Publié le 11 Mars 2008

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Peur de quoi? Peur du manque de confort, de me confronter à une autre réalité et d'autres coutumes. C'était, entre-autres, ce qui me retenait de dire un oui au Seigneur qui m'invitait à Le suivre sans condition....
Les paroles du Père Vincent:" Tu n'as pas de raison d'avoir peur, car si le Seigneur a besoin de toi pour la mission, il te donnera les moyens nécessaires pour surmonter ce que tu crois être un empêchement de t'y rendre.. Mais, fais très attention: prie beaucoup, car le démon commencera à tout faire pour te décourager". Aussi fis-je cas de mon sage conseil et j'intensifiai mes prières. Tous les jours, je me demandais si je réaliserais cette folie qui serait sans doute "un feu de paille". Ma surprise fut que la crainte, au lieu de diminuer allait en augmentant, alors que surgissaient des conflits.
Il en coûta beaucoup à ma mère d'accepter ma décision, quand je lui confiais mon intention d'être missionnaire au Pérou. Elle ne comprenait pas: pourquoi ce changement si radical, s'il ne restait à son fils qu'un an pour terminer sa philosophie au Séminaire de Mexico? Elle alla jusqu'à me demander d'abandonner pour un temps tout ce qui avait trait à ma vocation, pour que, comme elle le disait, "je puisse bien discerner". Je crois que ma réaction n'était pas due au fait qu'elle doute de ma vocation au sacerdoce, mais au fait qu'elle ne voulait pas que son fils aille si loin. La voir tant souffrir et me répéter continuellement:" Tu penserais vraiment abandonner ta mère?" me causait une extrême douleur. Celles-là et d'autres difficultés allaient croissant.
Malgré tout cela, je lui dis;" Je m'en vais. En fin de compte, si je ne m'y plais pas, je reviens et on en parle plus." J'en parlai à mes supérieurs de Séminaire, leur exposant ma décision, et c'est avec beaucoup d'insistance que je leur demandai de me laisser la porte ouverte, car je pensais être de retour chez moi en moins d'un mois.
Il arriva ce que j'avais prévu, c'est-à-dire que les premiers mois, je voulus rentrer chez moi, bien que je ne parlais à personne de ce dont je souffrais intérieurement, à commencer par les repas, le climat, les jours de jeûne, le silence.. de plus la maison dans laquelle nous nous trouvions, ne m'inspirait pas spirituellement, et cela était dû au bruit de la ville, au chahut des enfants, etc... Enfin, nombreuses étaient les choses que je n'arrivais pas à assimiler.
Par exemple, je souffrais du fait de ne pas avoir d'argent de poche, ce qui est un signe de détachement des biens terrestres et de pauvreté, et de ne pas pouvoir acheter ce qui me faisait plaisir. Une autre souffrance était celle due au fait de ne pas pouvoir téléphoner à l'heure où j'en avais envie et d'appeler ma famille (car le courrier aérien mettait beaucoup de temps). C'était ce que devais vaincre pour que Dieu modèle ma vocation missionnaire.
Je savais un peu à quoi je m'engageais, et malgré tout j'avais osé venir! Ma seule pensée était: "Bon, il faut que je supporte, je l'ai voulu.. Maintenant, il n'y a pas d'autre solution!
Et entre tant de "supporter et supporter", je commençais à me rendre compte que cela n'était pas et ne devait pas être une question de "supporter" mais bien de répondre en me donnant, de refuser de faire ma propre volonté et de me donner totalement aux pauvres, aux enfants. En un mot, je devais me crucifier avec le Christ; ne pas faire le capricieux, ma volonté, mais celle de Celui qui m'appelait à un plus grand labeur.
Alors, je compris le pourquoi de tant de croix accrochées aux murs de nos Maisons: c'était ici ma place, pour ouvrir les bras avec amour.
Je pus assimiler par pure grâce de Dieu, tout ce qui m'en coûtait: la vocation est un chemin exigeant, mais ce chemin devient léger si l'on garde toujours Dieu présent en nos vies.
Le travail que je fais est difficile, fatigant et très délicat, car ce n'est pas facile d'être saint et d'amener les autres à le devenir. Je pense que l'abnégation est le premier pas qu'il nous faille faire pour se donner entièrement à Dieu, et ensuite, avec Lui, se donner aux pauvres, aux nécessiteux, aux orphelins. Ainsi le fait de laisser ma famille et tant d'autres choses, s'est converti en une offrande d'amour. Plus encore: tu ne laisses rien et tu gagnes tout.
Beaucoup se demanderont pourquoi je m'en vais si loin, alors qu'il y a tant de pauvres et tant de besoin dans mon cher Mexique. La réponse n'est pas facile, car la vocation est toujours un mystère, un mystère dans lequel Dieu est le seul à avoir la réponse. Je peux seulement dire que c'est dans les choses ordinaires et simples que Dieu montre la route que chacun doit suivre....
Tout se passe comme avec les amoureux: ils se plaisent tant, s'aiment tant et son si amoureux l'un de l'autre que l'éloignement leur importe peu et qu'ils font tout ce qu'ils peuvent pour rester ensemble. Ainsi, moi aussi, je suis un amoureux de ma vocation, et pour cela, peu importe où je doive aller pour assouvir la soif de ceux que le Seigneur a mis sur ma route, les plus pauvres: et d'assouvir la mienne, car moi aussi j'ai soif de Dieu.
Car quand il s'agit d'un véritable amour, il importe peu de perdre jusqu'à sa propre vie.
Quelqu'un pourrait me rétorquer:" Atterris, aie les pieds sur terre: comment peux-tu aider ton pays, si ton travail ne s'y déroule pas." - Tenez pour certain que mon aide est plus efficace que si j'y étais, car quand on obéit à Dieu et que l'on suit son appel, c'est Lui qui y remédie et qui fait croître ce que moi pauvre pécheur, je ne pourrais faire en y étant....
Je voudrais terminer avec les paroles d'un martyre missionnaire en Afrique. Sa vie m'a toujours impressionné, en raison de son don jusqu'à la fin. Bien qu'avec craintes, difficultés et tentations du malin - parfois il avait envie de repartir chez lui, pour être avec ses parents et les siens - bien qu'ayant eu l'opportunité de rentrer chez lui sans aucun problèmes, par obéissance et docilité au Seigneur il décida de rester de de donner sa vie pour les pauvres, les nécessiteux, les aimés du Seigneur.
Je voudrais faire mienne ces paroles:
"Il y a quelque chose de plus fort qui me retient ici et me fait ainsi décider de ma vie. Ce n'est pas du masochisme, mais une force qui m'entraîne derrière Jésus sur le chemin de la croix vers un amour infiniment grand et un horizon sans fin."
fr. Raphaël Santillan Rodriguez m.s.p
dernier numéro revue des missionnaires serviteurs
des pauvres du Tiers Monde
Abbaye Notre Dame
36 220 Fontgombault .
