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Publié le 7 Janvier 2025

 

 

 

 

 

+ ÉPIPHANIE

Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU Abbé de Notre-Dame de Fontgombault (Fontgombault, le 6 janvier 2025)

 

Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,

L’évangile selon saint Matthieu s’ouvre par un grandiose triptyque. La généalogie de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham, en forme le premier tableau.

« Abraham engendra Isaac. » Si Isaac a été l’enfant de la Promesse, combien plus Jésus ! Cependant, la longue énumération des ascendants du Seigneur nous laisse sur une interrogation : « Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ. » (Mt 1,16) Jésus est engendré de Marie, non pas de Joseph.

Le second tableau lève le doute. L’ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui annonce que l’enfant conçu vient de l’Esprit Saint ; que son nom sera « Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » Enfin, qu’en lui se réalise la prophétie d’Isaïe : « Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils ; on lui donnera le nom d'Emmanuel. »

Le troisième volet est composé par le récit de l’enfance de Jésus, avec l’épisode pittoresque et abondamment développé du voyage des Mages, des païens, vers la Crèche, suivi de la fuite en Égypte, du massacre des Innocents et du retour de la sainte Famille à Nazareth après la mort d’Hérode.

L’Évangile ne sera plus que le développement de ce triptyque où tout est dit : Dieu est venu chez nous pour nous sauver. La grande espérance, la rencontre avec le Seigneur est désormais offerte à tout homme, invité à se mettre en route vers son Dieu dans une démarche de repentir, de charité, de foi et d’espérance. Tel est le mot d’ordre du jubilé de cette 2025e année de la nais- sance du Sauveur : Pèlerins d’Espérance.

Tirons quelques enseignements de l’évangile de ce matin.

Si la tentation du désespoir nous guette, les Mages et les bergers attestent que, même au sein des ténèbres, la lumière ne manque jamais pour accompagner le chemin des cœurs droits. Au milieu de la nuit, un ange est venu à la rencontre des bergers, les tirant peut-être de leur torpeur. Une étoile a invité les Mages à abandonner leur quotidien pour prendre la route.

Comme les bergers et les Mages, soyons des veilleurs, attentifs aux signes de Dieu et méditant sa parole. Au cœur de nos nuits, Dieu n’est jamais absent. Son étoile brille toujours. Cherchons-la afin de nous mettre en route, pèlerins d’espérance. Les paroles de saint Augustin considérant sa vie passée demeurent d’actualité : « Vous étiez avec moi, et je n’étais pas avec vous. » (Confessions, X, 27, 38)

Un deuxième enseignement naît du constat que les chemins des bergers et des Mages, même s’ils aboutissent au même but, sont bien différents.

Pour les premiers, quelques paroles d’un ange, quelques pas, et voici déjà l’étable de Bethléem et l’Enfant.

Pour les seconds, pas de messager... pas de paroles... Une simple étoile et l’intuition qu’il s’agit de l’étoile du « Roi des Juifs qui vient de naître. » (Mt 2,2) Quelle leçon de foi et d’espérance offrent ces païens !

Il est commun de considérer le chemin de sa propre vie bien pénible, alors que celui des autres paraît si facile. De fait, nous ne nous épuisons pas sur le chemin des autres, alors qu’il est si facile de désespérer sur son propre chemin. Croyons, dans la foi, que le chemin sur lequel Dieu nous a invités et demeure avec nous depuis si longtemps, aboutit à la Crèche.

Mais est-ce bien vers la Crèche que se dirigent les Mages ? Voici qu’ils sont à Jérusalem et entrent dans le palais d’Hérode. À n’en pas douter, ils trouveront là l’Enfant-roi.

L’étape de la Ville sainte est révélatrice de la manière dont Dieu dispose les événements. En cherchant leur chemin, les Mages annoncent la naissance à Hérode et à Jérusalem. Païens, ils sont porteurs de la bonne nouvelle de la venue du Messie attendu, au roi, aux prêtres et au peuple.

Pour eux, tout se déroule pour le mieux. Les Mages apprennent du roi le lieu de la naissance : Bethléem. Dieu est fidèle. Les Mages reprennent leur route. Que se serait-il passé si Hérode, et tout Jérusalem avec lui, s’étaient joints à la caravane venue d’Orient ? Dieu avait donné la lumière en abondance pour qu’il en fût ainsi.

Les prêtres et les scribes, ceux qui connaissaient l’Écriture au point d’y découvrir le lieu de la naissance du Messie, ne se mettront pas en route. La venue de cet enfant trouble leur quotidien, leurs plans ; comme s’il leur semblait préférable d’emprisonner Dieu dans leurs livres, afin d’éviter de le rencontrer face à face. Du Sauveur, ils parlent, mais ils n’en ont pas besoin. Sous peu, Hérode voudra même s’en débarrasser en ordonnant le massacre de tous les enfants de moins de deux ans autour de Bethléem, et eux ne feront rien pour éviter cela.

La raison d’État, la pression publique, le désir de faire carrière et de conserver le pouvoir peuvent aveugler le cœur et l’âme. Ne craignons pas de rencontrer Dieu face à face. Tout acte de l’homme est posé devant lui, le juste juge, le Soleil de justice. Si chacun devra rendre compte de ses paroles, de ses actes, chacun est surtout appelé à rencontrer la miséricorde de Dieu.

Voici que les Mages arrivent à la Crèche. Ils entrent et se prosternent. Renouvelés par la rencontre avec l’Enfant Dieu, ils ne pourront s’en retourner que par un autre chemin.

À la suite des Mages ou des bergers, tout homme, quelle que soit sa situation, peut se mettre en route, faire un pas vers la Crèche et déjà rencontrer son Sauveur. Il n’est jamais trop tard et la route n’est jamais finie. Un seul péché n’est pas pardonnable : celui de voir la lumière et de la refuser.

Entrer dans le temps béni du Jubilé, c’est venir auprès de Jésus et se poser la question de la cohérence de notre vie avec tant de dons que nous avons reçus. « L’âme que vous remplissez devient légère ; trop vide encore de vous, je pèse sur moi » , écrivait saint Augustin (Confessions, X, 28, 39).

C’est sûr, l’Enfant de la Crèche a de quoi remplir notre vie ; de quoi remplir toute vie. Ne dira-t-il pas : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » (Lc 12,49) ?

Rayonner la bonne nouvelle de l’Évangile consiste premièrement, et j’ajouterais: simplement, à vivre de cette bonne nouvelle. Alors la gloire du Seigneur se lèvera sur nos vies. Alors nous serons témoins jusqu’aux extrémités de la terre, et beaucoup verront son étoile et viendront se prosterner devant lui.

Au cours de cette année jubilaire, que Marie soit notre guide ; qu’elle nous enfante à cette autre voie qui n’est pas du monde, la route lumineuse de l’Espérance. Dieu est avec nous, Emmanuel ; devenons Pèlerins convaincus d’espérance.

 

Amen. Alléluia.

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Rédigé par Philippe

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Publié le 5 Janvier 2025

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Solennité de l'Épiphanie du Seigneur

En cette solennité de l’Épiphanie, les saints mages resplendissent à nos yeux d’un éclat particulier. L’aventure pieuse de ces hommes idéalistes, courageux et pleins de foi est une véritable parabole du cheminement de tout baptisé. En effet, ils attendaient avec impatience un grand événement qui donnerait un sens à leur vie ; ils étaient donc loin d’être des personnes complaisantes et médiocres, incapables d’élever leur regard au-delà de l’horizon d’une existence banale.

C'est pourquoi, lorsqu'ils virent apparaître l'étoile mystérieuse, ils quittèrent avec enthousiasme leur patrie, leur confort et leur sécurité, pour se lancer dans un long et pénible voyage , guidés par cette étoile qui, avec sa lumière surnaturelle, les conduisait à travers déserts, vallées et montagnes vers un but merveilleux : Dieu Lui-même fait Homme , Roi des rois et Seigneur des seigneurs, entouré des courtisans les plus saints, les plus sublimes et les plus prestigieux de l'histoire : Notre-Dame et Saint Joseph.

Nous sommes également appelés à entreprendre une épopée sainte

Tous les fidèles , d’une manière ou d’une autre, sont appelés à quitter leur patrie pour parcourir le chemin ardu et glorieux qui les conduira au Ciel. Nous devons vivre dans le même état d’esprit que les saints Rois.

Nous ne sommes pas nés pour ce monde et nous devons donc renoncer à tout attachement qui nous y lie de manière désordonnée, afin de prédisposer notre esprit à entreprendre la sainte épopée de la foi. La Parole de Dieu sera notre guide lumineux dans la nuit de notre pèlerinage , de sorte qu’à notre sujet aussi, le prophète Isaïe peut s’exclamer : « Voici que les ténèbres couvriront la terre, […] mais sur toi le Seigneur se lèvera » (60, 2).

Il convient cependant de considérer que le voyage des Mages comporte des épreuves. La plus grande d'entre elles est sans doute leur passage à Jérusalem. Là, contrairement à ce qu'ils attendaient, ils ne trouvent pas le Sauveur du monde, mais l'imposteur Hérode entouré d'une élite corrompue qui deviendra, au fil des ans, les plus farouches adversaires du Messie. Dans ce contexte, l'étoile disparaît et la nuit épaisse de la déception et de l'apparente contradiction les enveloppe.

Le procès des catholiques aujourd'hui

Les catholiques traversent aujourd'hui aussi des périodes terribles où la lumière qui semblait briller si fort s'est éclipsée. Ils sont parfois en proie à des tentations ou à une sécheresse intérieure. Mais la plus grande douleur consiste à constater avec perplexité que le visage visible de la Nouvelle Jérusalem, de la Sainte Église , notre Mère presque adorée, est en train de se déformer .

Oui, voir l’Épouse du Christ défigurée par les péchés de ses fils indignes, au point qu’ils semblent renier avec dérision les idéaux de sainteté fixés par son époux très aimant, nous fait mal au cœur. Mais même dans ces conditions, les fidèles sont capables de discerner, grâce à l’instinct secret accordé par l’Esprit Saint, la vérité qui résonne encore, de même que les Mages ont su discerner dans les lèvres des scribes qu’à Bethléem la promesse s’accomplirait.

Une fois l’épreuve terminée, les Rois se mirent en route. L’étoile se remit à briller , l’espérance renaît et ils arrivèrent à la Cité de David . Là, ils adorèrent le Nouveau-né, contemplant – avec les yeux de la foi – dans ce Petit, le Dieu immense et majestueux. Nous aussi, guidés par l’étoile brillante de l’Évangile et ayant lutté jusqu’au bout, nous parviendrons au Ciel, où nous recevrons un prix incommensurable : la compagnie céleste de Jésus, Marie et Joseph, dans la vision éternelle de Dieu  .

 

Père Carlos Javier Werner, EP     

 

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Rédigé par Philippe

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Publié le 4 Novembre 2024

 

 

 

 

Image du Christ récupéré de la boue laissée par les inondations dans la municipalité valencienne de Paiporta,

 

 

 

+ JOUR DES MORTS

Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU

Abbé de Notre-Dame de Fontgombault

(Fontgombault, le 2 novembre 2024)

Requiem æternam dona eis Domine. Donnez-leur, Seigneur, le repos éternel.

 

Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,

Hier, la vision de l’auteur de l’Apocalypse nous a conduits au pied du trône de l’Agneau.

Une multitude de toutes nations, tribus et langues se tient debout, louant et proclamant la grandeur de Dieu et ses merveilles pour l’éternité.

Une dans la louange, cette foule est d’abord une par la charité qui est communion avec Dieu, vision de paix, ce repos éternel que nous avons imploré dans le chant de l’Introït. Telle n’est pas la vision qu’offre l’autre lieu appelé à perdurer pour l’éternité : l’enfer.

Le mal, le péché conduisent à la solitude. Pas de désir de Dieu. Pas d’amour du prochain. Les damnés sont seuls ; tous et chacun, à terre, noyés dans une haine inextinguible qui les ronge et les rongera sans fin : haine des autres damnés, haine de toute créature, haine de Dieu. Pas de repos pour le damné, pas de paix, mais une haine éternelle. Ce drame du pécheur est déjà vécu sur la terre. Il est une invitation à ceux qui sont encore en chemin à implorer le secours du Christ. Enfin, il est un autre lieu appelé à disparaître à la fin des temps où des âmes, séparées de leur corps mais qui attendent de pouvoir rejoindre la béatitude, vivent un temps de purification : le purgatoire. Ces âmes ne sont pas encore prêtes pour la vision de Dieu. Elles la désirent. Ce temps de purification leur est offert comme une miséricorde de Dieu.

L’Église nous invite vivement à intercéder pour ces âmes afin d’abréger leur attente et de combler leur désir. Il n’est pas anodin, dans un monde déchiré par des guerres sans fin, de rencontrer les traits du visage de l’Église, corps mystique du Christ, dans ses membres si divers : Église glorieuse, Église douloureuse, Église pérégrinante ; Église une et sainte, communion de chaque membre avec le Christ et communion de tous dans le Christ. Église une et synodale, c’est-à-dire en possession de la sainteté et en marche, dans ses membres, vers la sainteté.  

 Rappelons les lignes de la Constitution dogmatique du concile Vatican II L'union de ceux qui sont encore en chemin avec leurs frères qui se sont endormis dans la paix du Christ ne connaît pas la moindre intermittence; au contraire, selon la foi constante de l’Église, cette union est renforcée par l'échange des biens spirituels. (n° 49)

Réjouissons-nous donc que le repos éternel de nos frères du Paradis soit un repos actif, et souvenons-nous que nous avons aussi à intercéder pour les âmes du purgatoire.

Les lectures de ce matin nous invitent cependant à considérer une dernière étape de l’histoire de l’humanité : le jugement final et la résurrection des corps : En un instant, en un clin d’œil, quand, à la fin, la trompette retentira. Car elle retentira, et les morts ressusciteront, impérissables, et nous, nous serons transformés... Et quand cet être périssable aura revêtu ce qui est impérissable, quand cet être mortel aura revêtu l’immortalité, alors se réalisera la parole de l’Écriture : La mort a été engloutie dans la victoire... Rendons grâce à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ. (1Co 15,52, 54 et 57)

Saint Jean n’a pas un autre enseignement : Comme le Père... a la vie en lui-même, ainsi a-t-il donné au Fils d’avoir, lui aussi, la vie en lui-même ; et il lui a donné pouvoir d’exercer le jugement, parce qu’il est le Fils de l’homme. Ne soyez pas étonnés ; l’heure vient où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix ; alors, ceux qui ont fait le bien sortiront pour ressusciter et vivre, ceux qui ont fait le mal, pour ressusciter et être jugés. (Jn 5,26-29)

Le mystère de la résurrection des morts est peut-être un des mystères les moins enseignés à l’heure qu’il est, et pourtant, nous le professons chaque dimanche dans le Credo : Et expecto resurrectionem mortuorum et vitam venturi sæculi – Et j’attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir.

Ce mystère est l’objet d’une attente, d’une double attente : la résurrection des corps et la vie éternelle. Le Catéchisme de l’Église Catholique reconnaît : Dès le début, la foi chrétienne en la résurrection a rencontré incompréhensions et oppositions (cf. Ac 17,32 ; 1Co 15,12-13). « Sur aucun point la foi chrétienne ne rencontre plus de contradiction que sur la résurrection de la chair. » (S. Augustin, Psal. 88,2,5).

Il est très communément accepté qu’après la mort la vie de la personne humaine continue d’une façon spirituelle. Mais comment croire que ce corps si manifestement mortel puisse ressusciter à la vie éternelle ? (n°996)

Mais qu’est-ce que ressusciter ? Dans la mort, séparation de l'âme et du corps, le corps de l'homme tombe dans la corruption, alors que son âme va à la rencontre de Dieu, tout en demeurant en attente d'être réunie à son corps glorifié. Dieu, dans sa toute-puissance, rendra définitivement la vie incorruptible à nos corps en les unissant à nos âmes, par la vertu de la Résurrection de Jésus. (n°997)

Cet événement arrivera à la fin des temps. Quant au comment, il « dépasse notre imagination et notre entendement; il n'est accessible que dans la foi. » (ibid. n°1000) Et pourtant, malgré cela, nous devons attendre dans l’espérance ce moment.

Le Catéchisme souligne que si notre corps est appelé à ressusciter et à vivre dans l’éternité, c’est qu’il le mérite, c’est qu’il a une certaine beauté.

D’où lui vient cette beauté ? Le Catéchisme poursuit en évoquant le jour de la fin du monde : Dans l'attente de ce jour, le corps et l'âme du croyant participent déjà à la dignité d'être « au Christ » ; d’où l’exigence de respect envers son propre corps, mais aussi envers celui d’autrui, particulièrement lorsqu’il souffre : Le corps est pour le Seigneur, et le Seigneur pour le corps. Et Dieu, qui a ressuscité le Seigneur, nous ressuscitera, nous aussi, par sa puissance. Ne savez-vous pas que vos corps sont des membres du Christ ? ... Vous ne vous appartenez pas... Glorifiez donc Dieu dans votre corps (1Co 6,13-15 6,19-20). (n°1003 et 1004) Peut-être vaut-il la peine pour finir de rappeler le verset qui conclut le développement de l’Apôtre sur la résurrection des corps : Ainsi, mes frères bien-aimés, soyez fermes, soyez inébranlables, prenez une part toujours plus active à l’œuvre du Seigneur, car vous savez que, dans le Seigneur, la peine que vous vous donnez n’est pas perdue.

Que Notre-Dame du Bien-Mourir, qui est aussi Notre-Dame du bien vivre, Vierge glorieuse et Mère aimante, conduise ses enfants encore dans la vallée de larmes aux portes du Paradis.

Amen.

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Rédigé par Philippe

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Publié le 31 Mars 2024

 

 

 

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JOUR DE PÂQUES

Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU

Abbé de Notre-Dame de Fontgombault

(Fontgombault, le 31 mars 2024)

 

 

Salve...Dies prima Salut, premier des jours !

(Séquence d’Adam de St Victor)

Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,

« Vanité des vanités, tout est vanité !... Ce qui a existé, c’est cela qui existera ; ce qui s’est fait, c’est cela qui se fera ; rien de nouveau sous le soleil » (Qo 1,2 ;9) se lamente Qohéleth. « Fumée de fumées, dit Qohélèt ; fumée de fumées, tout est fumée » traduit de manière imagée André Chouraqui.

L’histoire de l’humanité ne serait que vide, néant, dédale sans fin avec un retour inéluctable à la case départ. De la désobéissance de nos premiers parents Adam et Ève, et du meurtre d’Abel à la dernière victime des conflits fratricides qui ensanglantent sans fin notre terre, tout ne semble que néant. Tout ne semble que haine.

Cette lourde chape s’était abattue aussi sur les disciples du Seigneur il y a trois jours. Le soleil vient de se lever en ce lendemain de sabbat ; un soleil comme le soleil de tous les jours. Sur le chemin qui les mène vers le tombeau où le corps du Seigneur a été déposé, Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé, munies de leurs aromates, n’ont qu’une inquiétude :

«Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? » (Mc 16,3)

Cette pierre qui les sépare du Seigneur est lourde en effet, lourde de tout le mal de l’histoire humaine, lourde tout particulièrement de ce dernier crime, la mort de l’Innocent, la mort de celui qui s’était dit Fils de Dieu, pain de vie et source de salut. Un homme pourrait-il rouler cette pierre ?

Mais voici que la pierre est roulée. À la place du cadavre se trouve un jeune homme vêtu de blanc : « Ne soyez pas effrayées ! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. » (ib. v.6)

Quelques pauvres mots chargés d’un grand mystère : ce que l’homme ne pouvait pas faire, Dieu l’a fait. L’heure de la réconciliation entre Dieu et l’homme a sonné. Ces quelques mots vont résonner de bouche en bouche sur toute la terre jusqu’à aujourd’hui : « Il est ressuscité. » «

Comme ils sont beaux sur les montagnes, les pas du messager, celui qui annonce la paix, qui porte la bonne nouvelle, qui annonce le salut, et vient dire à Sion : « Il règne, ton Dieu ! » (Is 52,7) annonçait le prophète Isaïe. La prophétie est accomplie. Des femmes en sont les ambassadrices.

Après être apparu à Marie-Madeleine et l’avoir appelée par son nom, aux disciples d’Emmaüs, à Pierre, Jésus apparaît enfin aux disciples : « La paix soit avec vous ! » (Jn 20,19)

Fumée de fumées, tout ne serait que fumée ? Non, ce jour n’est pas comme un autre jour. Ce jour est le jour que le Seigneur a fait ; le jour où la paix divine s’épanche sur la terre, un jour unique, un jour sans fin, le jour qu’espérait Qohéleth sans pouvoir l’imaginer.

Nous venons de le chanter en nous adressant au Christ : « Les tristes chaînes de la loi infernale se sont rompues ; le chaos s’épouvante d’être terrassé par votre visage de lumière. » (Hymne Salve festa dies, str. 7) Vivons à la lumière de ce jour sans fin.

Il faut reconnaître pourtant que pour beaucoup d’hommes et de femmes, il en sera de ce jour comme d’hier et comme de demain. Il en allait ainsi pour les contemporains des apôtres en ce matin de Pâques. Il en va ainsi aussi pour nous quand nous manquons de foi.

Au vu de la situation dans le monde, dans l’Église, parfois dans nos familles et dans nos communautés, la tentation demeure grande de faire chorus avec Qohéleth : « Vanité des vanités, tout est vanité ! » (Qo 1,2)

N’avançons pas sur ce chemin. Ne laissons pas la petite musique du murmure, de la désespérance, répandre ses harmonies maléfiques dans notre cœur.

En ce matin de Pâques, le Seigneur nous offre sa paix ; cette paix que les anges avaient annoncée dans la nuit de Noël : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’il aime. » (Lc 2,14) La preuve est donnée de cet immense amour. Il a donné sa vie pour nous.

Cette paix, c’est celle que le Seigneur a promise à ces disciples : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. » (Jn 14,27)

Non, cette paix n’est pas une paix éphémère, une paix de compromis. Cette paix féconde se déploie dans le don d’une nouvelle vie :

Si par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ qui, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts.

(Rm 6,4)

Cette paix, notre devoir est de la partager. « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. » (Mt 5,9)

Aussi, nous allons l’implorer dans une prière universelle particulièrement ornée pour la sainte Église catholique, pour le Saint- Père et ceux qui l’entourent dans sa tâche de gouvernement et d’enseignement, pour les évêques, les prêtres et tous les ministres, pour la conversion des peuples et leur tranquillité, et enfin pour notre propre cité, pour notre pays et ses habitants.

En ce matin de Pâques, le Seigneur nous invite au don de la paix. Quel est celui, membre de ma famille, de ma communauté, de mes amis, de mes collègues, qui a le plus besoin du don de la paix ? La mission nous incombe de faire mentir Qohéleth. Non ! Tout n’est pas vain. Tout ne mène pas au désespoir. Aux ténèbres du Vendredi saint succède la lumière éclatante du Christ glorieux triomphant du tombeau. Et cette lumière veut éclairer aussi ma vie, pourvu que je l’accueille.

Envers qui le Seigneur m’appelle-t-il à devenir ambassadeur de sa paix ? Rien de nouveau sous le soleil ? Non, il n’en sera pas ainsi pour celui qui marche à la lumière du Christ ressuscité.

Il n’en allait pas ainsi pour la Vierge Marie. Les évangélistes demeurent discrets sur sa présence, sur sa place en ces heures. Il est de tradition de croire que le Seigneur a réservé pour sa Mère sa première visite. À celle qui n’avait pas perdu la paix, le Christ ressuscité est venu offrir un surcroît de paix. Aussi Marie mérite- t-elle le titre de Regina Pacis – Reine de la Paix. Cette paix, elle s’en est fait messagère comme à l’Île-Bouchard le 11 décembre 1947 : « Je donnerai du bonheur dans les familles. »

Puissions-nous recevoir ce bonheur qui vient du ciel et l’annoncer  aux confins de la terre. Alors ce sera vraiment Pâques pour nous, pour le monde, le passage de la mort à la vie, des ténèbres à l’éternelle lumière.

Le Christ est ressuscité. Il est vraiment ressuscité.

Saintes Pâques, Amen, Alleluia.

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Rédigé par Philippe

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Publié le 29 Mars 2024

 

 

 

 

 

Les heures que nous vivons au rythme de la liturgie, nous mettent en présence de deux univers radicalement opposés : celui de la haine, celui de l’Amour.

Il y a le monde dans ce qu’il a de plus bas, de plus vil. Le monde qui s’acharne sans pitié sur l’Innocent et qui décide arbitrairement qui doit vivre et qui doit mourir : Jésus ou Barabbas.

Au cœur de ce monde, et alors qu’au-delà des murs de la salle du Cénacle le complot visant à le faire mourir se noue, Jésus réunit ses disciples et leur lègue un Testament vivant, le plus bel héritage qui puisse être : son Corps et son Sang. Cet héritage, le Seigneur le livre dans un écrin : le repas pascal et le long discours qui le conclut. Revivons ces instants.

Jésus commence par envoyer Pierre et Jean : « Allez faire les préparatifs pour que nous mangions la Pâque. »

Ceux-ci répondent : « Où veux-tu que nous fassions les préparatifs ? » Jésus les invite alors à suivre un homme portant une cruche d’eau. Dans la maison où il entrera, eux aussi entreront et ils diront au maître de maison : « Le maître te fait dire : “Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ?” » (v.11)

Comment ne pas penser aux noces de Cana, au début de la vie publique du Seigneur ? Là, l’eau des cruches a été changée en vin. L’heure est venue désormais, où ce qu’annonçait le premier signe de Jésus doit s’accomplir pleinement. L’époux et l’épouse de ces noces d’un genre nouveau, ce sont le Christ et l’Église ; ce sont le Christ et l’humanité. L’heure est venue où le Seigneur scelle la Nouvelle Alliance entre Dieu et l’homme par l’offrande de son Corps et de son Sang, en s’offrant à son Père comme la véritable victime pascale.

Cette Pâque est la dernière que le Christ mangera avec ses disciples : « Jamais plus je ne la mangerai, jusqu’à ce qu’elle soit pleinement accomplie dans le royaume de Dieu... Jamais plus je ne boirai du fruit de la vigne, jusqu’à ce que le royaume de Dieu soit venu. » (Lc 22,16;18) leur dit-il. Le Christ accomplit sa Pâque, et celle-ci s’achève dans la venue sur terre du royaume de Dieu. Désormais, tout homme pourra communier à la Pâque du Seigneur, être baptisé de son baptême, être nourri de son Corps et de son Sang. En cette Alliance, Dieu pardonne, c’est-à- dire passe outre nos péchés et nous réconcilie avec lui.

« Pascha nostrum immolatus est Christus – Notre Pâque a été immolée, c’est le Christ », chanterons-nous le jour de Pâques. (1 Co 5,7)

Malgré ce contexte solennel, les disciples réunis autour du Seigneur se querellent pour savoir celui qui est le plus grand parmi eux. Tel est le cœur de l’homme. Il est très probable que c’est à ce moment, que le Seigneur a accompli envers chacun le geste significatif du lavement des pieds. Dure leçon pour tous. Ce geste apparaît cependant comme une étape incontournable vers la communion au Corps et au Sang du Seigneur.

Saint Paul fait écho à cet enseignement en s’adressant à ses Corinthiens, dans les versets qui précèdent l’épître que nous venons d’entendre et le récit de l’Institution :

Quand votre Église se réunit, j’entends dire que, parmi vous, il existe des divisions, et je crois que c’est assez vrai, car il faut bien qu’il y ait parmi vous des groupes qui s’opposent, afin qu’on reconnaisse ceux d’entre vous qui ont une valeur éprouvée. (1 Co 11,18-19)

Communier, c’est vouloir vivre de la vie de Dieu, et vivre de la vie de Dieu implique de vivre en cohérence avec les enseignements de Dieu qui, dans le Christ, s’est fait serviteur et a offert sa vie pour ses amis. « Faites cela en mémoire de moi. » (ib v.24 et 25)

L’institution des sacrements de l’eucharistie et de l’ordre s’achève par un long discours rapporté par saint Jean. Retenons de ces enseignements que l’appartenance à l’Église se fait dans la communion au Christ. Il est la vigne, nous sommes les sarments. Le Christ n’est pas divisé contre lui-même. En lui, nous sommes et nous devons être un. Entendons cet appel à favoriser l’unité au sein de l’Église par nos actes et nos paroles.

Après ce moment unique d’intimité, il est temps de gagner le Mont des Oliviers. Bientôt Judas arrive avec la troupe. Les disciples se dispersent. Que restera-t-il du testament de Jésus ?

Qu’en sera-t-il aussi pour nous ce soir ? Qu’en est-il à chaque fois que nous recevons le Corps et le Sang du Christ ? Demeurons-nous en Dieu ? Dieu demeure-t-il en nous ? Sommes-nous un dans le Christ, serviteurs de son amour ?

Dom Delatte, troisième Abbé de Saint-Pierre de Solesmes, écrivait :

La transsubstantiation qui s’accomplit sur l’autel entre les mains de chaque prêtre, entre nos mains, met le Seigneur à la portée de chacun. Encore nous faut-il observer que la conversion merveilleuse qui s’accomplit sur l’autel n’est pour le Seigneur qu’un moyen. Elle est ordonnée à une autre transsubstantiation, définitive, celle-là : « sicut misit me vivens Pater, et ego vivo propter Patrem : et qui manducat me, et ipse vivet propter me. – De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. » (Jn 6,57)  Le Seigneur ne vient en nous que pour nous changer en lui. Celui qui est acte [il s’agit de Dieu] ne peut être simplement témoin et spectateur. Il a pour dessein d’orienter et de gouverner lui-même notre vie et notre activité, de nous transformer spirituellement en lui, et de nous transsubstantier à notre tour : « qui adhæret Domino unus spiritus est. Celui qui s’unit au Seigneur ne fait avec lui qu’un seul esprit. » (1Co 6,17)

(Dom DELATTE, Notes sur la vie spirituelle, ch. 3, VII.2, § 181)

Pour autant, cette transformation spirituelle en Dieu, cette vie de Dieu qui veut venir en nous, ne peut se faire sans nous.

En ces jours saints, alors que le Seigneur va se reposer au tabernacle et qu’il nous invite à veiller à ses côtés, à nous unir à son agonie tout particulièrement en cette nuit, prenons un peu de temps pour Dieu. Rappelons l’exhortation de saint Anselme citée par le Pape François dans l’homélie du mercredi des cendres :

Fuis un moment tes occupations, cache-toi un peu de tes pensées tumultueuses. Rejette maintenant tes pesants soucis, et remets à plus tard tes tensions laborieuses. Vaque quelque peu à Dieu, et repose-toi quelque peu en Lui. Entre dans la cellule de ton âme, exclus tout hormis Dieu et ce qui t'aide à le chercher ; porte fermée, cherche-le. Dis maintenant, tout mon cœur, dis maintenant à Dieu : « Je cherche ton visage, ton visage, Seigneur, je le recherche. » (Proslogion, 1)

En ces heures qui nous séparent de la grande vigile pascale, recevons le commandement nouveau comme la boussole de notre vie. Recevons la force de l’accomplir dans une communion renouvelée au Corps et au Sang du Seigneur : « Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. » (Jn 13,34)

Amen.

 

 

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Publié le 26 Décembre 2023

 

 

 

 

 

 

 

+

Laissons-nous donc, en ces saints jours, illuminer par la splendeur vivifiante du Verbe de Dieu incarné. Accueillons la vraie paix qui vient du ciel et que le monde attend de nous. Nous n’épuiserons pas le mystère de cette naissance. Laissons-nous nous épuiser dans son adoration. Apprenons de Marie, la Vierge du sourire, à faire de notre vie un sourire à Dieu, une adoration sans fin de son mystère.

Christus natus est nobis. Venite adoremus. Saint et joyeux Noël. Amen, Alléluia.

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Publié le 8 Décembre 2023

 

 

 

 

nd de Lourdes à Fontgombault 

 

 

L’Église chaque soir à l’office des vêpres nous fait entonner le Magnificat. « Le Puissant fit pour moi des merveilles. Saint est son nom ! » (Lc 1,49)


Oui, le Puissant a fait pour Marie des merveilles, mais Marie pour le Tout-Puissant, et pour nous aussi, a fait des merveilles en laissant fructifier les dons de Dieu.

Son œuvre n’est toujours pas achevée. Au terme de sa vie sur la terre, portée corps et âme au Ciel par les Anges, elle intercède pour nous afin que nous soyons délivrés de toute faute, comme nous le fait demander la secrète de cette Messe.


À quelques semaines de Noël, la fête de l’Immaculée Conception s’inscrit comme en prélude aux merveilles à venir que Dieu va accomplir à travers son incarnation.
Ces bonnes nouvelles sont pour nous, et pour tous les
hommes de notre temps. Annonçons-leur que Dieu se penche
sur toute vie humaine dès son commencement. « Sa miséricorde
s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. » (Lc 1,50) Invi-
tons-les sans relâche à le bénir et à proclamer la sainteté de son
nom. De lui, tout homme reçoit la vie, le mouvement et l’être. (cf. Act 17,28)


Que Notre-Dame, Immaculée Conception, la « Comblée de grâce », nous conduise par un chemin sûr vers la cité céleste afin que, voyant Jésus, nous goûtions aux joies de l’éternité.
Amen.

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Publié le 8 Novembre 2023

 

 

 

"Bienheureux les morts qui meurent dans le Seigneur. Notre prière se résume à implorer cette grâce : mourir dans le Seigneur. La mort pour le chrétien n’est donc pas un instant solitaire. Elle est appelée à être vécue avec Jésus, en communion avec lui.

Elle doit se vivre aussi avec Marie, Notre-Dame du bien mourir, celle que nous invitons si souvent à prier pour nous « maintenant et à l’heure de notre mort. »

Enfin, c’est toute la cour céleste, en particulier notre Ange gardien, notre saint patron, ceux que nous connaissons et qui nous ont précédés qui intercèdent pour nous.

Mais la mort n’est pas que l’affaire des puissances célestes. Nos proches, selon les dispositions de la Providence, sont appelés à nous assister, fortifiant notre espérance qui parfois peut défaillir jusqu’aux portes de la mort, ce moment où terre et ciel sont si proches. Au delà de la souffrance de la séparation, il leur revient d’abandonner, de remettre à l’infinie miséricorde de Dieu celui ou celle qu’ils ont reçu, il y a parfois bien longtemps, à titre d’époux, d’épouse, de père, de mère, de frère, d’ami.

Comme l’affirmait le Père Sertillanges :

La famille ne se détruit pas; elle se transporte.- Une part d'elle va dans l'invisible... Fidèles, nous ne laissons pas de places vides ; l'amour et l'espérance les occupent, et, par eux, nos aimés sont là. On croit que la mort est une absence, quand elle est une présence secrète. On croit qu'elle crée une infinie distance, alors qu'elle supprime toute distance en ramenant à l'esprit ce qui se localisait dans la chair. (Nos disparus, p.10)

L’instant de la mort, porte de la vie, de la vraie et définitive vie en Dieu, est un instant sacré. Il se prépare. Il se cultive, et cette culture se fait durant le temps de la vie. Mort et vie sont intime- ment liées. Si la mort perd son sens, alors la vie perd aussi le sien. Il n’est pas difficile de comprendre alors pourquoi l’Église a choisi des passages du discours sur le Pain de vie comme évangiles de la deuxième et de la troisième Messes de ce jour :

Telle est la volonté de Celui qui m’a envoyé : que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour. Telle est la volonté de mon Père : que celui qui voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. (Jn 6,39-40)

Cette volonté du Père passe à travers le don qu’il fait de chacun de nous au Fils. « Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire, et moi, je le ressusciterai au dernier jour, » affirme Jésus. (v.44) Et cette union avec le Christ se nourrit et s’accomplit dans la communion :

Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. (Jn 6,53-54)

Évoquer la mort des chrétiens en Dieu ne doit pas nous faire oublier la volonté de Dieu que tous les hommes soient sauvés. (cf. 1 Tm 2,4) Le monde, de plus en plus étranger au sens chrétien de la mort, considère celle-ci  comme un point final, conclusion d’une existence qui allait s’épuisant, d’une existence qui semble ne servir à rien. A la miséricorde de Dieu, on substitue une pseudo-miséricorde à la mode du monde, la grâce supposée d’une mort heureuse assurée par l’euthanasie.

L’Église accompagne le mourant. Le monde le regarde mourir, quand il ne lui procure pas la mort.

Que dire aussi de l’avortement, alors que notre pays semble se préparer à introduire dans sa constitution un droit à l’avortement ? Lourde responsabilité pour les législateurs, qui abandonnent les plus faibles en attribuant « à la liberté humaine un sens pervers et injuste, celui d'un pouvoir absolu sur les autres et contre les autres. » ( Jean Paul II, Evangelium vitae, n°20).

Que peut faire l’Église ? Elle pleure et elle prie. Elle confie à la miséricorde de Dieu les victimes de la « culture de mort » qui enserre toujours plus le monde, afin que Dieu leur offre au plus vite le Ciel. Elle prie aussi pour la conversion et le salut de tant d’hommes et de femmes qui font le mal en tuant leur prochain.

 

 

 

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Publié le 2 Novembre 2023

 

 

 

+ TOUSSAINT

Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU

Abbé de Notre-Dame de Fontgombault

(Fontgombault, le 1er novembre 2023)

 

 

Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,

Situé entre Capharnaüm et Génézareth, le Mont des Béatitudes offre au pèlerin une vue splendide sur le lac de Tibériade et les monts environnants. Le regard embrasse la Terre Sainte devenue pour beaucoup aujourd’hui... et depuis si longtemps... un enfer. Là se trouvent tout à la fois des pauvres de cœur, des hommes qui pleurent, qui ont faim et sont assoiffés de justice. Là se trouvent aussi des doux, des miséricordieux, des artisans infatigables de paix.

C’est là que les paroles du Seigneur prononcées au début de sa vie publique ont retenti. Depuis, les Béatitudes ont traversé les siècles, toujours actuelles. Premier enseignement du Seigneur rapporté par saint Matthieu, elles sont la norme de la morale chrétienne.

Avant d’entreprendre un voyage, il est souhaitable de s’entendre sur la destination. « Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse car votre récompense est grande dans les cieux ! » (Mt 5,12)

La récompense, le terme du voyage, c’est le ciel, le royaume des cieux, la vision de Dieu face à face, la béatitude éternelle.

Mais qu’en est-il du voyage ? Ressemble-t-il à ces croisières touristiques qui, après quelques jours de plaisirs futiles, reconduisent leurs passagers au point de départ avec l’amertume de l’incontournable retour au quotidien ? Il ne semble pas. La vie n’est pas une distraction passagère, elle est un chemin accepté et parfois difficile vers l’éternité.

Le Seigneur ne cache pas que la quête de la béatitude engage l’homme sur une route exigeante : le chemin de la sainteté. Celui qui veut répondre à l’appel du Christ et le suivre dans cette voie est invité à pratiquer la charité dans la vérité, et ce dans toute situation où il se trouve. Faire un tel choix et s’y tenir dans la durée n’est pas si facile.

Ainsi, Benoît XVI enseignait dans l’encyclique Spe Salvi :

Souffrir avec l'autre, pour les autres ; souffrir par amour de la vérité et de la justice ; souffrir à cause de l'amour et pour devenir une personne qui aime vraiment – ce sont des éléments fondamentaux d'humanité ; leur abandon détruirait l'homme lui-même... Nous en avons besoin pour préférer, même dans les petits choix de la vie quotidienne, le bien à la commodité – sachant que c'est justement ainsi que nous vivons vraiment notre vie. Disons-le encore une fois : la capacité de souffrir par amour de la vérité est la mesure de l'humanité ; cependant, cette capacité de souffrir dépend du genre et de la mesure de l'espérance que nous portons en nous et sur laquelle nous construisons. Les saints ont pu parcourir le grand chemin de l'être-homme à la façon dont le Christ l'a parcouru avant nous, parce qu'ils étaient remplis de la grande espérance. (n°39)

Préférer le bien à la commodité parce que nous sommes animés de cette grande espérance, c’est prendre le chemin en apparence banal, mais en fait très exigeant de la béatitude. L’âme de la vie chrétienne, c’est l’espérance.

Évoquons l’homme rencontré par Jésus au détour d’un chemin et qui lui demanda : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? » (Mc 10,17) La question témoigne d’une attente, et le Seigneur répond en deux temps.

D’abord, il l’invite à la pratique des commandements, qui, même lorsqu'ils sont des interdits, sont toujours des paroles de vie. Connaître et fréquenter l’Écriture Sainte, le Catéchisme de l’Église Catholique, faire le nécessaire pour les comprendre, pour les accueillir et enfin les mettre en pratique, apparaît pour nous comme une première réponse à l’invitation du Seigneur. L’homme riche avait déjà compris cela : « Maître, tout cela, je l’ai observé depuis ma jeunesse. » (v. 20) Pourtant cet homme aspire à plus.

Jésus ajoute : « Une seule chose te manque : va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel. Puis viens, suis-moi. » (Mc 10,21)

Le Pape Benoît, devenu émérite, écrivait à l’occasion du centenaire de la naissance du pape saint Jean-Paul II :

L’expression « vertu héroïque » ne signifie pas une espèce d’exploit olympique, mais bien que, dans un fidèle, se révèle quelque chose qui ne vient pas de lui et qui rend l’œuvre de Dieu visible en lui et à travers lui. Il ne s’agit pas d’une compétition morale, mais de renoncer à sa propre grandeur. Ce qui est en cause, c’est qu’une personne laisse Dieu travailler en elle, et ainsi le travail et la puissance de Dieu deviennent visibles à travers elle. (Lettre du 18 mai 2020).

Laisser Dieu travailler en soi, c’est non seulement ne pas poser d’obstacle à la grâce, mais c’est s’abandonner à son action. C’est accepter de se laisser dépouiller par elle tout en demeurant certain que Dieu ne délaisse jamais celui qui le cherche en vérité dans ce qui pourrait ressembler à une impasse, selon ce que nous chantions dans le graduel : « Craignez le Seigneur, vous tous qui êtes ses saints ; car rien ne manque à ceux qui le craignent. Ceux qui cherchent le Seigneur ne seront privés d’aucun bien. »

Ainsi, par la grâce de Dieu, le lieu des souffrances les plus atroces est appelé à devenir un lieu de quête de l’éternité, un lieu de louange à travers l’œuvre des saints. Pensons par exemple à saint Maximilien-Marie Kolbe, enfermé dans le bunker de la faim du camp d’Auschwitz-Birkenau et exhortant ses neuf compagnons à attendre la mort dans la dignité. Pensons aux hommes et aux femmes, aux religieux et religieuses, aux prêtres qui aujourd'hui dans Gaza assiégée offrent leur vie pour accompagner parfois vers la mort leurs frères et sœurs en huma- nité. « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai, » proclame le verset de l’Alleluia.

La douceur, la miséricorde, la paix sont toujours à l’ordre du jour du disciple du Christ et doivent rayonner de sa personne. Celui qui est en paix avec Dieu est missionnaire de cette paix. N’oublions pas que si les béatitudes ouvrent l’enseignement du Seigneur, elles se poursuivent dans un puissant appel à la mission :

Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur ?... Vous êtes la lumière du monde... De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. (Mt 5, 13-14 ;16-17)

Avançant sur le chemin exigeant de la sainteté, nous pouvons compter sur l’intercession de nos frères du ciel, et en particulier de Notre-Dame et mère, la Reine des saints. Avec sainte Berna- dette, redisons avec confiance :

Fiat...pour la vie. Fiat...pour la souffrance. Fiat...pour la mort...Fiat, toujours, ô Mère, en votre doux cœur.

Amen.

 

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Publié le 17 Octobre 2023

 

 

 

 

 

 

+ DÉDICACE

Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU

Abbé de Notre-Dame de Fontgombault

(Fontgombault, le 12 octobre 2023)

 

 

Hodie in domo tua oportet me manere.

Aujourd’hui en ta maison, il me faut demeurer. (Lc 19,5)

Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,

Comment interpréter la demande du Seigneur? Ne manque-t-elle pas de discrétion ? Le Seigneur semble pressé : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. » Le chef des publicains et collecteur d’impôts s’exécute sans prendre le temps de réfléchir, et en grande joie reçoit le Seigneur en sa demeure.

Mais quelle est donc cette demeure ?

Sa demeure, son repaire plutôt, c’est le lieu où Zachée a entassé les espèces que lui et ses fondés de pouvoir avaient pour mission de collecter en lieu et place des Romains. Cette œuvre, il l’avait choisie. Il en avait même acquis l’office à grand prix auprès des dirigeants. S’avilir en travaillant au service de l’occupant ne pouvait que susciter un profond mépris de la part de ses frères de race. A cela s’ajoutait l’usage de réclamer plus que le dû. Les publicains apparaissaient donc comme des fraudeurs qui s’enrichissaient aux dépens des contribuables. Déjà saint Jean Baptiste les avait invités à s’examiner sur ce point et à agir avec justice : « N'exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. » (Lc 3,13) Mais eux n’en avaient cure. L’argent, le profit était leur dieu. Aucun souci pour eux, ni du prochain, ni de Dieu, le juste juge.

Le fait que Jésus s’intéresse à de tels hommes était donc susceptible d’étonner et lui vaudra à plusieurs reprises des critiques : « Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ? » (Mt 9,11) susurrent les pharisiens. Ce reproche advient précisément dans cette circonstance, alors que Jésus a invité un homme du nom de Matthieu, assis à sa table de collecteur d’impôts à le suivre.

Le Seigneur avait alors répondu :

Ce ne sont pas les gens bien-portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Allez apprendre ce que signifie : Je veux la miséricorde, non le sacrifice. En effet, je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. (Mt 9,12-13)

Comme Matthieu a quitté sa table pour suivre Jésus, Zachée, lui, a quitté sa maison pour venir simplement voir Jésus. Il n’ose se joindre à la foule. Sa taille l’en empêche. Peut-être surtout est-il étreint par la honte ? Tous, ils ne le connaissent que trop. Peut-être même en ont-ils peur ?

Pourtant, ces premiers pas vers Jésus attestent de la puissance de la grâce à l’œuvre dans le cœur de Zachée !

Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur... Nul ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre.

Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent.

(Mt 6,21 ;24)

Zachée a donc renoncé à son dieu et chemine vers le vrai Dieu. Le vrai bonheur, il ne l’avait pas encore trouvé. Son cœur avait besoin d’être consolé de sa solitude. Et comme tant d’autres dont le souvenir a été conservé par l’Évangile, c’est auprès de Jésus qu’il a l’intuition de pouvoir trouver la réponse qu’il attend. C’est auprès de lui qu’il croit pouvoir réellement édifier ou réédifier sa maison.

Mais voir Jésus ne suffit pas :

Pourquoi m’appelez-vous en disant : “Seigneur ! Seigneur !” et ne faites-vous pas ce que je dis ? Quiconque vient à moi, écoute mes paroles et les met en pratique, je vais vous montrer à qui il ressemble. Il ressemble à celui qui construit une maison. Il a creusé très profond et il a posé les fondations sur le roc. Quand est venue l’inondation, le torrent s’est précipité sur cette maison, mais il n’a pas pu l’ébranler parce qu’elle était bien construite.

Mais celui qui a écouté et n’a pas mis en pratique ressemble à celui qui a construit sa maison à même le sol, sans fondations. Le torrent s’est précipité sur elle, et aussitôt elle s’est effondrée ; la destruction de cette maison a été complète. (Lc 6,46-49)

La maison construite sur le roc ou sur le sable, ne serait-ce pas la vie humaine ? Construire sur le sable, c’est établir sa vie sur le néant, sur ce qui est fluctuant et sans repère, sur des sentiments et des impressions ; c’est surtout mettre de côté le trésor et le roc qu’est Dieu, ainsi que le prochain.

Pour construire sur le roc, il faut faire le choix de ne pas se construire par soi-même et autour de soi-même, mais bien de savoir recourir à Dieu et au prochain ; c’est marcher à la lumière de l’Église et de sa tradition.

La rencontre de Dieu, de l’Église, du prochain, mettra en lumière les pièces sombres de nos maisons, de nos cœurs. Zachée n’était pas opposé à cela. Il était allé à Jésus avec un cœur ouvert, prêt à écouter sa parole, et non pas avec la volonté de garder ses trésors, ses pratiques.

À la mesure de son offrande à la lumière, la rencontre avec Jésus va bouleverser sa vie de façon concrète et radicale. Le publicain autrefois avare prend une résolution : « Je donne aux pauvres la moitié de mes biens, et si j'ai fait du tort à quelqu'un, je lui rends le quadruple. » (Lc 19,8)

En ouvrant sa maison et son cœur à la présence de Jésus, la maison de Zachée s’ouvre à l’existence du prochain. Désormais, Zachée n’est plus seul. Celui qui était centré sur lui-même devient lui-même miséricordieux après avoir reçu la miséricorde.

Jésus admire : « Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham. » (Lc 19,10) De fait, le lourd rideau s’est levé qui enfermait, étouffait cette maison et ses habitants. Le salut, le Christ Soleil de justice, sont entrés dans cette maison.

L’âme de Zachée, où Jésus a fait désormais sa demeure, est devenue une part de la Jérusalem céleste qui descend du ciel comme un don de Dieu pour chaque homme, et qui est en construction, selon les paroles de l’auteur de l’Apocalypse :

Voici la demeure de Dieu avec les hommes; il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui- même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. (Ap 21,2-3)

Zachée n’aura plus besoin de sortir de sa maison pour aller rencontrer Jésus. Le Seigneur est là, en son cœur. C’est là aussi qu’il rencontre le prochain qu’il redoutait tant, afin d’apprendre à lui faire miséricorde. Ce faisant, Zachée devient apôtre.

Que Notre-Dame, Mère des âmes et Reine des cœurs, intercède pour nous. Qu’elle nous obtienne d’accueillir son Fils en nos maisons, afin qu’il demeure en nous et que le monde demeure en lui.

Amen.

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Rédigé par Philippe

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