Publié le 19 Janvier 2017
Mais la vie religieuse ne tend pas seulement à écarter ce qui peut donner la mort à la charité ou gêner son expansion dans l'âme. elle en procure de façon directe le développement. Elle réservera au moine pour Dieu et par son Christ les affections de son coeur. Elle ne se bornera pas à soumettre sa volonté aux préceptes de Jésus; elle la mettra en harmonie avec ses conseils, avec toutes les manifestations dûment contrôlées du divin bon plaisir. Elle s'emparera de toute son activité pour la vouer entièrement au service exclusif de Dieu dans une vie de prière, d'ora et labora.
Elle fera, de la sorte de toute son existence comme un perpétuel holocauste sur l'autel de la charité.
C'est en raison de cette éminente charité de l'âme religieuse, de l'intime union avec Dieu que cette âme est dite :" l'épouse du Seigneur".
Ce sont les attraits du Verbe incarné et de la très Sainte Vierge qui ont ravi son coeur et l'ont gagné à l'amour de l'indivisible beauté divine; c'est à la contemplation de ses mystères que doit être ordonnée d'une façon particulière sa vie d'oraison.
La vie religieuse n'est pas, comme le sacerdoce, un état réservé. Par ses invitations réitérées, Jésus a ouvert tout grand le sentier des conseils aux âmes éprises de la perfection. En soi quiconque en a le courage, appuyé sur la grâce divine, peut s'y engager sans autre appel.
Mais il reste que Dieu, maître de ses dons distribue comme il lui plait les aptitudes et les inclinations et les répartit en vue du rôle auquel elles préparent. Les aptitudes et les attraits sont, à leur façon un appel. C'en est un encore et plus manifeste que les lumières et les motions surnaturelles par lesquelles le Seigneur se réserve d'engager plus efficacement certaines âmes dans la voie de la perfection.
Pas plus que l'appel au sacerdoce, la vocation à la vie religieuse ne crée une obligation directe. L'âme qui en est favorisée n'a pas, en soi, par cela seul, le devoir d'y répondre. Si vis, a dit le Maître. La réponse demeure essentiellement une question de libre générosité, d'amour humble et courageux. L'effort généreux, c'est toujours là qu'il faut en revenir en matière de vie religieuse.
Le moine ne rêve pas d'actes éclatants de vertu, de sacrifices héroïques . Il se met sans cesse en face des humbles réalités du devoir présent pour redire sans cesse devant elles :" Ecce Fiat" .
La vie en commun est l'occasion de mille souffrances, le plus souvent menues, mais auxquelles la constance peut donner maintes fois, une véritable acuité. Tel frère que l'on supporte pendant des années au choeur et qui chante faux, tel autre avec ses tics, sa manière de se tenir à table, tel caractère que l'on supporte tant bien que mal, différences d'éducation et j'en passe. Qui n'a pas vécu en communauté pour se rendre compte de ses terribles exigences.
etc..
Ces souffrances trouvent toujours le moine doux, paisible et même autant que possible aimable et joyeux. A la vue de son père hôtelier, on serait tenté de penser que sa vie n'est qu'un long fleuve tranquille..
Le moine est lui-même son premier fardeau. Toucher du doigt, chaque jour, presqu'à chaque heure, la limite, si bornée de ses forces physiques et morales, constater chaque semaine, le retour des mêmes surprises, des mêmes lâchetés, dont la pénitence semble défier les meilleurs propos, sentir en soi, toujours vivace un foyer d'aspirations coupables, un fond indestructible d'égoïsme pervers, ici paresseux ou sensuel, là plus raffiné et doublé de superbe, quelle souffrance , que le moine accueille sans surprise, sans irritation ni trouble comme une épreuve, objet de la permission ou du bon plaisir de Dieu. La grâce ne détruit pas la nature, le moine reste un homme avec ses multiples combats.
Le seul oui jaillit de son coeur pour tomber de ses lèvres émues à chaque jour de sa vie tout entière au saint Sacrifice de la Messe.
Sur chaque tombe d'un moine ce seul mot résume ainsi toute leur existence commune : Fiat.
Mon Dieu, donnez-nous beaucoup de saints moines.