homélies Noël 2021 dom Jean Pateau OSB +

Publié le 25 Décembre 2021

 

 

 

 

 

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NOËL

MESSE DE MINUIT

Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU

Abbé de Notre-Dame de Fontgombault

(Fontgombault, le 25 décembre 2021)

 

Apparuit gratia Dei

La grâce de Dieu s’est manifestée (Tt 2,11)

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Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,

En communion avec les millions de chrétiens répandus sur la terre entière, nous voici réunis au cœur de l’hiver et au milieu de la nuit pour nous souvenir d’une naissance. Cette naissance, nous ne l’avons pas connue par les registres de l’état civil ; c’est un autre livre qui l’atteste et qui s’appelle l’Évangile, un mot d’origine grecque et qui veut dire Bonne nouvelle.

De fait, toute naissance est une bonne nouvelle.

Mais cette naissance l’est d’une manière particulière, puisqu’il s’agit de la naissance d’un sauveur. La bonne nouvelle rapportée par l’Évangile, c’est qu’aujourd’hui est né celui qui va opérer la réconciliation de l’homme avec Dieu : Dieu fait homme pour que l’homme puisse devenir Dieu, c’est-à-dire vivre de la vie de Dieu, vivre en communion avec Dieu. La bonne nouvelle de l’Évangile, ce n’est pas seulement la nouvelle d’une naissance, c’est la nouvelle que le temps de l’accomplissement du salut de l’humanité, le temps de la victoire du bien sur le mal est désormais ouvert. Une vierge vient de mettre au monde un fils. Elle lui a donné le nom de Jésus, c’est-à-dire Sauveur.

Cette bonne nouvelle nous vient d’une pauvre étable, isolée, ignorée au cœur de la nuit. Dans trente-trois ans, elle sera offerte à nouveau au monde du sommet d’une croix, où celui qui naît à la lumière de la terre aujourd’hui fera le don de sa vie comme preuve d’amour pour les hommes. Né seul auprès de Marie, sa Mère, et de Joseph, il mourra seul auprès de sa Mère et du disciple qu’il aimait.

Peut-on alors vraiment parler d’une bonne nouvelle ? Un Dieu se fait homme et meurt sur une croix... Mauvaise nouvelle pour Dieu. Mauvaise nouvelle pour l’homme.

Mais Dieu n’a pas dit son dernier mot. Voici que celui que la mort avait semblé rendre captif, en l’enserrant dans les linges où le corps du supplicié avait été enseveli après la toilette funèbre, et en le retenant derrière la pierre roulée d’un tombeau désormais clos, voici que le Christ brise les barrières du séjour des morts. Désormais c’est la mort qui est captive. Celui qui est la Vie a triomphé de la mort.

A la lumière de la Résurrection, la Croix et l’Incarnation deviennent parties intégrantes de l’unique bonne nouvelle du salut. Comme l’écrivait saint Paul à l’un de ses fils spirituels, Tite :

La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. Elle nous apprend à renoncer à l’impiété et aux convoitises de ce monde, et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété, attendant que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus-Christ. Car il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien. (Tt 2,11-14)

Oui, cette nuit, la grâce de Dieu s’est manifestée par la naissance d’un enfant. Elle se manifestera dans le triomphe du tombeau au matin de Pâques.

Mais cette grâce qui resplendit sur l’humanité demande à être accueillie, en écoutant l’enseignement qu’elle apporte et en le mettant en pratique.

Déjà, le récit des journées et des heures précédant la naissance du Sauveur n’est pas sans laisser craindre un mauvais présage quant à cet accueil.

L’édit de l’empereur Auguste, qui demandait que l’on se fasse recenser dans sa ville d’origine, avait contraint Marie et Joseph à quitter la riante Galilée pour les terres désertiques de la Judée, alors que la jeune épouse arrivait au terme de sa grossesse.

Arrivés à Bethléem, les pauvres époux ne purent trouver de logement : les hôtelleries probablement trop chères, leur étaient interdites, et la salle commune était déjà comble. Dieu est venu chez les siens, et les siens ne l’ont ni reconnu, ni même reçu. C’est dans une étable que naîtra l’enfant, et dans une mangeoire qu’il trouvera son premier repos.

Il n’est donc pas si facile de recevoir la bonne nouvelle de la naissance d’un sauveur, de reconnaître et d’accueillir la grâce de Dieu qui frappe à la porte. Le mal a obscurci les yeux de l’homme et a fermé la porte de son cœur, en blessant profondément le lien entre la création et le Créateur. L’homme est devenu sourd à l’hymne de la création. En tant qu’être intelligent, il avait pour devoir propre d’en rendre grâces à Dieu. Il s’est fait étranger à ce devoir.

Blessé dans le regard qu’il porte sur la création, l’homme est aussi blessé dans le regard qu’il porte sur les autres hommes. Les récentes révélations de l’actualité le confirment. Relevons que l’évangile de cette nuit offre deux regards sur l’homme.

Il y a celui de l’empereur Auguste, qui désire connaître le nombre de ses sujets. Les connaître ne l’intéresse pas, ce qu’il veut, c’est un nombre. A l’opposé, les Anges de la Nativité viennent annoncer à des pauvres, des bergers des environs, une grande nouvelle : « Dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. » Et ils ajoutent : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de sa bienveillance. »

Le message de Noël, cette bonne nouvelle, c’est l’annonce de la paix venue du ciel et offerte à tout homme. En Jésus-Christ, Dieu révèle le regard posé sur chacun d’entre nous.

Mais alors pourquoi la paix est-elle si étrangère à notre temps ? Partout la guerre fait rage, parfois visible, souvent invisible, dissimulée derrière des accords économiques et prenant pour victimes des peuples entiers. La mort, provoquée par des mains qui ne devraient que guérir, rôde toujours plus oppressante auprès du sein maternel, ou des lits d’hôpitaux. En promouvant la théorie du genre, la société invite désormais l’homme à la guerre contre son propre corps.

En cette nuit de Noël, Dieu nous fait en abondance le cadeau de sa paix. En cette nuit de Noël, beaucoup de cadeaux vont s’échanger dans le monde. Le plus beau cadeau que nous puissions faire à nos proches, c’est de porter sur eux un peu de ce regard de paix que Dieu, de toute éternité, porte sur nous.

Contemplons pour finir, les yeux de Marie regardant son Enfant posé dans la mangeoire, regard de la toute pure sur le Dieu trois fois saint. Dans la glorieuse espérance du retour du Seigneur dans sa gloire, puisons dans ce regard la force de porter un juste regard sur notre prochain, d’y découvrir la présence de Dieu caché, avant de contempler un jour et pour l’éternité, Dieu dans sa gloire et notre prochain dans le rejaillissement de cette même gloire. Saint et joyeux Noël.

Amen

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NOËL

MESSE DU JOUR

Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU

Abbé de Notre-Dame de Fontgombault

(Fontgombault, le 25 décembre 2021)

 

Et lux in tenebris lucet.

Et la lumière brille dans les ténèbres (Jn 1,5 )

Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,

 

Après nous être retrouvés cette nuit et aux aurores pour chanter les saints mystères de la naissance de notre Sauveur, l’Église convie ses enfants une troisième fois au Saint Sacrifice de la Messe.

Durant ces heures, elle nous a invités à méditer la triple naissance du Christ : sa naissance éternelle du sein du Père, par exemple lorsque nous chantions dans l’introït de la Messe de la nuit : « Le Seigneur m'a dit : tu es mon Fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré. » (Ps 2, 7) ; sa naissance selon la chair du sein de la Vierge Marie, objet propre de la fête de ce jour ; sa naissance enfin dans les âmes par laquelle le Christ « se lève dans nos cœurs tel l'étoile du matin » (2 P 1, 19), comme on le chante à la Messe de l’aurore dans l'introït : « La lumière brillera aujourd'hui sur nous. » (Is 9, 2)

Le prologue de l’Évangile selon saint Jean reprend ces trois naissances. Dans le mystère de l’Incarnation le ciel et la terre se donnent la main, comme le traduit de façon admirable une antienne de la solennité de Marie, Mère de Dieu, ou octave de la Nativité :

O admirable échange ! Le Créateur du genre humain prenant un corps et une âme, a daigné naître d’une Vierge ; et entrant dans l’humanité, sans le concours de l’homme, il nous a donné part à sa divinité. (1ère de Laudes)

Pourtant, il ne semble pas si immédiat de prendre part à cette divinité que nous offre l’Enfant de Bethléem, de laisser se lever dans nos cœurs son étoile. Voyez les hôteliers de Bethléem, et tant d’autres. Peu ont reconnu le Christ. Le Prologue de saint Jean nous le rappelle dans trois versets lourds de sens :

Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde. Il était dans le monde, et le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. (v. 9-11)

Le début du Prologue affirmait que le Verbe était Dieu, consubstantiel au Père comme le chante le Credo. Le Verbe, Parole éternelle du Père et seconde personne de la Trinité, est aussi la vraie Lumière ; celle qui a présidé aux premiers instants du monde et à la création de l’homme, en particulier à travers le don de la vie. Dans les ténèbres du chaos, la lumière a brillé et elle brille encore. Les ténèbres ne l’ont pas arrêtée.

Malgré cela, l’évangéliste s’émeut : la lumière a lui, mais elle n’a pas été reconnue. Le Verbe est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu.

Pour quelle raison ? Probablement ce penchant de l’être humain à ne considérer que l’aspect matériel et palpable des choses. L’actualité récente montre que la tentation demeure, et qu’elle s’exprime dans le regard porté sur l’Église. Rappelons les premières lignes de la Constitution dogmatique sur l’Église du concile Vatican II, intitulée Lumen gentium, Lumière des peuples :

Le Christ est la lumière des peuples ; réuni dans l'Esprit- Saint, le saint Concile souhaite donc ardemment, en annonçant à toutes les créatures la bonne nouvelle de l'Evangile, répandre sur tous les hommes la clarté du Christ qui resplendit sur le visage de l’Église (cf. Mc 16,15).

Cette nuit, les anges ont loué Dieu en chantant : « Gloire à Dieu et paix sur la terre aux hommes de sa bienveillance. » La lumière et la paix de l’Incarnation se sont répandues sur des bergers partis vers la crèche à l’invitation des Anges. Un jour, sur le mont Thabor, cette lumière baignera la face des apôtres Pierre, Jacques et Jean. Elle brillera aussi sur les Douze et les disciples après la résurrection. Cette paix et cette lumière venues du ciel se feront aussi consolatrices de tant d’hommes et de femmes de Palestine souffrant dans leur âme ou leur corps.

Mais, il faut le reconnaître, l’Enfant de la crèche sera la première victime de son message d’amour. Parmi ses disciples, la lumière ne sera pas toujours reçue. Pierre trahira son maître ; quant à Judas, il le livrera.

Aujourd’hui, la lumière et la paix de Noël veulent toujours se répandre. Telle est la mission de l’Église, par le ministère de tant de prêtres, par la vie offerte de religieux et de religieuses apostoliques qui, de jour comme de nuit, demeurent serviteurs de leurs frères dans la peine. La lumière et la paix de Noël luisent aussi de la prière cachée de tant de moines et de moniales, de religieuses, retirés derrière les murs des cloîtres. Elles se répandent enfin grâce à tant de fidèles qui témoignent généreusement de leur foi, tant au sein de leur famille que de la société.

Mais le mal a profondément marqué le cœur de l’homme et de la société. Si l’Église est un mystère à la fois invisible et visible, si l’Église est sainte, elle est composée d’hommes et de femmes qui parfois peuvent être de grands pécheurs. Les événements de ces derniers mois le rappellent douloureusement. Les actes posés, les silences plus ou moins complices pratiquement imposés dans un monde qui se faisait une gloire d’interdire d’interdire, ont fait et font encore de nombreuses victimes.

En ce matin de Noël, nous confions à l’Enfant de la crèche toutes les victimes qui ont souffert et souffrent plus particulière- ment par le fait des membres de l’Église. Qu’il fasse briller sur eux sa face. Qu’il leur offre sa paix.

Nous prions aussi pour tous les prêtres, religieux et reli- gieuses indignes par leurs actes de paraître devant le Maître qui s’est fait serviteur, se revêtant de la chair même de leurs victimes. Que l’Enfant de la crèche ouvre leur cœur à une prise de conscience de la gravité de leurs actes et les conduise à demander le pardon après une réelle pénitence.

Enfin, prions pour l’Église. Que le difficile moment qu’elle traverse, que beaucoup ressentent comme une traversée des ténèbres, ne soit pas confisqué par ceux qui n’ont de cesse de faire triompher des idéologies à la mode et à la remorque de la société. Qu’il débouche sur une renaissance, un matin de Pâques.

Aujourd’hui un Enfant nous est né. Au milieu des ténèbres et des ombres de la mort, l’espérance renaît. Entre Marie et Joseph, un Enfant repose dans une mangeoire. Dieu est avec nous, Emmanuel, qui pourra être contre nous ?

Saint et joyeux Noël !

Amen, Alleluia.

 

Rédigé par Philippe

Publié dans #homélies

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