citoyen d'un autre monde.
Publié le 15 Juin 2008

Quelqu'un a dit que les hommes sont entre eux comme la région de leur âme où ils habitent. Ne serait-il pas plus exact de dire que tous les hommes sont devant Dieu comme la région de leur âme d'où part leur action?
Nous n'avons pas besoin de nous être longuement observés pour reconnaître qu'il est des actions en nous qui sont toutes de surface, irréfléchies, plutôt réactions qu'actions réelles et où seulement une portion minime de nous-mêmes est engagée. N'est-il pas vrai qu'en dehors même des actions réflexes, consécutives à une impression que le cerveau n'a pas eu le loisir d'enregistrer, mille actions naissent en nous du tempérament, des habitudes acquises, d'une sorte de mécanisme vital ordonné au bien-être de l'individu? Ce sont des actes de nature.
L'intelligence, lorsqu'elle intervient, modifie de fond en comble les conditions primitives de la vie.
Elle crée en nous la responsabilité, car elle nous élève au-dessus de notre nature individuelle, nous fait échapper à l'égoïsme de la vie et nous met ainsi en possession de nous-mêmes.
Mes actes dès lors, au lieu d'obéir à une pensée naturelle, dépendent de ma délibération intérieure et, avant de s'accomplir, se dessinent nettement dans le laboratoire de ma pensée. Ils sont alors vraiment miens. Au lieu d'être simplement le fruit de la nature ou de l'instinct, ils se produisent en conformité avec une résolution délibérée dans le conseil de ma raison, selon un programme et une direction qui viennent de moi. La vie et l'activité première sont maintenant doublée de raison, de liberté,. J'ai le domaine de moi. Je suis une personne, un être d'initiative libre et de responsabilité; non une épave, ni un végétal, ni un animal, un être tout sensitif, prisonnier des lois physiques, victime des exigences de l'instinct; je possède le domaine et la direction de ma vie et de mes actes. Je suis à moi. Soustrait que je suis de par ma raison et ma volonté libre à la servitude des sens, je me dirige et me gouverne; je prends conscience de ma liberté à chacun de mes actes délibérés, j'en prends surtout conscience, et presque sensation, lorsque je me détermine dans le sens de la plus grande résistance et contrairement à tout ce que sollicitent de moi mes dispositions sensibles.
Ainsi entré en possession de moi, je suis capable de subordonner ma vie tout entière à un dessein et à un ensemble choisi de moi et supérieur à moi. Chose remarquable, le moment où je deviens une personne est précisément celui où je deviens capable d'être impersonnel. Le cercle de l'égoïsme vital est en effet rompu dès que l'intelligence intervient....
Dès que je me gouverne et me dirige intelligemment, je deviens citoyen d'un autre monde, j'entre dans de nouvelles relations; la hiérarchie des beautés et des dignités morales m'est révêlée; je me reconnais des devoirs avec le droit de n'être pas entravé dans leur accomplissement. En même temps que l'intelligence m'introduit dans la région de l'universel, du réel et du vrai, je deviens capable d'aimer aussi cet universel, cet absolu que mon intelligence me montre, et l'aimant, de lui rapporter mes actes et ma vie.
Désormais, je suis sorti de moi; de jour en jour je puis m'affranchir non pas seulement de toutes les attractions basses, mais aussi de toutes les sollicitations égoïstes et personnelles; si je le veux, je puis devenir l'homme qu'on a défini "un être capable de donner sa vie pour la justice". L'intelligence a accompli en moi cette révolution; le pouvoir personnel qui me vient d'elle me permet de me saisir de toute mon activité et de la porter vers ce que l'intelligence m'a montré, de la dévouer à un but plus grand que moi, à la réalisation d'un programme général de justice et de vérité qui me dépasse et auquel désormais je collaborerai volontairement. La vie de chacun de nous ne prend ainsi d'intérêt qu'en sortant d'elle-même; alors vraiment, alors seulement, elle vaut la peine d'être vécue.
Mon devoir et mon intérêt me font ensemble une loi d'aller au plus profond de ma vie puiser en Dieu, en ce Dieu que je porte en moi, le principe, le ton, l'allure et la direction de toutes mes oeuvres volontaires. C'est de là, de cette région profonde, d'un concert établi entre Dieu et moi que mes actes seront produits et c'est à cette condition qu'ils obtiendront devant Dieu toute leur valeur: ils seront appuyés sur lui, ils auront puisé en lui la force et l'élan nécessaires pour lui parvenir.
Là vraiment se trouve l'achèvement de la vie chrétienne: devenir aux mains de Dieu un instrument docile, un auxiliaire de toutes les heures, n'ayant de direction, d'activité et d'application que dans sa docilité même, dans la constance de son attachement à la vie du Seigneur.
Daigne Dieu faire que tous nos actes soient ainsi indivisiblement de lui et de nous, de lui agissant par nous, de nous agissant selon lui!
dom Delatte.
l'acte surnaturel.
Vivre à Dieu.
'qu'il s'éloigne du mal et fasse le bien, qu'il cherche la paix et la poursuive."
1Pierre 3,8,15
"Ne vous laissez pas 'ensorceler' par le piège du mal. Recherchez plutôt un existence riche de valeurs, pour donner vie à une société plus juste, et plus ouverte au futur. Faites fructifier les dons que Dieu vous a offerts avec la jeunesse: la force, l'intelligence, le courage et l'envie de vivre. C'est à partir de ce bagage, et en comptant toujours sur le soutien divin, que vous pourrez nourrir en vous, et autour de vous, l'espérance. Il dépend de vous et de votre cœur de faire en sorte que le progrès se transforme en un grand bien pour tous. Et la voie du Bien a un nom: elle se nomme l'amour" ».
Benoît XVI