homélie pour la fête de la Pentecôte - Fontgombault 5. Juin 2022
Publié le 6 Juin 2022
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PENTECÔTE
Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU
Abbé de Notre-Dame de Fontgombault
(Fontgombault, le 5 juin 2022)
Audivimus eos loquentes nostris linguis magnalia Dei
Nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu.
(Ac 2,11)
Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,
Saint Benoît achève le très court chapitre 19e de sa Règle, consacré à la manière de psalmodier, par un souhait : « Que notre esprit soit à l’unisson de notre voix ».
Après avoir rappelé avec le psalmiste le devoir des moines de chanter le Seigneur en présence des anges et avec crainte, il conclut : Considérons donc comment il faut être sous le regard de la divinité et de ses anges, et tenons-nous pour psalmodier de telle sorte que notre esprit soit à l’unisson de notre voix.
Ces lignes valent pour la tenue du moine au chœur. Elles valent pour toute sa vie et plus généralement pour toute vie humaine qui se déroule sous le regard de Dieu. Elles concernent évidemment toutes les dimensions de la vie: privées et publiques, familiales et professionnelles. Dans le domaine du travail, elles s’appliquent aussi à tous les hommes, et en particulier aux hommes politiques au service de la cité ; aux journalistes qui ont pour mission de porter à la connaissance de leurs concitoyens les événements marquants ; enfin aux hommes d’Église au service de l’œuvre de Dieu dans les âmes.
Vivre sous le regard de Dieu est exigeant, car Dieu ne se laisse pas éblouir par le paraître. Seul l’être profond l’intéresse. Saint Benoît fustige donc l’attitude hypocrite de celui qui dissimule sa véritable personnalité, affectant des sentiments, voire des vertus, qu’il n’a pas. L’homme qui, jour après jour, mène courageusement le combat de la droiture, de la loyauté, de la vérité, honore durant sa vie Dieu qui est la Vérité même et se sanctifie.
En ce matin de Pentecôte, le souhait de saint Benoît invite tout homme à examiner son propre cœur. Demandons les uns pour les autres, demandons pour les législateurs, demandons aussi pour nos familles, pour notre pays et pour le monde, la grâce d’une vie cohérente. « Que votre parole soit “oui”, si c’est “oui”, “non”, si c’est “non”. Ce qui est en plus vient du Mauvais. » (Mt 5,37)
Les paroles du Seigneur rapportées par saint Jean et que nous venons d’entendre sont effrayantes : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. » (Jn 14,27)
Pourrait-il exister plusieurs paix ? L’hypocrite, de fait donne une fausse paix, et le monde est hypocrite. Celui qui donne une fausse paix ne souhaite que profiter de son semblant de don. Le Christ, lui, fait le don gratuit de sa paix. Donnant sa paix, il donne la vie. Dieu donne pour libérer et vivifier.
Mais comment recevoir ce don inestimable de la paix et de la vie de Dieu ?
Depuis l’Ascension et jusqu’au terme de l’octave de la Pentecôte, l’Église invite ses enfants à demander sans relâche le don de l’Esprit.
Lui, est l’unique dispensateur de tous dons, l’hôte très doux des âmes. De lui, nous implorons le repos dans le labeur, le réconfort dans les pleurs.
Qu’en ces jours, cette lumière bienheureuse remplisse jusqu’à l’intime de nos cœurs. Sans lui, il n’est rien dans aucun homme qui ne soit perverti. Par lui, le cœur souillé est lavé ; le cœur insensible devient vulnérable et généreux ; le cœur blessé est guéri. A sa chaleur, l’esprit raide s’assouplit, et dans sa lumière, la volonté tortueuse se rectifie. Vivre selon l’Esprit, c’est s’assurer le salut final et le don de la joie éternelle.
Mais ce n’est pas tout. Si nos bouches multiplient en ces jours les Veni, combien plus nos cœurs, à l’unisson de nos voix, doivent-ils aspirer eux aussi au don de l’Esprit.
Selon l’enseignement constant des pères du désert, ces premiers moines, la vertu qui plaît le plus à Dieu est la pureté du cœur. Un cœur pur est un cœur simple, sans duplicité ; un cœur qui ignore le murmure, un cœur doux et généreux ; un cœur libre qui, en tout, ne cherche et n’attend que Dieu. Cette pureté du cœur, qui est déjà un don de l’Esprit, appelle une nouvelle effusion de l’Esprit dans le cœur des fidèles.
Marie, la comblée de grâces, a reçu les dons de l’Esprit dans une mesure unique.
Ainsi parée, elle n’a pas eu besoin d’attendre le Ciel pour vivre déjà de joies éternelles. Sa vie n’a été que Magnificat, comme elle a aimé le chanter : un Magnificat pour le passé, un Magnificat pour le présent, et un Magnificat pour l’avenir. Oui, Dieu s’est penché sur son humble servante. Pour elle, il a fait des merveilles. Aussi en tout temps, son âme exalte le Seigneur et son esprit exulte en Dieu son Sauveur. Bien avant les Apôtres, Marie, emplie de l’Esprit-Saint, chante les merveilles de Dieu. Déjà, elle contemple les trésors de la miséricorde divine à l’œuvre dans la vie de ceux qui craignent Dieu.
Par son Fiat, à travers le don du Saint-Esprit qui l’a couverte de son ombre, Marie a reçu par anticipation le don de l’Esprit que les Apôtres ont reçu au jour de la Pentecôte. Voici en effet qu’un vent violent remplit la maison. Des langues semblables à du feu apparaissent, se partagent et se posent sur la tête de chacun des disciples. Fortifiés par le don de l’Esprit, les Apôtres annoncent sans crainte les merveilles de Dieu et tous, d’où qu’ils proviennent, comprennent dans leur propre langue.
Ces merveilles dont les Apôtres témoignent, c’est en premier lieu Dieu lui-même, c’est le mystère pascal aussi. Ces merveilles, ce sont aussi les fruits de l’Esprit que le Seigneur se plaît à faire germer dans le cœur de ses amis : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi.
Ceux qui, quelques jours plus tôt, se lamentaient de la mort de leur Maître, sont devenus dans le feu de l’Esprit les ardents et intrépides prédicateurs de l’Évangile.
Dieu n’est pas avare de ses dons. Jésus n’a eu de cesse de mettre le feu au monde ; mais seuls s’enflamment les cœurs purs.
Implorons à nouveau la venue de l’Esprit. Offrons à Dieu des vies sans droit de reprise. A la suite de Marie, des Apôtres, des premiers disciples et des premiers moines, devenons toujours plus, au sein de nos familles, de nos communautés, de la société et du monde, par la mise en pratique des fruits de l’Esprit à temps et à contre-temps, les prédicateurs crédibles de l’Évangile que tous attendent.
Venez, Esprit-Saint, remplissez les cœurs de vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour !
Amen. Alleluia !