désires-tu recevoir la paix qui vient du ciel ? Que Marie notre Mère, celle qui a toujours cru, nous conduise au Christ ressuscité, vraiment ressuscité.

Regina cæli lætare, Amen, Alléluia.

 

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Rédigé par Philippe

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Publié le 17 Avril 2022

 

 

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VIGILE DE PÂQUES

Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU

Abbé de Notre-Dame de Fontgombault

(Fontgombault, le 17 avril 2022)

 

 

Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,

De façon inaccoutumée et abrupte, alors que le célébrant en chape violette porte encore les vêtements aux couleurs de la pénitence, la grande et sainte Vigile pascale s’ouvre par une oraison prononcée sur le feu nouveau :

Dieu, qui, par votre Fils qui est la pierre d’angle, avez apporté à vos fidèles le feu de votre splendeur ; sanctifiez ce feu nouveau tiré de la pierre pour notre usage ; et accordez-nous durant ces fêtes pascales d’être enflammés d’un si grand désir du ciel, que nous puissions parvenir l’âme pure aux fêtes de l’éternelle lumière.

Vivre en vérité le mystère pascal, c’est vivre un « passage » ; le passage de la mort à une vie en cohérence avec la foi que nous professons ; le passage d’une vie de foi toujours trop superficielle à une vie plus profonde de communion avec le Seigneur.

Mais pour vivre en vérité, il faut désirer. Celui qui ne désire pas, au mieux campe sur place, au pire, il recule. L’Église est donc fort lucide quand elle nous fait implorer de Dieu un cœur brûlant de désir. Déjà saint Benoît, au début du carême, avait invité ses frères « à attendre la sainte Pâque avec l’allégresse d’un désir tout spirituel. » (Règle de saint Benoît, c.49, De l’observance du Carême).

Il serait d’ailleurs bien pusillanime de n’espérer ce feu intérieur que durant les fêtes pascales. S’il est un lieu où il faut voir grand et ne pas ménager sa peine, s’il est un défi qu’il ne faut pas manquer, c’est bien celui de la rencontre face à face avec le Seigneur au jour de notre ultime passage, et qui sera pour tous, comme nous l’espérons, l’aube de la vraie vie, la vie qui n’aura pas de fin, la vie éternelle. Cette vie éternelle, saint Benoît recommande aussi à ses moines de la désirer de toute l'ardeur de leur âme (Cf. ibid., c.4, 46e instrument des bonnes œuvres).

Par la célébration du mystère pascal, nous communions à la mort et la résurrection du Christ. Le Christ, obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la Croix, répand sur tout homme de bonne volonté l’eau qui lave et qui purifie, comme saint Paul l’enseigne aux Romains :

Si, par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ qui, par la toute- puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts. Car, si nous avons été unis à lui par une mort qui ressemble à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection qui ressemblera à la sienne (Rm 6,4-5).

Durant le temps de la Passion, nous avons cheminé aux accents du Vexilla Regis :

Aujourd’hui du grand Roi l’ étendard va marchant, Où l’Auteur de la chair vient sa chair attachant. Aujourd’hui de la Croix resplendit le mystère,
Où Dieu souffre la mort aux mortels salutaire.

Je te salue, ô Croix, seul espoir des vivants !
En ces jours douloureux de larmes s’ abreuvant, Augmente aux cœurs des bons l’immortelle justice, Et pardonne aux pécheurs leur mortelle malice...

L’étendard du Roi vainqueur s’avance encore. Qu’adviendrait- il s’il n’était pas suivi ? La Croix se dresse au sommet du Calvaire, le Christ Ressuscité s’élève triomphant du tombeau... Qui se prosternera devant lui et devant sa croix ?

Pour beaucoup d’hommes et de femmes, Dieu est devenu l’étranger. Seuls quelques souvenirs d’un passé lointain occupent les recoins d’un cœur qui demeure assoiffé. Le pressentiment de le rencontrer un jour face à face ne les effleure pourtant plus. Dieu est absent de leur présent, et ce présent qui reçoit sa noblesse de sa présence est devenu profondément désespérant. Sans lui, la vie n’a plus de sens.

L’Église en cette sainte nuit nous rappelle à l’urgence de préparer notre propre rencontre. L’histoire de l’humanité, l’histoire aussi de chacune de nos vies, sont appelées à rencontrer le Christ vainqueur de la mort et du tombeau. Nous le chanterons demain : « La mort et la vie s’affrontèrent en un duel prodigieux. Le Maître de la vie mourut : vivant, il règne. » (Séquence de Pâques : Victimae paschali).

Le Christ est vivant. Il règne. Telle est la clameur de victoire qui retentit. Elle ne se taira plus désormais. Les temps les plus sombres de l’histoire de l’humanité, de l’histoire aussi de nos vies, vibrent de son écho. Le présent du Dieu vainqueur vient à notre rencontre. Il est vivant. Il règne.

Au cœur du chaos primordial, la parole de Dieu a été prononcée : « Que la lumière soit. Et la lumière fut » (Gn 1,3). A nouveau, le jour de notre baptême, Dieu a prononcé sur notre vie une parole. Enfants d’une nature rebelle, nous portions le nom de fils de colère. Dieu nous a offert la réconciliation.

Aujourd’hui encore, Dieu veut faire briller sa lumière, lui donner une intensité plus vive et nous renouveler dans la foi. Ce que Dieu a créé sans nous, il veut le recréer avec nous. Si la parole de nos parents auprès des fonts baptismaux a demandé pour nous la grâce de la foi, il nous revient de demeurer fidèle à la parole de nos aïeux. Aujourd’hui en renouvelant les promesses de notre baptême, nous nous sommes placés derrière l’étendard du Christ pour rajeunir en chacun de nos cœurs un dialogue d’amour.

La parole de Dieu ne s’est pas épuisée. Dieu a encore beaucoup à nous dire, beaucoup à nous apprendre, pourvu que nous lui laissions la parole. L’élan si petit, si ténu, d’un être si faible, si pauvre, un murmure né au plus secret du cœur humain déchaînera des flots d’amour divin qui bousculeront, renverseront, purifieront. La sécheresse des cœurs rabougris s’évanouira au torrent du mystère.

Aujourd’hui s’avance le Roi de gloire, le Vainqueur du tombeau. Il s’avance vers son Père. Il s’avance vers les hommes, posant son regard sur chacune de nos vies. Auprès du tombeau de Lazare, le Seigneur s’est écrié : « Lazare, viens dehors. »

En cette nuit, le Christ nous invite à quitter nos propres tombeaux ; ceux que nous nous sommes construits et où nous avons l’illusion d’être bien, ceux qui nous oppriment et dont nous voudrions être débarrassés. Quels qu’ils soient, ils sont notre prison. Mourons à nos tombeaux pour ressusciter au Christ.

Aujourd’hui s’avance le Roi de Gloire vers sa Mère. Cette Mère qui, au soir du cruel vendredi, était toute douloureuse ; cette Mère à qui l’espérance n’a jamais manqué ; cette Mère qui se réjouit et qui prie pour nous. Qu’elle nous obtienne des cœurs enflammés de célestes désirs.

Regina cæli, laetare. Amen, Alléluia.

 

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Publié le 3 Mars 2022

 

 

 

 

 

 

 

 

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MERCREDI DES CENDRES

Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU

Abbé de Notre-Dame de Fontgombault

(Fontgombault, le 2 mars 2022)

 

Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,

Voici que débute le temps de la sainte quarantaine. Depuis la fête de l’Épiphanie et jusqu’à hier, beaucoup se sont livrés aux réjouissances du temps de carnaval. Peu se souvenaient, sans aucun doute, que ce terme vient des deux mots latins : carnis et levare – enlever la chair. Aux temps de chrétienté, le carême était marqué, en plus du jeûne, par l’abstinence de viande, d’œufs et de laitage. Avant d’entrer en ce temps, il fallait consommer les réserves et cela donnait lieu à de grandes fêtes aux fréquents débordements.

Aujourd’hui la pratique du Carême s’est bien assouplie. Même chez les chrétiens, l’idée de faire pénitence disparaît des horizons comme un usage suranné, dépassé dans un monde qui a évolué. Peut- être n’est-il pas inutile de rappeler la loi de l’Église en ce domaine.

Le Livre IV du Code de Droit canonique consacré à La fonction de sanctification de l’Église s’arrête au Titre 2 sur Les temps sacrés, et au chapitre 2, plus particulièrement sur Les jours de pénitence en cinq canons ou encore lois :

Can. 1249 — Tous les fidèles sont tenus par la loi divine de faire pénitence chacun à sa façon ; mais pour que tous soient unis en quelque observance commune de la pénitence, sont prescrits des jours de pénitence durant lesquels les fidèles s’adonneront d’une manière spéciale à la prière et pratiqueront des œuvres de piété et de charité, se renonceront à eux-mêmes en remplissant plus fidèlement leurs obligations propres, et surtout en observant le jeûne et l’abstinence selon les canons suivants.

Can. 1250 — Les jours et temps de pénitence pour l’Église tout entière sont chaque vendredi de toute l’année et le temps du Carême.

Can. 1251 — L’abstinence de viande ou d’une autre nourriture, selon les dispositions de la conférence des Évêques, sera observée chaque vendredi de l’année, à moins qu’il ne tombe l’un des jours marqués comme solennité ; mais l’abstinence et le jeûne seront observés le Mercredi des Cendres et le Vendredi de la Passion et de la Mort de Notre Seigneur Jésus Christ.

Can. 1252 — Sont tenus par la loi de l’abstinence, les fidèles qui ont quatorze ans révolus ; mais sont liés par la loi du jeûne tous les fidèles majeurs jusqu’à la soixantième année commencée. Les pasteurs d’âmes et les parents veilleront cependant à ce que les jeunes dispensés de la loi du jeûne et de l’abstinence en raison de leur âge soient formés au vrai sens de la pénitence.

Can. 1253 — La conférence des Évêques peut préciser davantage les modalités d’observance du jeûne et de l’abstinence, ainsi que les autres formes de pénitence, surtout les œuvres de charité et les exercices de piété qui peuvent tenir lieu en tout ou en partie de l’abstinence et du jeûne.

La Conférence des évêques de France précise cependant, par décret de 1989, que :

- Tous les vendredis de l’année, les catholiques doivent manifester [un] esprit de pénitence par des actes concrets : soit en s’abstenant de viande, ou d’alcool, ou de tabac..., soit en s’imposant une pratique plus intense de la prière et du partage.

- Pendant le temps du Carême, tous les vendredis ils doivent s’abstenir de viande s’ils le peuvent, et le mercredi des Cendres ainsi que le Vendredi-Saint, ils s’abstiennent de viande, ils jeûnent en se privant substantiellement de nourriture selon leur âge et leurs forces, et réservent un temps notable pour la prière.

La prière, le jeûne et l’aumône seront donc les trois piliers du temps du carême.

Revenons aux lectures de la Messe de ce matin. Le Seigneur, qui connaît le cœur de l’homme, sait la promptitude de ce dernier à trouver des compensations pour ses renoncements. Fuyons donc en ces saints jours, l’hypocrisie de ceux qui, jeûnant, offrent des visages marqués par la tristesse, se plaignent des conséquences de leur peu de pénitence. Au dedans, ils n’espèrent que flatteries, confisquant en quelque sorte le cœur de leur prochain à leur profit.

Celui qui jeûne en vérité ne cherche pas l’admiration ; il souhaite par la pénitence, se donner plus généreusement et plus librement à Dieu et venir en aide à son prochain. Libre par rapport aux biens de la terre, il peut alors s’amasser un trésor dans le Ciel.

Durant le temps du carême résonne un appel : Convertimini ad me in toto corde vestro – Revenez à moi de tout votre cœur. Un cœur qui se tourne comme à regret, un cœur partagé, ne marche pas vers le Seigneur. Il demeure prisonnier de lui-même.

C’est pour cela que le prophète Joël, au nom du Seigneur, incite le peuple d’Israël à revenir à Dieu en concrétisant en quelque sorte cet appel à la conversion : « Déchirez vos cœurs, et non vos vêtements. »

Déchirer ses vêtements, c’est déchirer ce qu’on ne fait que porter. Le cœur, quant à lui, demeure intact. Perdure en lui tout ce qui est bas, tout ce qui est lourd... Déchirer son cœur, c’est déchirer ce qu’on est, déchirer sa vie pour la mettre sous la lumière miséricor- dieuse et bienfaisante de Dieu, et par là la libérer. Déchirer son cœur, c’est s’accepter comme pécheur et offrir à sa vie une cure de jouvence, une nouvelle jeunesse. Déchirer son cœur, c’est l’ouvrir à la grâce.

Péguy avait bien compris cela, alors qu’il se demandait pourquoi la grâce « remportant des victoires inespérées dans l'âme des plus grands pécheurs... reste souvent inopérante auprès des plus honnêtes gens. » :

Ceux qu'on nomme-tels, et qui aiment à se nommer tels, n’ont point de défauts eux-mêmes dans l’armure... Leur peau de morale constamment intacte leur fait un cuir et une cuirasse sans faute. Ils ne présentent point cette ouverture que fait une affreuse blessure..., une invisible arrière anxiété..., une cicatrice éternellement mal fermée. Ils ne présentent point cette entrée à la grâce qu’est essentiellement le péché. Parce qu'ils ne sont pas blessés, ils ne sont plus vulnérables. Parce qu'ils ne manquent de rien on ne leur apporte rien. Parce qu'ils ne manquent de rien, on ne leur apporte pas ce qui est tout. La charité même de Dieu ne panse point celui qui n'a pas de plaies.

Voici donc que se dessine le chemin de notre carême, aux accents du trait de ce matin :

« Aide-nous, Dieu notre Sauveur, pour la gloire de ton nom ! Délivre-nous, efface nos fautes, pour la cause de ton nom ! » (Ps 78, 9)

Alors que nous cheminerons plus résolument vers le Seigneur, alors que les choses vaines et caduques de ce monde n’occuperont plus notre cœur, alors que notre charité se fera plus vive et concrète, notre visage ne pourra que rayonner la joie. Non, il n’est pas hypocrite celui qui, lorsqu’il jeûne, se parfume la tête et se lave le visage.

Au seuil de ce carême, Marie invite ses enfants à de vraies réjouissances. Usons notre chapelet et frappons sans relâche à la porte du Ciel. Le monde, nos communautés, nos familles, nos proches et nous-mêmes en avons tant besoin.

Ayez pitié de nous, Seigneur !

Saint et joyeux Carême.

Amen.

 

 

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Rédigé par Philippe

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Publié le 7 Janvier 2022

 

 

+ ÉPIPHANIE

Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU Abbé de Notre-Dame de Fontgombault

(Fontgombault, le 6 janvier 2022)

Per aliam viam. Par un autre chemin. (Mt 2,12)

 

Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,

Plus de neuf mois avant la naissance de l’Enfant Dieu à Bethléem, les signes du Ciel annonçant l’ouverture de temps nouveaux se sont multipliés.

 L’Ange Gabriel porta d’abord l’annonce à Zacharie qui officiait dans le Temple à l’heure de l’offrande du soir. Le Temple est la maison de Dieu, le lieu où, d’une manière particulière, il s’adresse au cœur de l’homme, lequel est venu en ce lieu attiré par sa présence pour l’adorer.

Quelle est donc cette annonce ? Sa femme, Élisabeth, allait concevoir un fils dont la vocation serait de préparer au Seigneur un peuple bien disposé. Un peu plus tard, le même messager angélique se rendit auprès d’une vierge du nom de Marie, dans la cité de Nazareth en Galilée. A nouveau, il annonce la naissance d’un enfant qui sera appelé Fils de Dieu et dont le nom sera Jésus, c’est-à-dire « Dieu sauve ».

Un peu plus tard encore, un pas est à nouveau franchi au moment de la naissance de Jésus.

Les cohortes des anges de la Nativité annoncent à des bergers la venue au monde du Sauveur, le Christ, le Seigneur. L’humilité, la simplicité de ces solitaires, gardiens de troupeaux, font que la nouvelle de la naissance, tout en commençant à se répandre, est demeurée assez confidentielle. Du moins, elle ne semble pas avoir engendré de mouvements particuliers dans la vie sociale du pays. Ce ne fut pas le cas de l’arrivée des Mages venus d’Orient à Jérusalem en quête du « roi des Juifs qui vient de naître » qui, elle, ne passa pas inaperçue.

La ville entière est prise d’inquiétude, d’Hérode jusqu’au dernier de ses sujets. De façon paradoxale, alors qu’aucun être surnaturel ne semble s’être manifesté, ni pour guider les Mages, ni pour avertir Hérode de leur venue, l’arrivée de ces hommes et de leur caravane suscite un profond trouble dans la ville pourtant habituée à voir grouiller en tous sens des étrangers au milieu des Juifs.

De nos jours, en nos crèches, ces personnages, d’abord éloignés puis s’approchant de jour en jour, tranchent avec les autres santons dont le sort semble comme fixé pour l’éternité. Eux, ils marchent.

L’Église a reconnu dans la venue des Mages à la crèche un premier appel adressé aux gentils.

Pour eux aussi, cet enfant est né, bien qu’ils ne connaissent pas Dieu comme les Juifs, qu’ils n’aient pas à leur disposition les livres sacrés et les souvenirs de la tradition d’Israël.

Qui étaient ces Mages ?

Des membres de la caste sacerdotale perse, des philosophes, des détenteurs d’un savoir et d’un pouvoir surnaturel, des astronomes, des magiciens ? Compte tenu de la qualité de ces hommes, le motif si incertain, si futile, de leur déplacement semble difficilement conciliable avec la possession orgueilleuse d’un savoir ou l’exercice d’une domination sur leur prochain : suivre une étoile, abandonner pour un temps son pays, ses travaux, à cause d’une simple étoile.

Le fait est là, et il nous révèle sans aucun doute une qualité du cœur de ces hommes : la simplicité.

Celle-ci s’unissait à une inquiétude du cœur qui les poussait à chercher la vérité sur Dieu, et Dieu lui-même.

Ces hommes avaient acquis la conviction que la contemplation et la méditation des choses de la terre ouvraient un chemin vers le Ciel.

Remarquons que selon leurs dires, il ne s’agit pas de n’importe quel astre. « Nous avons vu son étoile à l’Orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. » (Mt 2,2)

Ils avaient vu une étoile, une étoile peut-être étonnamment brillante, une étoile dont la course inhabituelle pouvait interroger ces spécialistes de l’astrologie, une étoile dont ils savaient par une voix intérieure qu’elle était celle du roi des Juifs. Plus que toute explication matérielle, c’est cette voix qu’ils ont suivie. Comme l’étoile, l’enfant qui va naître sera la « vraie lumière… qui éclaire tout homme » (Jn 1,9), qui « brille dans les ténèbres. » (v.5)

Mais le chemin des Mages n’est pas de tout repos.

Leur route nous interroge : Pourquoi ce passage par Jérusalem ? Pourquoi ne pas avoir suivi l’étoile jusqu’à la crèche ? L’évangile se montre discret. L’étoile aurait-elle disparu à l’approche de la ville ? Dieu aurait-il abandonné les mages ? Ceux-ci, pratiquement arrivés au but, auraient-ils douté et jugé plus prudent de se faire renseigner par Hérode ? Auraient-ils renoncé à suivre l’étoile qui semblait les égarer puisque le roi de Juifs ne pouvait naître que dans un palais et à Jérusalem ?

Forts des lumières reçues des grands prêtres et des scribes du peuple, et tirées des saints livres, les Mages reprennent le chemin de Bethléem, et aperçoivent à nouveau l’étoile qui les précède pour finalement s’arrêter au-dessus de la maison où se trouve l’Enfant. La joie renaît dans les cœurs et vient préluder à la rencontre du nouveau-né et de sa Mère. Mais l’intervention de Dieu ne s’arrête pas là. Les Mages doivent repartir dans leur pays. Ils se souviennent de la mission donnée par Hérode : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. » (Mt 2,8)

C’est là qu’une nouvelle intervention de Dieu, un songe, les avertit de s’en retourner chez eux par un autre chemin.

Une nouvelle fois, les Mages suivent avec simplicité ce qu’ils ont reçu dans le cœur.

A l’école des Mages, retrouvons la jeunesse de la foi qui nous rappelle au devoir de poursuivre sans relâche le chemin vers Dieu.

A l’audience d’avant Noël, le Pape François citait cette prière d’un bénédictin, saint Anselme (1033-1109) : Seigneur, apprends-moi à te chercher. Montre-toi, quand je te cherche. Je ne peux pas te chercher si tu ne m'enseignes pas, ni te trouver si tu ne te montres pas. Que je te cherche en te désirant et te désire en te cherchant ! Que je puisse te trouver en te cherchant et t'aimer en te trouvant ! (Proslogion, 1)

Recevons par leur intercession une grâce de simplicité, d’enfance, d’accueil de l’instant présent, quel qu’il soit, comme le lieu d’un rappel au devoir pressant que reçoit tout homme d’y chercher Dieu, et ce, dans le chaos du monde et de nos vies si distraites, si gaspillées par l’addiction aux médias et aux blogs.

Sur le chemin des Mages, lumières et ténèbres, joies et inquiétudes, alternent. Mais l’étoile a comme recueilli leurs cœurs. Ils ont abandonné les vanités du temps qui passe, et ils l’ont suivie.

Renonçons donc aux nouvelles pour chercher la vraie nouvelle. A l’école des Mages, avançons vers la maison de Bethléem pour adorer. Avançons vers la patrie céleste. Là, nous retrouverons Jésus et Marie, là, nous trouverons Dieu.

Amen.

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Rédigé par Philippe

Publié dans #homélies

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