témoignage d'aujourd'hui...

Publié le 4 Avril 2008


La maladie, une semence d'amour

par Marie-Noëlle Moreau

Une mystérieuse succession d'épreuves de santé

Marie-Noëlle Moreau, récemment décédée, était responsable pour la France des coopérateurs souffrants des Missionnaires de la Charité de Mère Térésa. Dès l'âge de six mois, à la suite d'une double broncho-pneumonie (complication de coqueluche), elle est une première fois aux portes de la mort. A 10 ans, une mastoïdite-méningite la laisse à demi-sourde. Après des études d'infirmière, d'assistance sociale et de nombreux diplômes paramédicaux, Marie-Noëlle fonde un groupe médico-scolaire, puis dirige un dispensaire avant de prendre en main l'école d'infirmières de Notre Dame de Bon-Secours. Mais elle doit interrompre sa carrière à 49 ans, du fait d'une hépatite virale puis d'une tuberculose rénale qui lui impose quatre années de sanatorium.

En 1963, Marie-Noëlle Moreau est le premier "coopérateur souffrant" répondant à l'appel de la fondatrice des Missionnaires de la Charité. Elle devient par la suite "député national" de Coopérateurs souffrants de Mère Teresa. Elle est l'auteur de plusieurs livres dont : "Tu ne connais pas ton bonheur" (Fayard), "Pourquoi choisis-tu la mort ? " (Mame) et "Les aimer jusqu'au bout" (Mame). Elle a donné l'interview ci-dessous alors qu'elle était âgée de 70 ans, souffrant d'un cancer du foie après avoir été traitée pendant de longues années pour des cancers successifs de l'œil, des os et du sein.

  • Le catalogue de vos maladies laisse deviner vos souffrances. Comment résistez-vous ?

Il faut rire de son mal. Si je commence à gémir de mon état, je suis perdue. La souffrance qui est un mal en soi peut devenir un bien incommensurable. Je ne suis pas masochiste, je ne cherche pas la souffrance. Mais quand elle est là, il faut l'assumer, en tirer les fruits positifs qu'elle peut nous apporter. Cela demande patience, tolérance, courage, volonté, humilité... La maladie grave est une grâce, c'est le plus beau chemin de la sainteté.

  • Comment avez-vous pris la décision de fonder les "Coopérateurs souffrants de Mère Teresa", en 1959 ?

Mère Teresa disait : "Vous les handicapés, les malades, venez à nous. Vous êtes un trésor dans lequel nous puiserons pour œuvrer". Elle ressentait qu'il lui fallait s'appuyer sur la prière de grands malades offrant leurs souffrances 24 heures sur 24. Cette fondation a contribué à transformer le regard de nombreux malades en donnant un sens à leurs souffrances.

  • Quels fruits en tirez-vous personnellement ?

La maladie fait grandir. Elle sort le malade et son entourage de leur égocentrisme. Si vous avez besoin de quelque chose, demandez-le : les gens sont heureux de rendre service. En octobre dernier, lorsque j'étais bien proche de mourir, tous mes voisins d'immeubles, à Paris, étaient disponibles pour m'aider. La maladie est une semence d'amour, de don, d'attention. Pour le malade, c'est aussi un temps d'écoute, de réflexion, d'abandon. Dans mon lit, tous les jours et toutes les nuits, je fais le tour du monde.

  • La souffrance peut-elle être rédemptrice ?

Le Saint-Père le dit à qui veut l'entendre : dans chaque personne qui souffre, il y a le Christ souffrant. Le but des coopérateurs est de positiver la souffrance physique, morale, affective pour sauver des âmes, afin que cette souffrance soit rédemptrice des personnes décédées aussi bien que des vivants en danger. Nous sommes des victimes expiatoires, il n'y a pas de doute... Les coopérateurs acceptent la brisure de leur être et l'offrent dans l'amour pour qu'elle resurgisse en rédemption du monde. Quand nous élevons notre offrande vers Dieu, pour les jeunes malades de la drogue ou du sida par exemple, nous ne savons pas lesquels seront sauvés, mais il est certain que Dieu va transformer la vie de nombreux jeunes. Aucune souffrance offerte n'est vaine.

  • Comment cela se traduit-il avec les Missionnaires de la Charité ?

Par de nouveaux orphelinats, de nouveaux hôpitaux... Par leur union de prière et leur relation épistolaire, les coopérateurs sont la toile de fond sur laquelle les Missionnaires de la Charité tissent leur travail. Un jour, un coopérateur me dit : "Je ne veux plus souffrir, je n'offre plus rien. J'aime mieux mourir". Et voilà qu'à l'autre bout du monde, la sœur missionnaire dont il est le coopérateur baisse les bras et envisage de quitter la congrégation. Nous sommes avertis... Quelque temps plus tard, ce coopérateur me demande s'il peut revenir : "C'était un moment de crise, je continue". Et j'apprends que la petite religieuse est retournée vers Mère Teresa pour lui dire : "Ma place est ici". Voilà un signe de ce qui se crée entre coopérateurs et missionnaires même si cela n'est pas tangible.

  • Y a-t-il des coopérateurs qui craquent ?

Oui, tout le monde n'accepte pas la maladie, loin de là. La maladie vous démolit. Il faut s'entraider, se soutenir. J'invoque le Saint-Esprit pour savoir que dire aux coopérateurs en difficulté. On peut n'être qu'un cri et en faire un élan vers Dieu. J'ai moi-même connu le désespoir. Il y a bien longtemps, je suis allée sur le Pont-Neuf... Tous les gens que je connais sont passés par là. C'est pourquoi je suis très tolérante pour les suicidaires. La foi est une grâce énorme. Ceux qui n'ont pas la foi, comment voulez-vous qu'ils tiennent ? Ceux-là, Dieu ne peut pas les rejeter.

  • Comment nourrissez-vous votre foi ?

Par la prière, les sacrements, les lectures et l'acceptation de ma vie telle qu'elle est. Dans ma grande solitude, je sais que Dieu est là, qu'il m'habite. Il est le meilleur compagnon que l'on puisse avoir. Cette joie, cette sérénité-là, personne ne peut me l'enlever. Je ne manque de rien... Beaucoup de coopérateurs sont heureux. Ils ont mal tout le temps mais ils sont heureux. Leur vie est une continuelle escalade vers Dieu.

  • Si l'on offre sa souffrance à Dieu, va-t-on à Sa rencontre ?

Oui. L'âme se purifie en même temps que le corps se soigne. Quand le corps grandit dans son offrande, l'âme aussi grandit. L'un ne va pas sans l'autre. Nous ne sommes qu'un, corps et âme. C'est pour cela qu'on ne peut accepter l'avortement et l'euthanasie. Car c'est tuer à la fois le corps et l'âme. L'heure de Dieu n'est pas notre heure. Et je veux mourir à l'heure de Dieu.

Recueilli par
Denis Solignac

Rédigé par philippe

Publié dans #divers

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