le sacrement de pénitence: du regret.
Publié le 10 Février 2013
La grandeur de l'homme vient de ce que par sa raison il peut dépasser la trame du temps en laquelle sa vie se déroule. Par son intelligence, il peut prévoir l'avenir, il peut se tendre vers le futur, qu'il n'a pas encore réalisé, mais qu'il peut projeter, qu'il peut imaginer, qu'il peut désirer.
Il est avant tout un être de désir, d'idéal; telle est bien la première marque de l'esprit, une des grandeurs authentiquement humaines. L'homme ne reste pas attaché au fait, au présent tel qu'il est donné. Il est capable de voir plus loin. Il peut donner à ses activités des intentions, des orientations, qui en prolongent presque indéfiniment la vertu.
Il est une autre grandeur dans l'homme, souvent méconnue, mais peut-être plus profonde; l'homme est capable de se retourner vers son passé, de le revivre dans sa mémoire, soit pour jouir à nouveau de tout le bien qu'il a pu réaliser, soit aussi pour réparer les fautes, les maladresses qu'il a pu connaître.
L'homme est capable de juger son passé et de le juger d'après l'idéal qu'il a actuellement présent à son esprit; non seulement il peut constater les déficiences, les ratés de sa vie antérieure, mais il peut les regretter.
Le regret est un des sentiments les plus nobles de l'homme, il suppose non seulement un jugement de valeur sur les années écoulées, mais encore une intention secrète de réparer ce passé; le réparer, c'est-à-dire le reconstruire au moins dans son esprit. Après de longues années de débauche, après toute une adolescence de désordres, après toute une existence de fautes et de péchés, l'homme peut, grâce à son esprit, revivre dans un instant tout ce lourd passé. Il peut en peser la valeur.
Le verdict de sa conscience peut le condamner et par le regret il peut, en son attitude intérieure du moins, vouloir le corriger, c'est-à-dire le refaire. Dans les années révolues, il a pu pécher avec une conscience assez faible; les passions de la jeunesse, son inexpérience ont été causes de ses fautes. Le calme étant revenu dans l'âme, l'expérience de la vie permettant un jugement plus précis sur les choses et les gens, il peut mieux juger de sa vie antérieure. Et, par son regret, il peut avoir l'intention au moins de redresser ce qui a été tortueux.
Le regret manifeste la grandeur de l'esprit, il souligne aussi sa faiblesse.
Grâce à son esprit l'homme n'est pas lié à sa destinées, il n'en est pas l'esclave, par un acte de repentir il peut se désolidariser de son passé, couper avec lui. Il n'est pas complètement soumis au déterminisme de ses actes antérieurs. Grâce à sa raison, il reste toujours un être libre, capable de s'élever au-dessus du temps et de rayer d'un trait ce qu'il a fait, peut-être pendant toute une vie; un dernier instant de lucidité, au terme d'une longue existence, suffit pour rompre avec ce qu'elle fut.
Le regret manifeste aussi la faiblesse de l'homme.
Lorsqu'il est sincère, il recèle bien au plus intime de son âme une intention cachée de réparation, un désir implicite de réfection; mais l'homme laissé à lui-même, à ses seules forces, ne peut rendre efficace cette intention.
L'homme, par son esprit humain, est capable de connaître son passé, de le juger, mais son intelligence n'est pas créatrice, elle peut avoir l'intention de le refaire, et ceci est déjà très grand, mais cette intention ne peut-être réalisatrice. Si l'homme a prise sur le présent, si dans ce présent, il peut intentionnellement revivre son passé et prévoir l'avenir, le passé et le futur en leur réalité échappent à l'emprise de son intelligence mesurée par le temps.
Seule l'intelligence créatrice, mesurée par l'éternité, est maîtresse du passé et du futur en leur réalité même. C'est ici que le secours de Dieu vient en aide à la faiblesse de l'homme pour prolonger son intention et transformer son désir velléitaire en volonté réalisatrice.
La pénitence sera le sacrement du regret, elle magnifiera le regret. Dans ce sacrement, Dieu en se servant de ce sentiment si noble pour réaliser son oeuvre de pardon, manifeste en quelle estime il le tient. Plein de respect pour l'intimité de cet esprit qui étant à son image dépasse le temps et peut librement repasser sa vie, dans son intégralité ou dans une de ses périodes.
Dieu utilise l'attitude profondément humaine de cet être historique pour en faire l'instrument de sa grâce.
Ce regret purement humain était déjà beau: élevé par la grâce, uni intimement à la souffrance réparatrice du Coeur de Jésus, transfiguré par l'amour du Christ, il revêt une nouvelle splendeur. Ce regret sera justificateur.