Novissima verba.
Publié le 16 Octobre 2009
Non ! dans ce noir chaos, dans ce vide sans terme,
Mon âme sent en elle un point d'appui plus ferme,
La conscience ! instinct d'une autre vérité,
Qui guide par sa force et non par sa clarté,
Comme on guide l'aveugle en sa sombre carrière,
Par la voix, par la main, et non par la lumière.
Noble instinct ! conscience ! ô vérité du cœur !
D'un astre encor voilé prophétique chaleur !
Tu m'annonces toi seule en tes mille langages
Quelque chose qui luit derrière ces nuages !
Dans quelque obscurité que tu plonges mes pas ,
Même au fond de ma nuit tu ne t'égares pas !
Quand ma raison s'éteint, ton flambeau luit encore !
Tu dis ce qu'elle tait, tu sais ce qu'elle ignore ;
Quand je n'espère plus , l'espérance est ta voix ;
Quand je ne crois plus rien, tu parles et je crois !
Et ma main hardiment brise et jette loin d'elle
La coupe des plaisirs, et la coupe mortelle ;
Et mon âme qui veut vivre et souffrir encor,
Reprend vers la lumière un généreux essor,
Et se fait dans l'abime où la douleur la noie
De l'excès de sa peine une secrète joie ;
Comme le voyageur parti dès le matin,
Qui ne voit pas encor le terme du chemin,
Trouve le ciel brûlant, le jour long , le sol rude,
Mais fier de ses sueurs et de sa lassitude,
Dit en voyant grandir les ombres des cyprès :
J'ai marché si long-temps que je dois être près !
Qui vint sur son fumier prendre Job en défaut,
Et qui, trouvant sou cœur plus fort que ses murmures,
Versa l'huile du ciel sur ses mille blessures ;
Le souvenir de Dieu descend, et vient à moi,
Murmure à mon oreille, et me dit : Lève-toi!
Lamartine.