sermon d'un nouveau diacre pour la fête de st Pierre et saint Paul
Publié le 11 Juillet 2015
Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.
Nous célébrons aujourd’hui la fête des saints Apôtres Pierre et Paul, déplacée au dimanche qui suit le 29 juin. La splendide lumière de l’éternité inonde de ses feux étincelants cet heureux jour où les princes des Apôtres ont reçu leur couronne. Avec crainte, nous nous réjouissons de leur dies natalis. Le docteur du monde et le portier du ciel, fondateurs d’une nouvelle Rome consacrée par la pourpre de leur sang, triomphent l’un par le glaive et l’autre par la croix, et arrivent dans l’assemblée des Saints avec la palme de la victoire.
Dans l’évangile que nous venons d’entendre, nous ne pouvons pas ne pas être saisis par la solennité des déclarations de Jésus. Tandis que les bavards usent et abusent de la parole et de l’écrit à cor et à cri, la sobriété de l’Evangile, dans la droite ligne de la concision des récits bibliques, donne à chaque phrase un poids d’éternité. La révélation de la nature divine de Jésus (Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant), la définition de la foi révélée (ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux), la constitution de l’Eglise sur l’Apôtre Pierre (Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église), l’éternité de l’Eglise et l’infaillibilité pontificale (la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle), enfin, le Pouvoir des clefs : voici coup sur coup tant de vérités salutaires qu’on en trahirait le style à vouloir les commenter toutes. Il suffit qu’elles soient énoncées de manière solennelle et normative ; qu’elles soient proclamées aussi, défendues bien sûr, mais crues surtout, par l’adhésion de notre intelligence aux vérités révélées par Dieu qui ne peut ni se tromper ni nous tromper.
Mais en commentaire de cet évangile, et en commentaire de toute cette fête, vous voudrez bien porter une attention particulière, en ce jour, à ces paroles du Credo que nous chanterons dans un instant : Et unam, sanctam, catholicam et apostolicam Ecclesiam.
L’Eglise Une, Sainte, Catholique et Apostolique, pour la voir, pour en être les dignes fils, il faut s’être agenouillé devant saint Pierre et ses successeurs, s’être laissé enseigner par saint Paul et le Magistère autorisé de l’Eglise.
Car c’est bien des saints Apôtres Pierre et Paul qu’est sorti le germe de ces quatre notes de l’Eglise, Une, Sainte, Catholique, Apostolique : Une, car il y a un seul troupeau, un seul pasteur ; Sainte, car elle est sanctifiée par l’union à son Epoux divin ; Catholique, car les Apôtres ont répandu par toute la terre l’Evangile et tous les moyens du salut ; Apostolique enfin, car fondée sur les Apôtres, Pierre en tête, et perpétuée par la succession apostolique. Inutile de rechercher là quelque processus historique d’évolution et de structuration d’une institution tout humaine, trop humaine : toute la constitution de l’Eglise est déjà là, dans le Tu es Petrus, dans la vie des saints Apôtres, et jusque dans saint Paul laissant le dernier mot à Képhas, à Pierre.
Pas tout à fait le dernier mot, d’ailleurs, car le dernier mot des saints que nous fêtons aujourd’hui est entouré d’un inquiétant silence.
Après toutes les péripéties racontées par les Evangiles puis par les Actes des Apôtres : après le reniement de Pierre et ses larmes de contrition, après la joie de la Résurrection et le don de l’Esprit-Saint, après tant de discours et de discussions avec des juifs et des gentils, après le danger des voyages et les premières persécutions, ils ont rendu en silence et par le sang leur ultime témoignage, l’un par la croix, l’autre par le glaive. Mgr Barbarin, au retour de la canonisation de russes martyrs de l’athéisme communiste, nous rapportait sa discussion avec le Patriarche de Moscou. « Quelle grâce vous avez, d’avoir votre foi fortifiée encore aujourd’hui par le sang des martyrs. » Le Patriarche lui répondait : « Vous aussi, en Occident, vous avez encore aujourd’hui le témoignage du sang : c’est le sang dont vous rougissez quand votre témoignage ne vous vaut que sarcasmes et dérisions. »
C’était en 2009.
Six ans plus tard, ce dialogue paraît déjà obsolète : le martyre semble s’approcher chaque jour, il est aux portes de l’Europe, il se fait plus menaçant, il est l’archétype du choc, non pas des civilisations, mais du choc entre la civilisation et la non-civilisation, entre la charité et la simple barbarie, entre la vérité et l’erreur.
Aussi, demandons-nous en cette fête des Apôtres, ce que signifie leur ultime témoignage : quand nous professons notre foi, est-ce avec une force d’âme telle que nous serions prêts à renoncer à notre propre vie plutôt que de renier un seul article de notre foi ?
Avons-nous bien conscience que ce que nous allons vivre dans cette messe est, non pas une religion parmi d’autres, mais bien la vérité toute simple qui nous procure la vie éternelle ? Il faut s’imaginer les Apôtres, saint Pierre surtout, lui que l’humaine faiblesse avait poussé à renier le Fils de Dieu, imaginons-le rattrapé par la persécution de Néron : la foi qu’il proclamait, était-elle pour lui, en ce moment suprême, une opinion parmi d’autres qu’il eût pu sacrifier à la convivialité ou à son bien-être personnel ?
Non, la foi en Jésus-Christ n’était pas et ne sera jamais une opinion parmi d’autres que nous devrions défendre pour la faire valoir, dont nous devrions faire commerce pour la partager : c’est la vérité toute pure qui vaut mieux que la vie, ce sont les paroles de la vie éternelle, voilà la force des martyrs, car… qui perdrait sa vie pour une opinion ? Apprenons aujourd’hui encore des saints Apôtres Pierre et Paul l’amour de Dieu au mépris de nous-mêmes, et recevons du Saint-Sacrifice la force de confesser jusqu’au sang le Christ, le Fils du Dieu vivant.
En s’incarnant sous la juridiction de l’Empereur de Rome, en faisant naître Saul citoyen Romain, en envoyant l’ange délivrer Pierre des mains d’Hérode Agrippa, la Providence divine a fait converger la foi chrétienne vers Rome ; renouvelons aussi aujourd’hui notre dévotion filiale envers le Pape François : que le Seigneur le protège et le garde en vie, heureux sur la terre. Qu’il ne le livre pas à la merci de l'ennemi !
Amen.
Au nom du Père, et du fils, et du Saint-Esprit.
pour le petit Placide .