mystique du saint Temps de l'Avent .
Publié le 28 Novembre 2018


Il faut chercher en Gaule et non pas à Rome, du moins pour l'Occident , les premiers témoignages relatifs à l'existence d'une période préparatoire à la fête de Noël.
C'est, à la fin du Vème siècle, l'évêque de Tours, Perpétuus, qui prescrit un jeûne de six semaines , depuis la saint Martin jusqu'au 25 décembre. C'est un peu plus tard, en 58, le concile de Mâcon qui spécifie que, durant cette même période, le service divin serait célébré avec les rites propres au Carême " quadragesimali ordine". Dès l'origine, on le voit l'Avent revêtit , dans nos Eglises de Gaule, une couleur pénitentielle très marquée. Il devait en être autrement à Rome, où l'Avent s'introduisit au cours du VIème siècle. Tout de suite il s'y distingua très nettement du Carême, non seulement par sa durée qui n'excéda jamais quatre ou cinq semaines, mais surtout par son caractère liturgique. Car l'omission du Te Deum à l'office et du Gloria à la messe, la disposition de la tunique et de la dalmatique, l'emploi de la couleur violette, toutes ces particularités d'origine plus ou moins tardive qui confèrent à l'Avent une vague ressemblance avec le Carême ne doivent pas nous donner le change sur l'esprit véritable de la période qui nous occupe. Sans doute l'Eglise romaine admit elle aussi , et d'assez bonne heure , l'usage de sanctifier par le jeûne et l'abstinence les semaines qui précèdent Noël. Mais ce jeûne de l'Avent n'eut jamais à Rome ni la rigueur, ni surtout le caractère en quelque sorte sacré du jeûne quadragésimal.
... une seule et même idée qui est comme la clef de voûte de la liturgie de l'Avent à savoir l'Adventus Domini, l'Avènement du règne de Dieu. On l'a dit avec raison, le développement liturgique de l'Avent n'est que le commentaire de la demande de l'oraison dominicale : Adveniat regnum tuum . Or, l'avènement du règne de Dieu suit les phases de l'oeuvre rédemptrice. Il commence proprement avec la naissance du Rédempteur, se réalise par la Croix, s'épanouit dans le mystère de l'Eglise et s'achève par le jugement universeL
Aussi est-ce à juste titre que la collecte de la vigile de Noël définit l'Avent :" L'attente annuelle de notre Rédemption. Redemptionis nostrae annua expectatio" .
Ceci nous explique la très large part qui est faite à Saint Jean-Baptiste dans la liturgie de ce temps où il apparaît comme le Précurseur indispensable du Christ, le témoin authentique et nécessaire de l'Agneau de Dieu. Mais de cet avènement du Seigneur, il est tout naturel que l'Eglise fasse ressortir les deux extrêmes, le commencement et la fin, c'est-à-dire la naissance selon la chair et l'avènement glorieux.
La naissance selon la chair, l'Avent nous y prépare non pas simplement comme à la célébration d'un souvenir historique, mais bien comme au renouvellement d'un mystère qu'il importe de revivre. De là ce double sentiment d'espérance et de joie qui anime la liturgie de l'Avent.
La joie de l'Avent a une douceur toute particulière . Ce n'est pas la joie céleste et radieuse que nous goûterons au jour de Pâques. Ce n'est pas encore la joie plus humaine, peut-être, mais si vive et si frémissante que nous réserve le mystère de Noël . C'est une joie plus contenue, plus nuancée, c'est la joie que nous cause l'attente de notre rédemption, comme le dit très heureusement la collecte déjà citée :" Qui nos redemptionis nostrae anua expectation laetificas. "
Cette allégresse se manifeste dans les antiennes et les répons de l'Avent par la répétition fréquente de l'Alleluia. L'Eglise elle-même nous fait un devoir de participer à sa propre joie : ' Réjouissez-vous, réjouissez-vous, nous dit-elle le dimanche de Gaudete, car le Seigneur est proche. "
Puisque la joie de l'Avent est la joie de l'espérance, il s'y mêle naturellement un vif désir de voir et de posséder l'objet de notre attente, le Christ Jésus. Et comme ce désir ne fait que croître de jour en jour, la liturgie l''exprime de plus en plus vivement au fur et à mesure qu'elle se rapproche de Noël.
Au début de l'Avent , l'Eglise éprouve déjà un grand désir de la venue du Seigneur, mais elle ne l'entrevoit que de loin, aspiciens a longe, elle se résigne à l'attendre dans la confiance et dans la paix. Cependant l'Epoux se rapproche, plus l'Epouse devient impatiente de contempler la beauté de son visage, plus elle le presse de hâter sa visite. Sans cesse elle lui redit :" Veni, Domine, et noli tardare: Venez, Seigneur, ne tardez pas."
Lorsqu'on parvient à la dernière semaine avant Noël, l'Eglise se met à compter les jours, comme pour calmer son impatience :" Ne craignez pas, dit-elle, c'est le cinquième jour que viendra le Seigneur". On dirait qu'elle concentre toute la véhémence de son désir dans ces grandes antiennes qui renferment , selon le mot très juste de dom Guéranger, " la moelle liturgique de l'Avent . "
Enfin, l'avant-veille de Noël, une fois la préparation terminée, l'Eglise se recueille et , avec une joyeuse assurance, proclame accompli tout ce qui a été dit par l'ange au sujet de la Vierge Marie : Ecce completa sunt omnia quae dicta sunt per angelum de Virgine Maria.
La Vierge Marie, c'est en elle, dans le très pur enclos de son sein virginal, honestissima clausula, que se réalise le mystère du Christ venant en ce monde. Plus on se rapproche de la fête de Noël, plus on la voit répandre cette lumière douce et aimable qui donne un si grand charme à la liturgie de l'Avent . Noël est la fête par excellence de la maternité divine. Pour nous y préparer, l'Eglise fait mémoire dans la semaine des Quatre-Temps de deux grands mystères :
la conception virginale et la Visitation . Dans le premier de ces mystères, qui se célèbre le mercredi, en la férie jadis si fameuse du Missus est, la Vierge Marie nous apparaît par son attitude attentive et recueillie comme la personnification de l'Avent. En elle se trouvent réunies au plus haut degré les dispositions de sainteté et de pureté susceptibles d'attirer le Rédempteur du ciel sur la terre. Lorsque la Vierge s'est inclinée sous la parole de l'ange et qu'elle a conçu le Verbe de Dieu, le mystère de l'attente revêt un aspect nouveau .
L'Annonciation c'était l'attente silencieuse, l'attente enveloppée de réserve et de prudence; la Visitation, dont l'Eglise fait mémoire le Vendredi des Quatre-Temps, c'est l'attente de la Vierge, qui, brûlant du désir de mettre au jour le fruit de ses entrailles, se presse d'en faire rayonner la vertu sur le monde, et d'exhaler dans les strophes du Magnificat la reconnaissance et la joie qui remplissent son coeur.
dom Flicoteaux osb+