homélie pour la fête de St Pierre et st Paul - Fontgombault
Publié le 29 Juin 2022
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SAINT PIERRE ET SAINT PAUL
Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU
Abbé de Notre-Dame de Fontgombault
(Fontgombault, le 29 juin 2022)
Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,
Dans une même solennité, l’Église unit saint Pierre, un pêcheur de Galilée, choisi par le Seigneur comme chef des apôtres et pierre fondamentale de l’Église, et saint Paul, citoyen romain né à Tarse en Cilicie qui, de persécuteur des premiers chrétiens, va devenir l’intrépide prédicateur de l’Évangile.
Quel chemin parcouru pour Pierre depuis le premier appel du Seigneur au bord du lac de Tibériade ! Quelle conversion pour Paul depuis la chute du chemin de Damas !
En fêtant aujourd’hui Pierre et Paul, l’Église nous invite à contempler la sainteté en acte, la sainteté qui, de la première rencontre avec le Christ, s’épanouit à travers les épreuves pour atteindre sa maturité dans le martyre de l’un et de l’autre. Chemin de sainteté pour Pierre et Paul, chemin de l’Église qui grandit en ses membres, notre chemin aussi.
Alors que beaucoup de chrétiens, considérant l’Église comme en soins palliatifs, veulent la mettre à l’heure du monde et de la mondanité afin qu’elle survive, souvenons-nous que l’Église demeure signe de contradiction. Non seulement sa survie, mais d’abord sa vie, ne dépendent que de Dieu. Revenir aux premiers temps de sa longue histoire doit nous permettre de tirer quelques leçons.
La délivrance de Pierre est un signe puissant et n’est pas sans lien avec la situation de beaucoup de chrétiens dans le monde. Il y a bien des prisons et bien des façons d’être retenu en prison. Pierre est dans une situation sans issue : à la suite de l’arrestation de plusieurs disciples et de la mort de Jacques, Hérode fait arrêter Pierre. Rien moins que quatre escouades de quatre soldats sont députées à sa garde. On ne lésine pas quand il s’agit de faire taire l’Église ! Pourtant, le Seigneur va se jouer de la garde.
Remarquons que la délivrance de Pierre ne se fait pas sans la prière de tous : « Tandis que Pierre était ainsi détenu dans la prison, l’Église priait Dieu pour lui avec insistance. » (Ac 12,5)
L’ange qui apparaît à Pierre est prévenant : « Lève-toi vite... Mets ta ceinture et chausse tes sandales... Enveloppe-toi de ton manteau et suis-moi. » Ces derniers mots n’ont-ils pas évoqué pour Pierre l’appel si souvent entendu dans la bouche du Seigneur depuis le premier jour : « Venez à ma suite. Je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes. » (Mc 1,17)
Ce jour-là, ce n’était pas une prison que Pierre avait quittée. C’était des filets, ses filets qui le retenaient près du lac aimé et qu’il abandonnait. Il les abandonnait pour se charger d’autres filets, dans lesquels il prendrait des hommes ; heureux filets conduisant à l’heureuse prison de la vie avec Dieu.
Mais tendre des filets ne suffit pas à la mission. L’Évangile rapporte l’étonnante question du Seigneur : « Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? » Les réponses sont variées : Jean le Baptiste, Élie, Jérémie, l’un des prophètes. Le Seigneur poursuit : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre répond alors : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » Jésus dit alors : « Heureux es-tu, Simon fils de Jonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. »
De quoi Pierre peut-il se féliciter ? D’avoir dit une belle parole ? Non, cette parole ne vient pas de lui : ce n’est pas la chair et le sang qui lui ont révélé cela. Pierre doit en revanche se réjouir que Dieu lui ait donné la lumière et qu’il ait été docile à cette lumière. Tout vérité vient de Dieu par l’Esprit qui illumine. Pierre a reçu la lumière et peut ainsi illuminer ses frères.
Jésus conclut : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. » La mission de Pierre est de fortifier ses frères par la parole venue de Dieu.
Dans l’épisode de la délivrance de Pierre, c’est encore Dieu qui agit. Pierre sort derrière l’ange, sans savoir si tout ce qui arrive est bien réel, convaincu qu’il ne s’agit que d’une vision. Mais les faits sont sans conteste : « Le Seigneur a envoyé son ange. »
Les textes de la fête des deux colonnes de l’Église sont un stimulant et invitent à rajeunir notre foi et notre espérance. Le Seigneur est le Dieu fidèle. Il protège son Église et veille sur le successeur de Pierre, afin que sa foi ne défaille pas.
Pour autant, le Seigneur n’épargne pas à son Église les épreuves, comme l’attestent les premiers siècles de son histoire. À travers ces épreuves, elle offre au monde de manière ferme, mais non pas arrogante, le message qu’elle a reçu de son Seigneur par le ministère des apôtres, demeurant ainsi une, sainte, catholique et apostolique.
Un récent document de la Commission théologique internationale consacré à la synodalité affirmait :
L’Église est une parce qu’elle a sa source, son modèle et sa finalité dans l’unité de la Très Sainte Trinité...
L’Église est sainte parce qu’elle est l’œuvre de la Très Sainte Trinité (cf. 2 Co 13,13) : sanctifiée par la grâce du Christ qui s’est donné à elle comme l’Époux à son Épouse (cf.Eph5,23), et vivifiée par l’amour du Père répandu dans les cœurs par le Saint-Esprit (cf. Rm 5,5).
L’Église est catholique parce qu’elle garde l’intégrité et la totalité de la foi (cf. Mt 16,16) et qu’elle est envoyée pour réunir en un seul Peuple saint tous les peuples de la terre (cf. Mt 28,19).
Elle est apostolique parce qu’elle est édifiée sur le fondement des Apôtres (cf. Ep 2,20), parce qu’elle transmet fidèlement la foi de ceux-ci et parce qu’elle est enseignée, sanctifiée et gouvernée par leurs successeurs (cf. Ac 20,19).
(La synodalité dans la vie et la mission de l’Église 1, n°45)
Il semble important de rappeler ces vérités, alors que beaucoup de chrétiens envisagent le chemin synodal comme le moyen de faire passer dans l’Église et dans son enseignement les idées du monde. L'idéologue est incapable de synodalité, car il est incapable d’écouter l’Esprit. Et il y a aussi dans l’Église beaucoup d'idéologie. L’Église se rajeunit non dans la compromission avec le monde, mais dans la vérité reçue de l’Esprit.
Demeurons convaincus que, comme il a suscité les premiers apôtres et les premiers croyants, comme il a édifié l’Église, Dieu poursuit son œuvre à travers les misères des hommes de notre monde et à travers nos pauvretés. Il trace pour ceux qui veulent le suivre une route de lumière. Aujourd’hui comme toujours, Dieu répand en abondance son Esprit et il envoie ses anges. Heureux es-tu, car ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela ! Enfin et surtout, le Christ nous confie à sa Mère.
Mater Ecclesiae, ora pro nobis.
Amen.