Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU Abbé de Notre-Dame de Fontgombault
(Fontgombault, le 12 octobre 2020)
N’ayez pas peur d’accueillir le Christ et d’accepter son pouvoir !
Aidez le Pape et tous ceux qui veulent servir le Christ et, avec la puissance du Christ servir l’homme et l’humanité entière ! N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! À sa puissance salvatrice, ouvrez les frontières des États, les systèmes économiques et politiques, les immenses domaines de la culture, de la civilisation, du développement. N’ayez pas peur! Le Christ sait «ce qu’il y a dans l’homme»! Et lui seul le sait !
(Saint Jean-Paul II, Homélie du 22 octobre 1978)
Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,
Par ces mots, saint Jean-Paul II débutait l’un des pontificats les plus longs et des plus féconds de l’histoire de l’Église.
Ouvrir les portes au Christ, c’est précisément ce que Zachée, le chef des collecteurs d’impôts, vient d’accomplir. Il lui a ouvert les portes de sa maison ; il lui a ouvert les portes de son cœur.
Il ne répondait pas à l’appel d’un saint pape, mais au Christ lui-même : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. » (Lc 19, 5)
Demeurer dans sa maison : un regard furtif, un salut rapide, une brève et simple rencontre, ne suffisent pas. Jésus veut demeurer dans sa maison.
Arrêtons-nous à cette demande du Seigneur. Elle nous est aussi adressée. Quelle place accordons-nous à Jésus ? Une rencontre de temps en temps, ou un véritable séjour ? Le Christ peut-il demeurer en nous ?
Zachée ne temporise pas. Il descend de son sycomore et se met en devoir d’accueillir Jésus sans retard. Il est tout à la joie de la réponse inattendue du Seigneur. Déjà, par l’attention que lui porte Jésus, son cœur est transformé.
Comme il est étonnant de voir que ce privilège de recevoir la visite du Seigneur est incompris par la foule. Ceux qui acclamaient le Seigneur se sentent comme abandonnés par le choix de Jésus de « loger chez un homme qui est un pécheur. » (v. 7) Ils sont choqués de voir Dieu se rapprocher d’un pécheur, alors qu’eux se considèrent comme plus dignes de le recevoir.
Si le choix de Dieu est choquant, celui de Zachée ne l’est-il pas davantage ? Dieu ne risque pas grand-chose en venant chez Zachée. Ce dernier au contraire risque gros. S’il veut être cohérent avec cet accueil du Seigneur, son passé peu honnête doit être remis en question. Tout n’était pas très en ordre dans ce cœur et dans cette maison. En allant au-devant de Jésus qui passait par là, le collecteur d’impôts espérait seulement le voir, pour ensuite pleurer sa misère en laquelle il serait demeuré. Il espérait.
Zachée savait trop bien qu’il ne pouvait prétendre à recevoir le Seigneur ; il n’était pas pur. Et voici que c’est Jésus qui vient à lui. Comme dans la parabole du fils prodigue, ou dans l’épisode des pèlerins d’Emmaüs, quand le Père des miséricordes fait miséricorde, il donne largement ; il donne au centuple.
Mais voilà que Zachée annonce : « Voici, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus. »(v. 8)
Jésus tire alors la morale de cet épisode : « Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham. En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. » (v. 9-10)
Jésus a comblé Zachée : que lui-a-t-il apporté ?
La justice et la charité ont pris la place de la malhonnêteté et de l’attrait du gain dans un cœur. Et au-delà d’une justice purement humaine, Jésus a apporté un don inestimable : le salut, et avec lui la joie, pour un cœur, pour une maison.
La joie semble tellement absente de nos cités ; faut-il en conclure que l’appel du Seigneur s’est tu à jamais ? Est-ce que son écho ne continuerait pas plutôt à résonner aux quatre coins de la terre ? Si vraiment le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu, alors l’appel adressé à tant d’hommes et de femmes dans les pages de miséricorde de l’Évangile continue de résonner.
Le salut d’un monde qui semble perdu passe toujours par l’accueil du Christ. Un optimisme béat, une confiance aveugle dans une gouvernance mondiale qui asservit les peuples au Dieu argent ne sauvent pas. Un monde sans Dieu est et restera triste.
Dieu veut demeurer dans le cœur de l’homme, dans sa maison, et par là dans nos cités. Jean-Paul II ajoutait même les « États, les systèmes économiques et politiques, les immenses domaines de la culture, de la civilisation, du développement. »
Comme il est pénible de voir des hommes revendiquer le droit au blasphème ! Une saine laïcité ne devrait-elle pas commencer par le respect de l’autre et de ses croyances ? Le savoir-vivre disparaît, laissant croître une jungle où la pitié n’existe plus, même la pitié à l’égard des enfants encore dans le sein maternel, ou la pitié à l’égard des personnes âgées et en fin de vie.
Aujourd’hui, la législation s’oriente vers la possibilité pour les parents de refuser à l’enfant, même bien portant, le droit à la vie jusqu’à la veille de sa naissance. Quel pouvoir effrayant ! Aujourd’hui, la législation offre la possibilité de mépriser Dieu contre la croyance de nombreux autres hommes... Comment est-ce possible, si ce n’est par une cohérence infernale ? La mort de Dieu signe la mort de l’homme. Aujourd’hui les tentacules de la culture de mort s’étendent sur le monde. Ils sont toujours plus nombreux, ceux qui se sentent étrangers en leur propre pays, ayant l’impression de vivre une vie à l’envers.
Pourquoi un tel acharnement contre Dieu et contre l’homme ? Le Dieu des chrétiens ferait-il peur ? Pourquoi fait-il peur ? Si le Dieu des chrétiens fait peur, c’est qu’il est le Dieu de la Vie, le Dieu du véritable amour, le Dieu du don gratuit.
Souvenez-vous des premières pages du livre de la Genèse qui rapportent le lien d’intimité établi par Dieu avec l’homme au temps du paradis terrestre. Dieu avait l’habitude de se promener dans le jardin à la brise du soir et d’y deviser avec l’homme et la femme.
L’homme a brisé ce lien. Pourtant, il y a deux mille ans, le Seigneur est revenu marcher sur notre terre. Il a invité Zachée.
Aujourd’hui, rappelons le droit du Dieu Créateur à parcourir notre terre, à rencontrer et inviter chaque être humain et à lui dire: «Aujourd’hui, il faut que j’aille demeurer dans ta maison », en lui offrant le salut et la joie.
Mercredi 19 août dernier ont eu lieu à l’abbaye de Fontgombault dont il fut le troisième Père abbé les obsèques de dom Antoine Forgeot. Il était issu d’une famille bien connue sur la côte basque et les Landes : la famille comptait de nombreux militaires, parmi lesquels Auguste Forgeot (1874-1927), lieutenant-colonel d'artillerie et maire-adjoint d'Anglet, secrétaire de la société d'Encouragement de Bayonne-Biarritz et créateur du Syndicat agricole et de l'association des anciens combattants d'Anglet, lui-même fils du Colonel d'artillerie Lucien Forgeot (il existe une rue du Colonel Forgeot à Anglet où leur propriété sur le plateau Parme avait été sacrifiée sur l'autel des agrandissements de l'aéroport). - (nous aussi on a notre rue à Bayonne et le caveau à Anglet.. ! )
Quant à dom Antoine Forgeot, moine bénédictin que de nombreux souvenirs liaient également à notre région, proche du pape Benoît XVI, il voyait dans la tradition vivante le meilleur moyen de dépasser les clivages idéologiques.
Il avait été rappelé à Dieu le 15 août, fête de l'Assomption, tout un symbole pour ce religieux qui considérait comme essentielle la dévotion mariale : n’avait-il point fait profession monastique précisément un 15 août et reçu la bénédiction abbatiale le 8 décembre, fête de l'Immaculée Conception. Et son successeur à Fontgombault, l’actuel père abbé dom Jean Pateau de préciser : « il y a aussi Notre-Dame du bien mourir, la vierge de l'Abbaye qu'Antoine Forgeot priait et en l'honneur de laquelle il avait composé une prière ».
Homme d’une humilité sans pareil, sage, droit et courageux, dom Antoine Forgeot était le moine bénédictin dans toute sa perfection. Il avait continué dans la voie tracée par ses deux prédécesseurs, essayant à une époque difficile une voie moyenne de fidélité au Saint-Siège et à la tradition monastique et ecclésiale. Ainsi, dès 1984, quand le premier indult de Jean-Paul II autorisa la célébration de la messe traditionnelle à certaines conditions, Fontgombault profita de cette porte ouverte pour célébrer à nouveau selon les livres liturgiques traditionnels. L’abbaye n’obtint alors que la permission de célébrer les messes basses selon cette forme liturgique, avant de retourner en 1988 au rite de toujours, même pour la messe conventuelle, alors qu’elle n’avait jamais abandonné le bréviaire monastique traditionnel ni les anciens usages de la congrégation de Solesmes à laquelle elle appartient.
Dans un entretien publié par l’hebdomadaire « Famille Chrétienne », dom Jean Pateau précise encore qu’à l’opposé d’une « banalisation qui conduit à perdre le sens du sacré » ou d’un « ritualisme qui, en mettant exagérément l'accent sur le rite, en fait l'essentiel et conduit tout aussi réellement à la perte du sens du sacré (…), lorsqu'on voyait le Père Abbé (Antoine Forgeot, ndlr) célébrer, on était frappé à la fois par sa grande fidélité aux rubriques liturgiques, et aussi par son intériorité, par son effacement pour être le plus transparent possible au mystère. Il était comme une fenêtre ouverte sur Dieu ». C'était un point commun avec le Cardinal Ratzinger qu’Antoine Forgeot avait accueilli à Fontgombault à l'occasion d'une rencontre de portée internationale consacrée à la liturgie et organisée à l'abbaye en 2001, après l’avoir plusieurs fois rencontré à Rome.
Et Jean Pateau se souvient d’avoir rendu visite à l’ancien cardinal Ratzinger, entre temps élu pape sous le nom de Benoît XVI, en compagnie du Père Abbé Antoine Forgeot : « nous étions à genoux aux pieds du Saint-Père et qui ayant pris mes mains dans les siennes, me dit : "Demeurez fidèle à l'héritage du cher Père Abbé". A d'autres occasions, le Pape montrera encore sa profonde estime pour le Père Abbé Antoine ».
Car dom Antoine Forgeot aura été un fondateur (Triors, Gaussan, Clear Creek) tout en assurant une grande stabilité à son abbaye, et les hommages qui lui ont été rendus de toutes part en témoignent : « Ils savent comment le Père Abbé s'est investi bien au-delà de ce que lui demandait sa vocation d'Abbé. Tant de communautés ont été aidées par lui. Tant d'hommes et de femmes aussi sont venus frapper à la porte du monastère. Il a su bâtir des ponts, et apporter la paix à des personnes très différentes, par exemple à certains qui étaient déchirés par la crise dans l'Église, et à d'autres qui éprouvaient des difficultés avec la foi ou avec certains enseignements de l'Église ».
Cher Monsieur , Je suis très touché de l'hommage que vous rendez à notre Oncle Dom Antoine Forgeot. Je me suis abonné à votre revue pour mon attachement à mon pays, j'ai vécu sur les terres de Mirambeau, terres que vous mentionnez dans l'article. Il est vrai que je suis donc Angloi¨mais aussi Biarrot, mais aujourd'hui, avec mon épouse et mes trois enfants, je suis Combard. Je n'ai jamais osé demandé à un seul Editeur s'il pensait pouvoir m'orienter vers des ouvrages sur Anglet qui font mention de l'histoire attachante de mon arrière-grand père Auguste Forgeot qui s'est consacré à la ville de son épouse. Comme vous le dites justement les Forgeot sont d'une famille d'Officier depuis le début du XIX° siècle (le premier ancêtre Officier était Commissaire de la Marine). Mais notre histoire à Anglet est davantage liée aux Lasserre et à la Compagnie l'Eglise d'une part (dont le père de Dom Antoine Forgeot a été le directeur) et à notre ancêtre Officier Colonel Carliste (de Navarre, de la Rioja...) Manuel Moneo. Si vous connaissez un livre sur un Anglet susceptible de me convenir, je vous remercie infiniment de me l'indiquer. Bien respectueusement. Guillaume FORGEOT
Eritis mihi testes… usque ad ultimum terræ. Vous serez mes témoins… jusqu’aux extrémités de la terre.(Ac 1,8)
Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,
L’événement de l’Ascension vient clôturer le temps de la présence du Seigneur auprès de ses disciples.
Après la résurrection, le Christ était encore apparu de nombreuses fois à ses amis. Mais contrairement aux trois années de la vie publique, il n’était déjà plus tout le temps avec eux de façon sensible et visible. L’Ascension les prive désormais de cette présence. Le temps est donc venu des dernières paroles, de l’ultime envoi en mission. Trois évangélistes, Matthieu, Marc et Luc s’en souviendront. Quant à saint Jean, il n’évoque pas le moment de l’Ascension, puisque les autres en avaient parlé avant lui, mais conclut son évangile par l’épisode de la pêche miraculeuse au bord du lac de Tibériade. Alors que la nuit s’était passée sans rien prendre, les apôtres voient un individu sur le bord. Ils ne le reconnaissent pas. Celui-ci les invite à jeter à nouveau les filets, qui se remplissent. « C’est le Seigneur ! » (Jn 21,7) s’écrit saint Jean. Après le repas de pain et de poissons pris auprès d’un feu de braise, Jésus, par trois fois pose cette question à Pierre : « M’aimes-tu ? » Puis il ajoute : « Sois le berger de mes agneaux… Sois le pasteur de mes brebis… Sois le berger de mes brebis. » (Jn 21,15-18)
Le thème des dernières paroles du Christ est la mission : « Vous serez mes témoins… jusqu’aux extrémités de la terre », selon saint Luc ; ou encore, dans l’évangile de saint Marc, « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. » (Mc 16,15) L’écho de ces paroles a traversé les siècles.
Nous les entendons aujourd’hui au cœur d’une actualité confuse. En cohérence avec notre nom de chrétien, avons-nous été, et sommes-nous les témoins du Christ ?
Mais que faut-il pour être témoin ? Le fait d’être témoin est fondé sur une volonté du Christ. Nous venons de l’entendre. C’est lui qui a l’initiative d’envoyer en mission. Ce qui est clair pour les apôtres, vaut de façon analogique pour tous les disciples, pour tous les chrétiens. Dans le cas des apôtres, saint Marc va jusqu’à écrire : « Il en créa douze. » (Mc 3,14) Le même verbe est utilisé dans le livre de la Genèse (Gn 1,1) pour évoquer la création de l’univers ou encore dans le livre d’Isaïe (Is 43,1) pour la création du Peuple d’Israël. Cette nouvelle création est le fruit de la prière du Christ (Lc 6,12-13). C’est de la volonté du Christ et de sa prière que découlent notre droit de témoigner et la force qu’il nous faut pour le faire.
Pour être témoin, il faut aussi avoir rencontré le Christ. Au moment de remplacer Judas, Pierre s’adresse aux frères : Il y a des hommes qui nous ont accompagnés durant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi nous, depuis le commencement, lors du baptême donné par Jean, jusqu’au jour où il fut enlevé d’auprès de nous. Il faut donc que l’un d’entre eux devienne avec nous témoin de sa résurrection. (Ac 1,21-22)
Pour la plupart d’entre nous, cela fait bien longtemps que nous avons été marqués par le signe de la Croix, au jour de notre baptême. Que reste-t-il de cette première rencontre ? La situation de l’Église dans nos pays de vieille chrétienté ne refléterait-elle pas la réalité de bien des vies spirituelles, profondément déprimées ? Être témoin du Christ, c’est non seulement avoir un jour rencontré la chair et le sang de Jésus à travers les sacrements, mais c’est surtout vivre en authentique communion avec le Seigneur, puisant dans sa chair et son sang la force de poursuivre la route. De cette communion naît un témoignage véridique qui, de façon ultime, s’exprime au cours des persécutions par le martyre.
Aujourd’hui, c’est avec une profonde tristesse qu’on peut lire que l’expérience des Messes virtuelles retransmises par les nouveaux moyens de communication semble satisfaire un nombre non négligeable de chrétiens. Pour certains, ce mode d’assistance à la Messe permettrait de pallier le manque de vocations sacerdotales. Plus profondément, le fait de se contenter ainsi d’un contact « virtuel » révèle l’état de déshumanisation de notre époque post-moderne.
L’individualisme, nouvelle idole, conduit à ignorer l’humanité de l’autre tant qu’il ne m’est pas utile ; et encore se limitera-t-on souvent à le considérer uniquement d’un point de vue fonctionnel. L’avortement, considéré du côté de ses victimes : l’enfant toujours, la femme et les médecins qui l’accomplissent parfois, l’euthanasie, les peuples et les hommes ployant sous le joug du dieu argent, les familles broyées par la guerre intestine des divorces et des abus, en sont des illustrations.
En face, l’épidémie que nous vivons n’est rien. Et le monde se tait, dans la complicité des États qui souvent soutiennent et promeuvent ces situations. Au soir du Jeudi-saint, Jésus se serait-il trompé ? En aurait-il trop fait, trop dit ? Pourquoi ne s’est-il pas borné à affirmer un vague et lointain amour de Dieu pour l’homme ? Non, les disciples ont bien entendu : « Ceci est mon corps, donné pour vous… Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang répandu pour vous. » (Lc 22,19-20)
À travers la radio, la télévision ou l’internet, avez-vous communié à la chair et au sang du Christ ? Ces moyens d’assister à la Messe ne peuvent être admissibles que dans le cas d’une réelle incapacité ou d’un empêchement insurmontable. Cela a été le cas depuis de longues semaines. Beaucoup de chrétiens ont vécu ce qui est le quotidien de plusieurs monastères de sœurs cloîtrées, privées de l’eucharistie quotidienne par le manque de prêtres. Puissent-ils tous ressentir la douleur de ces moniales et ne pas s’habituer à des Messes virtuelles !
Répondons au don de l’amour divin. La diminution du nombre des vocations sacerdotales et religieuses et la baisse de l’assistance à la Messe ne sont que la conséquence du refroidissement du cœur humain. Le Christ invite tout homme à le rencontrer dans la communion à sa chair et à son sang. Puissions-nous communier demain plus profondément qu’hier, en nous souvenant des paroles du Seigneur. Prions avec ardeur pour demander des vocations.
À l’image de Marie, « la servante du Seigneur » (Lc 1,38),forts de la présence en nous du Seigneur et de son Esprit, prenons le bâton du pèlerin de la charité pour aller à la rencontre de tout homme, à commencer par le plus proche.
La fête de la Pentecôte promet sur chacun d’entre nous une effusion renouvelée de cet Esprit. Préparons-nous à sa venue en récitant la séquence de la Messe de cette fête : Veni Sancte Spiritus !
Ce matin a débuté le Triduum sacré ; trois jours qui s’achèveront au matin de Pâques par l’annonce, apportée par quelques femmes aux disciples, de la découverte de la pierre roulée et du tombeau vide. Il est ressuscité. Ces jours sont au cœur de notre foi.
Bien des années se sont écoulées depuis deux mille ans. Les pèlerins de Jérusalem, encore aujourd’hui, peuvent en désigner le lieu : c’est ici, dans cette ville, à cet endroit, qu’il est ressuscité. Mais ce lien avec le passé est-il le seul à avoir traversé les siècles ?
Après les paroles de la consécration du pain et du vin, comme le rapporte l’épître de saint Paul aux Corinthiens, mais aussi saint Luc (cf. 22,19), le Seigneur a donné à ses apôtres un commandement : « Faites cela en mémoire de moi », instituant par ces mots le sacrement de l’Eucharistie.
Cette demande du Seigneur peut paraître aujourd’hui paradoxale, alors que tant d’églises sont fermées en ces jours saints, et que tant de chrétiens, depuis des semaines, n’ont pu accéder aux sacrements de l’Eucharistie et de la pénitence.
Au-delà de la période particulière que nous vivons, il faut ajouter le fait que dans nos pays de vieille chrétienté, les vocations sacerdotales se font rares. Comment fera-t-on pour répondre à cette demande du Seigneur dans 20, 10, ou peut-être seulement 5 ans ?
Ce soir, nous faisons mémoire, de façon solennelle, de l’acte accompli par le Seigneur au milieu de ses disciples. Mais s’agit-il d’un simple repas dont le souvenir serait à perpétuer ?
Ce que Jésus a vécu « la nuit où il était livré » est un mystère.
En tant que tel, il comporte une face visible et une face cachée : une dimension facilement accessible aux sens, et une dimension spirituelle, en partie saisissable par l’intelligence, et en partie cachée, à recevoir dans la foi. Jésus donne donc cet ordre : « Faites cela en mémoire de moi. » Il s’agit bien d’un ordre : « Faites. » Il émane d’un homme, du Cœur Sacré de Jésus, de Dieu. Toute parole qui vient de ce Cœur ne peut qu’être l’expression d’un amour immense. L’invitation du Seigneur désigne donc le sacrement de l’Eucharistie comme le lieu privilégié où Dieu veut nous rencontrer. En le recevant, nous recevons non seulement la grâce, mais l’Auteur même de la grâce.
Les prêtres obéissent à l’ordre donné par le Seigneur en demeurant assidus à la célébration quotidienne de la Messe, et les fidèles y répondent en recevant ce sacrement aussi souvent que possible. Mais Jésus n’a pas dit seulement : « Faites », il a dit : « Faites cela en mémoire de moi. » Trop souvent, notre agir se résume au « faire », au « faire pour faire ». Jésus a dit : « Faites cela en mémoire de moi. »
Faire mémoire d’une personne ne peut se limiter à rappeler un moment convivial, tel qu’a pu être celui de la Cène pour le Christ et ses apôtres. Le contexte de l’événement n’est d’ailleurs pas celui d’un repas banal. C’est le repas pascal.
Jésus accomplit le rite prescrit à Moïse et au peuple hébreu, au moment où celui-ci se préparait à fuir l’Égypte. Avec Jésus, ce rite prend une tout autre signification, ou plutôt, il reçoit sa signification plénière. Accompli pour quelques Hébreux retenus en Égypte, puis réitéré par leurs descendants en action de grâce pour la fidélité et la bonté de Dieu qui a libéré son peuple, ce rite devient, dans le Christ, l’expression de la miséricorde et de la tendresse de Dieu envers tous les hommes, pris dans les liens du péché et en quête d’un libérateur.
La pâque des Hébreux avait débuté par la préparation d’un repas rituel. Elle s’était poursuivie dans la fuite vers la Mer Rouge, la descente à pied sec dans ses profondeurs et la remontée vers l’autre rive, pour s’accomplir enfin dans l’entrée en terre promise. La Pâque du Christ commence par le repas de la Cène ; elle se poursuit par sa mort sur la Croix, sa descente au séjour des morts et sa remontée triomphale dans la résurrection au matin de Pâques.
De même que l’entrée dans la terre promise donnait son sens à la première pâque, de même la Résurrection du Christ donne son sens au dernier repas pris avec les disciples, à tout le mystère pascal, et par le fait même, à toute Messe et à toute communion. « Faites cela en mémoire de moi. »
Au centre de ce mystère se trouve une personne : le Christ. C’est en son souvenir que les rites devront être accomplis. Mais s’agit-il simplement d’un souvenir ?
Le Christ ne nous a pas laissé ces quelques mots comme le testament de quelqu’un qui bientôt ne pourra plus parler. Le Christ aujourd’hui n’est pas mort, mais il vit et il vivifie. La Pâque du Christ se poursuit et s’achève dans chacune de nos propres Pâques.
La mort et la résurrection de Jésus sont le don suprême fait par Dieu à l’homme.
Nous ne sommes pas abandonnés dans le pays des ombres et de la mort. Comme un berger, le Christ a pris la tête de son troupeau. Le premier, il a brisé les chaînes de la mort, et nous a ouvert le passage vers la vraie Vie. « Faites cela en mémoire de moi. »
Par ces mots, le Christ indique l’unique chemin du salut : « Ceci est mon corps, qui est pour vous… Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang. » (1 Co 11,24-25) « Faites cela en mémoire de moi. »
Le Christ invite tout homme à communier à sa vie : « Pour moi, vivre c’est le Christ » (Ph 1,21) affirmait saint Paul.
Les paroles de Jésus s’adressent aussi à tous ceux qui, aujourd’hui, ne peuvent pas communier sacramentellement.De même qu’il donne son Corps, il offre aussi sa grâce en abondance, à qui veut la recevoir.
Âme du Christ, sanctifiez-moi.
Corps du Christ, sauvez-moi.
Sang du Christ, enivrez-moi.
Eau du côté du Christ, lavez-moi.
Passion du Christ, fortifiez-moi.
Ô bon Jésus, exaucez-moi.
Dans vos blessures, cachez-moi.
Ne permettez pas que je sois séparé de vous.
De l’ennemi défendez-moi. À ma mort appelez-moi.
Ordonnez-moi de venir à vous, pour qu’avec vos saints je vous loue dans les siècles des siècles.
"Nos choix, lorsqu’ils s’arrêtent au Christ, nous donnent de poser l’acte le plus beau, l’acte suprême de la créature spirituelle : le choix de Dieu. Ce choix transfigure la vie, et en particulier le regard porté sur le prochain. Voir le Christ en tout homme, c’est l’honorer, et c’est surtout honorer le plan de salut de Dieu sur lui, ce plan par lequel Dieu invite tout homme à la vie éternelle.
A contrario, l’oubli de Dieu, l’ignorance, voire le refus de notre condition de créature, désorientent l’histoire de l’humanité. Le grand fleuve qui menait au paradis ne coule plus. L’instant présent n’a plus de passé et se trouve sans lendemain. Il ne vaut que par le poids d’une jouissance qui au fond l’épuise en s’épuisant. La vie humaine n’a plus de sens. L’espérance s’éteint. ...
"Ainsi, sur chaque vie humaine, luit une étoile. Si elle est suivie, elle conduit chaque homme vers un point unique, vers une seule personne : le Christ. La crèche devient ce nord magnétique que les boussoles de nos vies prennent comme repère. Alors, la foule d’anonymes se met en route ; l’humanité prend le chemin de son renouvellement, le chemin de sa rédemption. En s’incarnant dans la crèche, Dieu vient racheter les hommes abandonnés à la tyrannie du péché. Il vient libérer nos libertés aveuglées, esclaves des passions, des addictions.
"Aujourd’hui, c’est vers nous que viennent les Mages. Allons- nous les suivre ? Quelle est notre étoile ? La vision d’Isaïe préfigure l’Église. C’est vers elle que nous marchons.
"Il est bon de nous le rappeler, et si besoin de nous en convaincre : l’Église est nécessaire au salut. Les médias la dénigrent. En son propre sein, un mouvement malsain d’auto- culpabilisation laisse même penser qu’elle serait comme une structure de péché. Les péchés des prêtres et la souffrance de leurs victimes qui déchirent nos cœurs ruinent la confiance de beaucoup.
"Reprenons dans la foi les affirmations du Credo : l’Église est une, sainte, catholique et apostolique, tout en faisant nôtre la prière du Canon romain qui implore le Seigneur d’accorder à l’Église la paix, de la protéger et de la rassembler dans l’unité ; demande que la liturgie reprend encore après le Notre-Père.
"En cette fête de l’Épiphanie, cheminons vers la crèche dans la compagnie des Mages. Nous quitterons la sainte étable le cœur comblé et porteur d’une grande nouvelle.
"Allons donc à la crèche à la suite des Mages. Rencontrons Jésus, Marie et Joseph. À l’école de Marie, laissons fructifier les merveilles de Dieu dans nos cœurs, et témoignons au monde qu’à travers toute vie humaine, Dieu veut faire de grandes choses, pourvu que cette vie cherche et suive l’étoile préparée avec amour pour elle.
N’est-ce pas le message de Marie à Cana : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. » (Jn 2,5)
"Tant de nos contemporains sont promenés dans une actualité qui n’a plus rien d’actuel, s’épuisant de nouveautés en nouveautés qui passent. La véritable actualité, la véritable nouveauté, c’est cette génération du Verbe au sein de la Trinité : un don infini, totalement donné et parfaitement reçu. La véritable actualité et la véritable nouveauté, c’est l’amour de Dieu pour sa créature. N’est-il pas consolant d’entendre qu’ « après avoir parlé par les prophètes, Dieu nous a parlé par son Fils » ? Pour autant, l’affirmation de l’Évangile : « Il est venu chez lui et les siens ne l’ont pas reçu », n’en reçoit qu’un sens plus dramatique. L’amour n’est pas aimé.
Oui, la terre et la création, c’est chez lui. Et si c’est aussi « chez nous », c’est parce que d’abord, c’est « chez lui ». Il est illusoire de vouloir échanger sur l’écologie en ignorant Dieu. N’est-ce pas lui qui a établi dans son amour et sa sagesse les règles des relations entre les êtres au sein de sa création ? Comment ignorer ces règles ?
Verbum caro factum est, le Verbe s’est fait chair : suprême amour de sa création et du corps de sa créature, suprême abaissement, suprême humilité pour partager à l’homme sa divinité. Dieu se revêt de notre chair, se fait Emmanuel : Dieu avec nous.
L’homme oublieux de Dieu, comme pour occuper une place qui lui semble vide, s’érige en Dieu. Suprême orgueil, suprême mépris de l’amour et de la sagesse de son Créateur, il revisite la création et prétend la modeler à son gré. La dictature des faux dieux se fait chaque jour plus oppressante. La justice entre les hommes et le respect de la liberté de tous exigent la vérité sur ce qu’est l’homme, et l’acceptation du plan divin.
Que faire, alors que notre pèlerinage est toujours plus difficile ? Jésus aujourd’hui se fait aussi pèlerin. Dieu est avec nous. Marchons à ses côtés.
Pour tenir tête à une société qui ne prête attention qu’à la violence ou à ce qui touche ses intérêts économiques, il est urgent que les chrétiens se regroupent et se forment. Il faut qu’ils connaissent et acceptent les affirmations de leur foi.
Ne laissons pas caricaturer le Christ ou son message.
L’Enfant de la crèche n’est-il qu’un personnage de plâtre qui ressort de sa boîte chaque année, ou est-il Celui qui a profondément marqué ma vie, au point qu’elle répand autour d’elle sa lumière et son message ?
Le Christ vaut-il la peine d’être connu, d’être annoncé?
Celui que la plupart des médias ignorent, il nous revient de l’annoncer, en occupant les lieux de parole, en soutenant les médias chrétiens. En face, c’est un vide abyssal.
Ce qui manque aujourd’hui à trop de chrétiens, c’est ce qui manquait au jeune homme riche : la flamme de la foi qui permet d’aller au bout avec le Christ. Le don radical de Dieu appelle le don radical de l’homme : « Dieu ou rien » !
Si le monde devient chaque jour plus violent, si les situations de haine se multiplient, c’est que le monde a décidé qu’il n’y a rien au-delà de lui. Il ne lui manque que d’accepter l’amour et la paix de son Dieu qui aujourd’hui prennent les traits d’un enfant.
Alors que la nuit est sombre, le chrétien est le veilleur qui a mission d’ouvrir la voie de l’espérance à ses frères. Aujourd’hui, dans une crèche, auprès de Marie, est apparu le Christ, Fils de Dieu, notre Sauveur, notre paix.
L'évêque d'Alcalá de Henares, Juan Antonio Reig Pla, a annoncé son désir de fonder un monastère de vie contemplative dans le Cimetière des Martyrs de Paracuellos (près de Madrid), où reposent au moins 2.500 personnes, victimes des persécutions antireligieuses de 1936 à 1939, dont 143 déjà béatifiées comme martyrs par l'Eglise, et beaucoup plus en voie de le devenir.
il a rappelé que les martyrs "ont mené devant le peloton d'exécution crié avec conviction Vive le Christ roi !
Ce lieu simple, où les croix blanches émergent comme des flèches levées vers le ciel, a été converti, par le soin et l'attention de la Confrérie des Martyrs de Paracuellos et des Sœurs de la Vierge de Matará et du Verbe incarné, en verger, en un nouveau paradis que nous avons accepté d'appeler la Cathédrale des Martyrs. Cette cathédrale a pour voûte le même ciel et s'étend de ses sept bras à l'ombre de la croix blanche de la colline qui représente, à son tour, le bois où fut cloué le salut du monde et le trône de miséricorde où nous avons été aimés jusqu'au bout.
Ce cimetière des martyrs de Paracuellos est un lieu sacré, c'est comme un laboratoire de foi dans lequel, au-delà des luttes idéologiques, nous voulons recevoir, dans la course de notre vie, le flambeau des champions de l'esprit qui, sans crainte de la mort, ont donné leur vie par amour pour Dieu et pour l'Espagne. En tant qu'évêque du diocèse, en communion avec la Confrérie et avec tous les Provinciaux des différents Ordres et Instituts religieux dont les bienheureux sont enterrés ici, ma seule intention est que ce Saint Camp soit transformé en un lieu de pèlerinage où les fidèles puissent trouver le témoignage martyr de ceux qui nous ont précédés dans la lutte pour la foi et qui sont proposés comme lampes allumées qui illuminent la nuit culturelle, sociale et politique qui nous entoure en Espagne.
En ce lieu, chers frères, on vient prier et apprendre. Comme le rappelait saint Augustin : "Deux amours ont construit deux villes : l'amour de soi même le mépris de Dieu a fait la ville terrestre ; l'amour de Dieu même le mépris de lui-même, la ville du ciel" (Saint Augustin, La Cité de Dieu, 14, 28).
Dans ce lieu, nous apprenons que lorsque le cœur humain est emporté par les idéologies, au mépris de Dieu, non seulement l'amour-propre apparaît, mais la haine, le mensonge et la calomnie deviennent présents. Nos frères martyrs ont été assassinés pour la haine de la foi ; ils ont été trompés lorsqu'on les a sortis de prison et qu'on leur a dit qu'ils allaient être "transférés" et, sans procès et avec calomnie, ils étaient considérés comme des ennemis de l'Espagne.
Tout cela parce que, emportés par le Malin, ils ne savaient pas reconnaître en nos frères leur dignité de personnes, leur état de prostration, leur condition d'impuissants et d'innocents, qui étaient nos frères ? C'étaient des prêtres, des religieux, des novices, des séminaristes et des fidèles laïcs dont le seul crime était d'être catholiques. Aujourd'hui, cela nous semble incompréhensible. C'est pourquoi nous apprenons ici le drame d'avoir le cœur vide de Dieu. La ville terrestre, en effet, devient Babel, la ville de la confusion, quand dans nos actions nous ne sommes pas inspirés par l'amour de Dieu et donc nous n'apprenons pas à classer et à ordonner les biens de la personne, en commençant par le respect de sa vie.
Aujourd'hui comme hier, nous pouvons vivre l'assaut d'une culture laïque qui ne respecte pas la foi et la liberté et s'oriente vers la culture de la mort en favorisant la destruction de la vie naissante, l'euthanasie et le suicide assisté, véritables corruptions de la médecine. Aujourd'hui, comme hier, le Prince de ce monde peut conduire les destinées de l'Espagne sur les chemins de la confrontation, de la haine et de l'absence de réconciliation, à travers les raccourcis qui ne reconnaissent pas le caractère sacré de nos temples, les droits sacrés de nos familles et la communion parmi tous les Espagnols.
C'est pourquoi cette cathédrale des martyrs nous appelle à prier le Notre Père, nous invitant à nous reconnaître tous comme membres d'une même famille de Dieu, sauvés du péché et de la mort par le sang de Jésus Christ et sa résurrection. Aujourd'hui encore, nous devons apprendre à nous pardonner les uns aux autres et à implorer le Père de nous libérer du Malin qui rend impossible la construction de la cité de Dieu sur notre terre. Je ne me lasserai donc pas de répéter que ce lieu est un laboratoire de foi, de réconciliation, de paix et un rappel de tout ce qui ne peut plus jamais se reproduire.
La deuxième leçon que nous devons apprendre dans ce lieu sacré, c'est comment construire la ville de Dieu ici sur terre, comment faire de l'Espagne un espace de communion fraternelle, de respect des familles et d'authentique justice sociale. Nos frères martyrs nous aident à le faire, qui, poussés à la situation extrême de la mort, ont été de vrais maîtres qui nous ont enseigné l'amour pour Dieu, l'amour pour l'Espagne et l'amour pour nos frères. Conduits devant le peloton d'exécution, ils ont crié avec conviction "Vive le Christ Roi, vive l'Espagne, vive l'Espagne !
Pourquoi ont-ils eu cette liberté de crier "Vive le Christ Roi" ? La réponse est simple : toute leur espérance a été placée dans le Christ. Reconnaissant leur faiblesse et leur pauvreté, ils ne se sont pas confiés à la souveraineté et au jugement de Dieu. Avec cela, ils nous ont enseigné la meilleure des leçons : que l'injustice n'a pas le dernier mot, que la vraie justice appartient au Christ à qui Dieu le Père a confié tout jugement (Jn 5, 22). C'est ce que nous professons dans le Credo de notre foi : "et de là il viendra juger les vivants et les morts". Oublier le jugement de Dieu, c'est laisser sans réponse tous les pauvres, les innocents et les injustement maltraités dans ce monde.
Les paroles du prophète Malachie nous assurent cependant que l'aspiration la plus profonde du cœur humain se réalisera : il y aura enfin justice et le droit sera restauré. La raison en est que "le jour vient, brûlant comme un four, dans lequel tous les orgueilleux et les méchants seront comme de la paille, il les consumera le jour où il viendra... Mais pour vous qui craignez mon nom, un soleil de justice brillera sur vous et vous trouverez la santé dans son ombre" (Mal 3, 19 ss).
Nos frères martyrs étaient ancrés dans la certitude de l'amour de Dieu et se confiaient à Son jugement. Ils étaient conscients que la condition de l'existence chrétienne est la persécution, comme Jésus nous l'a rappelé dans l'Évangile : "Ils vous persécuteront en vous livrant... en prison... à cause de mon nom" (Lc 21, 12), et il nous avait avertis "et vous serez haïs de tous pour mon nom" (Mc 13). Malgré tout, ils ont fait confiance à la promesse de Jésus. Suivant la scène qui nous est présentée dans l'Évangile d'aujourd'hui, après avoir annoncé la destruction du temple de Jérusalem en signe de ce qui sera la fin de l'histoire humaine, la persécution actuelle est qualifiée par le Seigneur d'invitation au témoignage : "Ceci, dit-il, sera une occasion pour vous de témoigner" (Lc 21,13).
C'est la grande leçon que nous apprenons dans ce lieu sacré. Nos frères, comme géants de l'Esprit, ont eu l'occasion d'être témoins de la foi et ne l'ont pas gaspillée. Certains, portant le chapelet ou le crucifix dans leurs mains, criaient : "Longue vie au Christ Roi" parce qu'ils vivaient avec la certitude que "pas un cheveu de votre tête ne périra" (Lc 21,18). Ils savaient qu'ils étaient entre les mains du Père et qu'aucun tourment ne pouvait y mettre fin (cf. Sg 3). C'est la nouveauté chrétienne qui conduit les croyants à embrasser la croix en sachant que " la capacité de souffrir pour l'amour de la vérité est un critère d'humanité " (Benoît XVI, Spei Salvi, 29). De plus, le Christ est ressuscité et la mort a été vaincue. Sa victoire est notre victoire.
L'idée que la foi chrétienne doit rester en marge de la vie publique et en dehors des espaces où la vie sociale est décidée (famille, affaires, institutions sociales de tout domaine, vie politique, etc.) par une supposée "tolérance démocratique" est contraire à ce que Jésus nous enseigne aujourd'hui : "Ils vous persécuteront en vous prenant devant des gouverneurs et rois... et ils en tueront quelques-uns". Aujourd'hui, nous devons comprendre l'urgence de la présence des catholiques dans la sphère publique, en proposant la doctrine sociale de l'Église et en étant conscients qu'il n'y a pas pire pauvreté que de ne pas connaître le Christ et d'être privés de l'espérance du ciel.
Il n'y a pas de pire injustice, chers frères, que de condamner les gens à vivre dans les murs étroits de ce monde sans autre horizon que la mort. C'est pourquoi nous avons besoin du courage et de l'audace des martyrs pour faire avancer l'annonce de l'Évangile, convaincus des paroles de Jésus : "Par votre persévérance, vous sauverez vos âmes" (Lc 21,19).
La persévérance signifie la force de l'esprit, la patience qui sait attendre et la sécurité dans la victoire sur la mort. Cette victoire, obtenue par le Christ, est partagée par tous ceux qui ont été introduits dans la vie du Christ et qui jouissent de la présence de l'Esprit Saint, Seigneur et donneur de vie.
L'amour de l'Espagne
En plus de la leçon d'amour de Dieu et du témoignage de foi, les martyrs nous enseignent l'amour de nos pères pour la terre. Quand, au moment de la mort, ils ont crié "Vive l'Espagne", ils ne manifestaient pas un choix idéologique, mais suivaient les commandements de Dieu qui nous enseignent à honorer nos parents et à honorer, comme l'enseigne le quatrième commandement, la patrie : "L'amour et le service de la patrie, dit le Catéchisme, font partie du devoir de reconnaissance et de l'ordre de charité" (Catéchisme de l'Église catholique, 2239).
Nos bienheureux frères étaient conscients de ce que cela signifiait de soumettre l'Espagne à un régime totalitaire et laïc, ennemi de la foi. C'est pourquoi, par leur cri, ils ont voulu exprimer l'importance de l'âme catholique qui a formé notre peuple, enrichie du témoignage d'une multitude de saints, martyrs, confesseurs et vierges. Ils savaient par expérience que, sans Dieu, la société espagnole finirait par être soumise à un régime athée qui affirmerait la souveraineté de la volonté humaine individuelle ou collective, rompant les liens avec la tradition, avec la famille, avec la religion et avec la patrie. Un régime qui, dans la langue de saint Augustin, établirait la ville terrestre centrée sur l'amour-propre où la haine et la division grandissent. Aujourd'hui, nous ne sommes pas à l'abri d'être à nouveau emprisonnés par des idéologies qui ne respectent pas la vérité de l'homme et font de la société un champ d'intérêts opposés où l'harmonie et l'unité de notre peuple sont brisées, une unité qui a été créée par son âme catholique.
C'est pourquoi nous devons venir ici sans préjugés et sans condamnation d'aucune sorte. C'est un laboratoire où nous apprenons à corriger les erreurs et un lieu qui nous rappelle que nous sommes pèlerins et que notre but est le ciel. Nous ne sommes pas des vagabonds qui marchent sur des routes sans horizon ni but. Ce lieu sacré nous invite à lever les yeux vers le ciel en nous rappelant avec saint Paul que "nous sommes citoyens du ciel, d'où nous attendons un Sauveur, le Seigneur Jésus Christ" (Ph 3, 20).
L'amour des frères
Des témoins de la foi enterrés dans ce camp saint sont morts en criant à leurs assassins. Nous vous pardonnons !
Ce cri choquant nous présente dans toute sa clarté la nouveauté chrétienne : l'amour de l'ennemi. Cet amour devient possible parce que la foi nous donne accès à l'Amour de Dieu et avec cet Amour nous avons tout. En effet, se confier à l'Amour de Dieu enrichit nos réserves de telle sorte que, dépassant la haine et la rage, le disciple du Christ a la capacité que la grâce du Christ lui donne d'ignorer les offenses et de redevenir un don pour les autres, y compris l'ennemi. Le pardon, ne rendant pas le mal avec le mal mais brisant le cercle maléfique de la vengeance, permet de se donner à nouveau et d'être un don pour les autres. Ce qui est impossible à la force humaine est donné par la grâce rédemptrice de Jésus Christ qui guérit toutes les blessures et nous permet de donner.
Comme les autres leçons, c'est un splendide enseignement qui nous invite à la réconciliation et à établir entre les Espagnols d'authentiques liens de fraternité qui ne sont pas simplement un acte volontaire. Jésus est mort en pardonnant, tout comme saint Étienne, le premier martyr des disciples du Christ. Depuis lors, une multitude de témoins de la foi se sont joints à ce fleuve de pardon dans lequel converge ce cimetière des martyrs de Paracuellos.
Ce matin, unis aux bienheureux et à leurs compagnons qui reposent dans la paix de ce beau verger, nous voulons apprendre de leur témoignage et de leur persévérance. Sans pardon, la cité de Dieu ne peut être construite. Sans pardon, la vie de famille, la vie sociale et la noble tâche de la politique deviennent un champ de bataille dont les fruits ne sont pas la vie mais la mort. Avec nos frères martyrs, enracinés dans la foi en Dieu, nous voulons construire la civilisation de l'amour comme fruit de la grâce rédemptrice du Christ et de la justice de Dieu. Pour cette raison, et sachant bien ce que nous disons, nous n'avons pas honte de dire avec eux Vive le Christ Roi ! Vive l'Espagne ! Que le pardon nous aide à faire de notre peuple un espace où règnent la justice, la paix et l'amour. Que la Bienheureuse Vierge Marie, sous l'invocation de l'Immaculée Conception et de l'Apôtre saint Jacques, Patrons de l'Espagne, intercède pour nous.
Paracuellos de Jarama, 17 de noviembre de 2019
+ Juan Antonio Reig Pla
Obispo de Alcalá de Henares
"Dans un monde non seulement païen, mais en lutte ouverte contre son Créateur, dont il veut s’arroger les droits, la parole de Dieu semble n’avoir plus qu’un faible écho. Il est consolant de voir que tant d’hommes et de femmes descendent dans la rue pour rappeler que l’homme et la femme ont reçu de Dieu la mission de devenir féconds, de se multiplier, de remplir la terre et de la soumettre. Soumettre ne veut pas dire exploiter au sens de dévaster, mais au sens où la terre se fera nourricière de l’homme et de sa descendance.
"Aujourd’hui l’homme se croit augmenté dans la mesure où il échappe au plan de Dieu. Le constat est pourtant sans appel : la terre est dévastée et l’homme tend à devenir infécond, se contentant d’une fécondité de consommation.
"En face du drame de notre humanité, il est aussi des heures de vives lumières. Deux mots résument la vocation de Marie : Fiat et Magnificat. Il faut sans cesse les redire, les vivre.
"Dans une famille, tous les membres s’épaulent, se soutiennent. C’est ce que nous redisons pratiquement chaque jour dans le capitule de l’office de sexte : « Portez les fardeaux les uns des autres, et ainsi vous accomplirez la loi du Christ. »(Gal 6,2)
"Vous avez connu quatre abbés. Et pourtant le Fontgombault d’hier est toujours celui d’aujourd’hui et nous espérons qu’il demeurera, Dieu aidant et par l’offrande et la générosité de tous, celui de demain. Les demi-mesures n’édifient pas une communauté.
"Un moine plus jeune que vous, mais rappelé à Dieu il y a quelques années, écrivait à un ami à l’occasion de la mort du Père Abbé Jean et de l’élection du Père Abbé Antoine :
"Rien n’a changé en ce qui concerne le cadre : c’est la même croix pectorale, la même place au réfectoire, le même bureau avec les mêmes meubles. Et tout continue paisiblement. Quel mystère ! Et j’ai commencé dès la première heure à me réappuyer de tout mon poids sur mon nouveau Père.
"En cette fête du Saint Rosaire, il est une présence qui demeure en notre maison : celle de Marie. Elle est chez elle, abbesse de céans, la douce Mère veillant sur chacun de ses enfants.
"Notre-Dame de toutes grâces ou Notre-Dame du bien mourir, c’est tout un. La grâce de la bonne mort est la plus belle des grâces, celle de la persévérance finale.