Avec le Sacrement de l’Ordre, vous allez, en prononçant les paroles mêmes du Christ, consacrer le pain et le vin pour qu’ils deviennent le Corps et le Sang du Christ.
Vous allez ainsi offrir à Dieu le Saint Sacrifice, pardonner les péchés dans la confession sacramentelle et exercer le ministère de l’enseignement de la Doctrine au peuple, « in iis quae sunt ad Deum », en tout ce qui se réfère à Dieu, et en cela seulement.
Vous voyez que tout ce que vous êtes, tout ce que vous faites, tout ce que vous dites, ne vous appartient pas. Tout, absolument tout, est Don et manifestation de l’Amour de Dieu en votre faveur, et sans mérite aucun de votre part.
C’est pourquoi le prêtre doit être exclusivement un homme de Dieu, un Saint ou un homme qui aspire à la sainteté, quotidiennement adonné à la prière, à l’action de grâce et à la louange, et renonçant à briller dans des domaines où les autres chrétiens n’ont nul besoin de Lui.
Le prêtre n’est pas un psychologue, ni un sociologue, ni un anthropologue, ni un chercheur dans les centrales nucléaires, ni un homme politique.
C’est un autre Christ ; et je répète : il est vraiment « Ipse Christus, le Christ lui-même », destiné à soutenir et à éclairer les âmes de ses frères et sœurs, à conduire les hommes vers Dieu et à leur ouvrir les trésors spirituels dont ils sont terriblement privés aujourd’hui. Vous êtes prêtres pour révéler le Dieu d’Amour qui s’est manifesté sur la croix et pour susciter, grâce à votre prière, la foi, l’amour et le retour de l’homme pécheur à Dieu.
En effet, nous vivons dans un monde où Dieu est de plus en plus absent et où nous ne savons plus quelles sont nos valeurs et quels sont nos repères.
Il n’y a plus de références morales communes. On ne sait plus ce qui est mal et ce qui est bien. Il existe une multitude de points de vue. Aujourd’hui, on appelle blanc ce qu’hier on appelait noir, ou vice versa.
Ce qui est grave, ce n’est pas de se tromper ; c’est de transformer l’erreur en règle de vie. Dans ce contexte, comme prêtres, pasteurs et guides du Peuple de Dieu, vous devez avoir la préoccupation constante d’être toujours loyaux envers la Doctrine du Christ.
Il vous faut constamment lutter pour acquérir la délicatesse de conscience, le respect fidèle envers le Dogme et la Morale, qui constituent le dépôt de la foi et le patrimoine commun de l’Eglise du Christ.
C’est précisément les conseils et l’exhortation que Saint Paul adresse à chacun de vous, aujourd’hui, dans la Première Lecture : « Montre-toi un modèle pour les croyants, par la parole, la conduite, la charité, la foi, la pureté… Consacre-toi à la lecture, à l’exhortation, à l’enseignement. Ne néglige pas le Don spirituel qui est en toi, qui t’a été confié par une intervention prophétique accompagnée de l’imposition des mains du Collège des Presbytres… Veille sur ta personne et sur ton enseignement ; persévère en ces dispositions » (1 Tm 4, 12-14.16).
Si nous avons peur de proclamer la vérité de l’Evangile, si nous avons honte de dénoncer les déviations graves dans le domaine de la morale, si nous nous accommodons à ce monde de relâchement des mœurs et de relativisme religieux et éthique, si nous avons peur de dénoncer énergiquement les lois abominables sur la nouvelle éthique mondiale, sur le mariage, la famille sous toutes ses formes, l’avortement, lois en totale opposition aux lois de la nature et de Dieu, et que les Nations et les cultures occidentales promeuvent et imposent grâce aux mass-média et à leurs puissances économiques, alors les paroles prophétiques d’Ezéchiel tomberont sur nous comme un grave reproche divin. « Fils d’homme, prophétise contre les Pasteurs d’Israël qui se paissent eux-mêmes.
Les pasteurs ne doivent-ils pas paitre le troupeau ? Vous vous êtes nourris de lait, vous vous êtes vêtus de laine… Vous n’avez pas fortifié les brebis chétives, soigné celle qui était malade, pansé celle qui était blessée. Vous n’avez pas ramené celle qui s’égarait, cherché celle qui était perdue. Mais vous les avez gouvernés avec violence et dureté » (Ez 34, 2-4).
Ces reproches sont graves, mais plus importante est l’offense que l’on fait à Dieu quand, ayant reçu la charge de veiller au Bien spirituel de tous,
on maltraite les âmes en les privant du vrai enseignement et de la Doctrine sur Dieu, sur l’homme et les valeurs fondamentales de l’existence humaine, ou en les privant de l’eau limpide du Baptême qui régénère l’âme, de l’huile sanctifiante de la Confirmation qui la renforce ; du tribunal qui pardonne et de l’aliment eucharistique qui donne la vie éternelle.
Vous, chers Amis et Serviteurs Bien-aimés de Dieu, aimez à vous asseoir dans le confessionnal pour attendre les âmes qui veulent avouer leurs péchés et désirent humblement revenir dans la Maison paternelle.
Célébrez l’Eucharistie avec dignité, ferveur et foi. Celui que ne lutte pas pour prêcher l’Evangile, convertir, protéger, nourrir et conduire le Peuple de Dieu sur la voie de la vérité et de la vie qui est Jésus lui-même, celui qui se tait devant les déviations graves de ce monde, ensorcelé par sa technologie et ses succès scientifiques, s’expose à l’un ou l’autre de ces esclavages qui savent enchainer vos pauvres cœurs : l’esclavage d’une vision exclusivement humaine des choses, esclavage du désir ardent de pouvoir ou de prestige temporel, l’esclavage de la vanité, l’esclavage de l’argent, la servitude de la sensualité.
Et il n’y a qu’une voie qui puisse nous libérer de ces esclavages et nous conduire à assumer pleinement notre ministère de pasteurs et de bergers : c’est la voie de l’Amour.
L’Amour, l’Agapè, est la clef pour comprendre le Christ.
Et pour celui qui exerce le ministère pastoral dans l’Eglise, il ne peut puiser ses énergies que dans un Amour suprême pour le Christ : faire paître le troupeau est un acte d’Amour.
C’est parce que l’Amour nous lie étroitement et intimement au Christ que nous sommes à même de paitre son troupeau, et ce lien d’Amour avec le Christ est si fort que nous ne pouvons plus aller où nous voulons. Nous ne sommes plus maîtres de notre temps ni de nous-mêmes. Et c’est précisément pour cela que Jésus ne demande pas à Pierre s’il le connaît bien, ni s’il est content de la pêche miraculeuse dont il vient d’être gratifié, pour ensuite lui confier une mission personnelle et toute spéciale. Jésus demande à Pierre : « Est-ce que tu m’aimes ? ». Les deux premières fois, Pierre répond : « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime ». Mais la troisième fois, à la suite des insistances de Jésus, Pierre se fait plus humble, plus petit, profondément meurtri par le souvenir de sa trahison et de son péché. Il n’utilise plus le verbe aimer seul, avec tout ce que sa signification comporte de pureté, de limpidité, de force, de vérité et d’engagement. Se souvenant de l’expérience douloureuse de sa misère et de ses faiblesses humaines durant la Passion, il nuance sa réponse en la rendant plus humble et en l’atténuant par une phrase qui est comme une expression d’abandon de soi à la science et à l’Amour miséricordieux de Dieu. Saint Jean rapporte que « Pierre fut peiné de ce qu’il eût dit pour la troisième fois : « M’aimes-tu ? » et il Lui dit : « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime ». Jésus lui dit : « sois le berger de mes brebis » (Jn 21, 17).
Comme le cœur de Pierre et comme celui de Jean-Baptiste dont nous avons célébré la naissance hier, le cœur du Prêtre doit être rempli d’Amour et rechercher l’humilité. Car l’humilité nous configure davantage au Christ qui a dit : « Je suis doux et humble de cœur » (At 11,29). Oui, l’humilité et l’amour nous rapprochent et nous font ressembler à Dieu qui « s’est anéanti et s’est abaissé lui-même devenant obéissant jusqu’à la mort et à la mort sur une croix » (Ph 3,8).
Le devoir et la mission d’être berger, de témoigner du Christ ne se comprennent que si l’on aime, que si l’on est amoureux du Crucifié. Et la croix est la plus grande école où nous apprenons à aimer. Quand on n’aime pas on a terriblement peur devant les pouvoirs de ce monde et on cherche un compromis. Quand, au contraire, on aime, il n’y a pas de pouvoir qui puisse nous fermer la bouche, et les coups de cravache, les menaces, les calomnies, ou même les lapidations ne serviraient qu’à nous purifier de la peur et à nous remplir le cœur « de joie d’avoir été jugés dignes de subir des outrages pour le Nom de Jésus » (Act 5,41).
Il me semble que s’il y a, aujourd’hui, une véritable crise dans le monde, cette crise est celle de l’Amour pour le Christ et pour le Pape, le Vicaire du Christ, chez beaucoup, et même parmi certains chrétiens, prêtres et Evêques. Ceux-là considèrent le Pape et le Christ comme une idée ou une institution ou un pouvoir ou un mythe et non pour ce qu’ils sont modestement et divinement, à savoir : un Dieu qui, dans l’homme Jésus, a vaincu la mort pour que l’homme puisse vivre une expérience de libération ; et un frère (le Pape), qui guide ces hommes libérés par le sang de Jésus et qui sont appelés, à leur tour, à conduire les autres vers la plénitude de la libération qui n’est autre que la plénitude de l’Amour.
C’est en aimant seulement que le monde, qui ne croit pas, comprendra ce que signifie croire et découvrira l’Amour, cet Amour qui n’est pas un sentiment vague ni une recherche égoïste du plaisir, mais un visage ami, un frère qui est mort pour un chacun de nous, afin que le monde découvre l’Amour. Ce sera alors la Pâque, pour toujours et pour tous.
Cette Pâque que l’ordination sacerdotale vous donne de célébrer chaque jour pour la Gloire de Dieu, la Sanctification et le Salut du Monde. Je vous confie à la Vierge Marie et à St Jean-Baptiste. Amen.
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