homélie pour la fête de la Dédicace.
Publié le 12 Octobre 2014
pictures petit placide
+ DEDICACE
Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU
Abbé de Notre-Dame de Fontgombault
(Fontgombault, le 12 octobre 2014)
Quærebat videre Jesum, quis esset.
Il cherchait à voir qui était Jésus. (Lc 19, 3)
"Réduire la valeur d'un homme à ce qu'il a, c'est déjà envier son bien, c'est le considérer comme un moyen en vue d'un plaisir personnel...
Quel est le sens de ma vie et de la vie des autres ? La quête de l'avoir ou la quête de l'être ?"
Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,
Dieu a voulu qu'à travers les siècles parvienne à notre connaissance l'histoire du chef des collecteurs d'impôts de Jéricho nommé Zachée.
La constitution Dei Verbum du concile Vatican II nous dit que : « Les livres de l'Ecriture enseignent fermement, fidèlement et sans erreur la vérité que Dieu, pour notre salut, a voulu voir consigée dans les Lettres sacrées. » (Dei Verbum n°11)
La méditation de la Sainte Ecriture, ou encore Lectio divina, implique donc la recherche du message que Dieu a voulu transmettre à travers les lignes inspirées, et ce, en vue de le mettre en pratique pour notre salut. La lecture de l'Evangile, si chère au Pape François, qui ne manque pas de rappeler que tout chrétien devrait en avoir un exemplaire dans la poche ou le sac, à portée de main, n'est pas la lecture superficielle et rapide d'un texte déjà connu. Non, il s'agit d'une lecture en profondeur, qui laisse au cœur le temps d'être pénétré par la lumière de l'Esprit-Saint et qui, ainsi, porte du fruit.
L'histoire de Zachée est l'histoire d'une conversion.
Quel est donc le premier indice de cette conversion ?
Zachée est collecteur d'impôts. Il prend du bien des autres afin de le remettre à l'occupant romain, en vue de l'entretien des routes, des armées, de l'administration... Mais Zachée, très zélé, ne se limite pas au prêlèvement juste. En proposant à Jésus de rendre au contribuable lésé le quadruple de ce qu'il aurait prélevé à tort, il tend à montrer que sa gestion comportait quelques zones d'ombre...
Afin d'établir l'impôt, Zachée devait se renseigner sur les biens de ses compatriotes. Les hommes avaient valeur pour lui dans la mesure où ils possédaient des biens. Voyant un homme, il se demandait simplement : « Qu'a-t-il ? Que possède-t-il ? »
Apprenant que Jésus passait Zachée prend la décision d'aller le voir, sans même espérer pouvoir lui parler, ni le toucher. Il était trop petit. L' Evangile nous dit qu'il cherchait à voir ''qui il était''. La question était nouvelle pour lui. Pour la première fois, il ne cherchait pas à savoir ce qu'avait cet homme, mais qui il était.
La conversion d'un homme, d'une nation, débute au moment précis où à l'intérieur de son cœur naît, en face de l'autre, la simple question : « Qui est-il ? » ; non pas « Qu'a-t- il ? », « Que possède-t-il qui pourrait m'enrichir ? », mais « Qui est-il ? » Réduire la valeur d'un homme à ce qu'il a, c'est déjà envier son bien, c'est le considérer comme un moyen en vue d'un plaisir personnel, c'est renoncer à le rencontrer vraiment.
Zachée a compris cela, et Zachée s'est converti.
Il ne cherche pas à savoir ce que possède Jésus mais qui est Jésus, et Jésus lui répond au delà de ce que le collecteur d'impôt attendait. Dieu ne lui donne pas quelque chose de lui, une aumône de Dieu. Non, Dieu n'a pas fait d'aumône à Zachée ; Dieu s'est donné à lui, il est allé chez lui.
Savoir le motif qui met l'homme sur le chemin de Dieu est essentiel. Dieu n'a rien, il est. Dieu est le plus grand des pauvres car il n'a que lui.
Celui qui cherche Dieu pour ce qu'il a, ne tiendra pas longtemps la route. Dieu n'a, a priori, rien à nous proposer qui comble nos désirs de sensations, nos quêtes de plaisir. Dieu est décevant, et sera toujours décevant, pour celui qui ne chercherait pas ce qu'il est.
Tandis que saint Thomas d'Aquin était en prière devant le crucifix, tôt le matin, dans la chapelle San Nicola à Naples, Domenico da Caserta, le sacristain de l'église, entendit un dialogue. Thomas demandait, inquiet, si ce qu'il avait écrit sur les mystères de la foi chrétienne était juste. Et le Crucifié répondit : « Tu as bien parlé de moi, Thomas. Quelle sera ta récompense ? » La réponse de Thomas est celle que les amis et les disciples de Jésus devraient toujours donner : « Rien d'autre que vous, Seigneur ! » (cf. Jean-Pierre Torell, Initiation à saint Thomas d'Aquin. Sa personne et son œuvre, 3e édition, Cerf, 2008 , p. 418)
Ce qui vaut quant au regard à porter sur Dieu vaut aussi pour le regard à porter sur les autres. La société de consommation s'attache, selon son propre nom, à ce qu'a l'autre, à ce qui est consommable chez lui. Elle renonce à considérer ce qu'il est, ou du moins elle réduit l'être à l'avoir.
Le pas est immédiat qui consiste à déduire que celui qui n'a pas, l'enfant dans le sein de sa mère par exemple, n'est pas ; que celui qui semble n'avoir rien à donner, comme un grand malade en phase terminale d'un cancer, ne présente pas d'intérêt, et, a fortiori, que celui qui ne saurait apporter que souffrance ne mériterait pas l'être.
Il y a là matière à conversion : purifier son regard sur l'autre, se laisser fasciner par le mystère de l'être, transfigure la vie.
Les paroles de l'introït rappelaient que « redoutable est ce lieu, là est la maison de Dieu et la porte du ciel. » Quels sont nos sentiments en entrant dans une église ?
Si l'église est la maison de Dieu, combien plus Dieu veut-il demeurer dans les âmes. La fascination devant l'être éclaire le regard porté par Jésus sur les estropiés, les boiteux, les pauvres en corps et en âme. Tous sont appelés à être enfants de Dieu. Valons-nous plus chers qu'eux ? Non pas. Mais nous ne valons pas moins, ni d'ailleurs notre voisin, ni d'ailleurs notre ennemi.
Selon l'enseignement de Dei Verbum, la Révélation est « donnée pour le salut de toutes les nations » (n°7).
Le message de Zachée s'adresse donc non seulement aux hommes mais aussi aux nations. Les sociétés doivent s'attacher à comprendre ce qu'est l'homme, afin de promulguer des lois ordonnées effectivement à la prospérité de ce qu'il a. Autour du Pape, les membres du Synode réfléchissent sur ce qu'est la famille ; prions pour que le monde reçoive l'annonce renouvelée, la bonne nouvelle de la famille.
Hier et aujourd'hui se déroule autour de l'Abbaye le pèlerinage des ''serviteurs et priants pour la vie''. Rejoignons-les, unissons-nous à leur prière en vue du respect et de la reconnaissance de l'admirable don de Dieu qu'est la vie, par tous, hommes et femmes, malades et personnel soignant.
Que l'exemple de Zachée convertisse notre cœur.
Avec Marie méditons ces choses en secret. Dans la lumière de son regard maternel, posons-nous humblement et sans concession la question primordiale : Quel est le sens de ma vie et de la vie des autres ?
La quête de l'avoir ou la quête de l'être ? Que le Seigneur nous donne de discerner en nous-même et en tout homme le mystère et la valeur de l'être en tant que don de Dieu.
Amen.
From the unborn child to the terminal patient, God doesn't want to know what we own, but who we are
Dedication of the Abbatial Church
Missa Terribilis
c'est cette semaine le collecteur d'impôts mais c'est pas le même ... !