l'espérance du jour du Seigneur.
Publié le 18 Novembre 2007
Malachie 3, 19-20 ; 2 Thessaloniciens 3, 7-12 ; Luc 21, 5-19.
Ce Jour du Seigneur nous invite à l'espérance. Les événements tragiques de notre histoire humaine, loin d'inspirer le pessimisme, sont éclairés par un invincible optimisme pour « les jours qui viendront ».
Le chant d'entrée est emprunté à Jérémie : après la ruine de Jérusalem, il écrit aux exilés à Babylone qui n'ont plus aucun espoir humain. Mais le prophète les encourage : « Le Seigneur dit : 'Mes pensées sont des pensées de paix et non d'affliction' ». L'Introït grégorien n'a pas retenu la fin du verset, mal traduit dans la version latine : « Je veux vous donner un avenir plein d'espérance ». De fait, les captifs reviendront en Terre Sainte et rebâtiront le Temple.
Au temps de Jésus, le Temple construit par Hérode était en voie d'achèvement. Il suscitait l'admiration des pèlerins. Cet édifice imposant et beau semblait défier l'usure du temps. Jésus vient rompre ce sentiment de sécurité : « Ce que vous contemplez, il n'en restera pas pierre sur pierre ; tout sera détruit ». Tout dans ce monde a une fin. Toutes les oeuvres de l'homme qui aujourd'hui nous émerveillent, tout ce que l'homme a construit de plus grandiose, tout cela connaîtra la destruction et la disparition.
L'auditoire de Jésus croit comprendre que le Rabbi fait allusion aux événements de la fin du monde, et il le presse d'en faire connaître les signes. Jésus met en garde contre ce genre de curiosité, mais plus encore contre ceux qui exploitent ces prédictions effrayant et séduisant les plus fragiles et les plus apeurés pour recruter de nouveaux adeptes. « Beaucoup viendront en mon nom et diront : 'C'est moi', ou encore : 'Le moment est arrivé'. Ne les suivez pas! » Ne vous laissez pas égarer par ces prophètes de malheur. Seul le Père connaît le temps et l'heure, il ne nous appartient pas de scruter ses intentions. Tant de sectes ont prétendu se servir de l'Écriture pour prédire, et même fixer à une date précise la fin du monde. L'illusion que le Royaume de Dieu est sur point d'apparaître provoque une fièvre apocalyptique passagère, bientôt suivie de déception, et surtout provoque une grave crise de la foi : on cesse d'attendre, de vivre dans l'espérance.
« N'ayez pas peur. Quand vous entendrez parler de guerres et de soulèvements ». Il y eut la révolte juive contre Rome, qui entraîne la ruine du Temple en 70. Il y eut la prise de Rome par les barbares : c'était la fin d'un monde, mais non la fin du monde. « Il faut que tout cela arrive d'abord, mais ce ne sera pas tout de suite la fin. » La dernière guerre n'est pas la dernière, elle n'a pas valeur de précurseur de la fin des temps. Les tremblements de terre et autres cataclysmes naturels, les épidémies de peste et les famines, les faits terrifiants, appartiennent aux conditions d'un monde déchu, ils ne sont en rien des signes de sa fin. S'il faut y lire un signe, c'est bien celui du dégât causé par le péché dans la création tout entière ; s'ils sont porteurs d'un message, c'est celui d'un vigoureux appel à la conversion. Pour Jésus, la fin ce n'est pas seulement la finitude de l'éphémère, c'est aussi la finalité de l'éternel. À la fin tout disparaît, mais tout finalement poursuit un but. La fin, pour Jésus a un sens positif : pour que les regards se portent toujours plus loin et les coeurs plus haut. La fin, c'est l'achèvement du plan de Dieu sur l'univers et l'humanité entière. Tout concourt et converge à la réalisation plénière du dessein d'amour de Dieu.
Le monde tend vers sa fin, il s'achemine progressivement vers son accomplissement final, le point oméga. La fin du monde, c'est le Christ total. Les signes de cette fin sont déjà là : les épreuves que subissent les chrétiens. « On vous persécutera à cause de mon Nom ». C'est cela que Jésus a prédit, et non pas la date de la fin du monde. « S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi ». Toutes dramatiques qu'elles soient, pour le vrai disciple, les persécutions sont à saisir comme des « occasions de rendre témoignage ». Et nous savons que, dans le langage des Évangiles, témoignage se dit martyre. Et les martyrs du XXe siècle ont été plus nombreux que ceux de tous les siècles précédents du christianisme.
Aux témoins du Christ, deux attitudes sont nécessaires : la confiance et la constance.
La confiance. Car Jésus personnellement vient en aide à ceux qui souffrent en son Nom : « Moi-même, je vous inspirerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront opposer ni résistance ni contradiction ». Son assistance fait résister aux menaces extérieures, mais surtout empêche de le trahir et d'apostasier notre foi devant l'agressivité de ceux qui nous détestent, et qui peuvent être, hélas, des proches, des amis, voire des parents. « Vous serez détestés de tous, à cause de mon Nom ». Selon l'historien romain Tacite, les chrétiens étaient devenus « la haine du genre humain ». Pourtant, le sang des martyrs est une semence de chrétiens. Dieu est le maître de l'histoire qui ne peut conduire qu'à une réussite. Tel est le coeur de l'évangile, et de notre espérance.
La constance doit se joindre à la confiance, car nul n'est dispensé de l'effort personnel, comme saint Paul le rappelait aux Thessaloniciens, qui ne voulaient plus travailler en attendant la venue prochaine de Jésus. Loin de nous démobiliser, le discours sur la fin des temps doit nous dynamiser. « C'est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie ». Le travail qui caractérise ce monde est celui d'un douloureux enfantement. L'épreuve est telle qu'on peut se croire abandonné de Dieu et douter de son amour. Les souffrances complètent ce qui manque à la Passion du Christ. Et « si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l'attendons avec persévérance » (Rm 8, 25).
C'est la nuit qu'il fait bon espérer la lumière. À ceux qui sont découragés par l'inefficacité apparente de leur fidélité, le prophète Malachie annonce la venue du Jour du Seigneur. L'expression suggère plus de lumière et d'espérance que le « grand soir ». Ce Jour sera comme un feu consumant le mal pour y mettre fin, et comme un soleil de justice qui consomme la Rédemption à la fin. Oui, ce Soleil de levant qui vient nous visiter pour dissiper nos peurs et encourager dans sa tendresse, c'est le Christ, qui apporte la guérison dans son rayonnement.
Dans une méditation, Ave Crux, Spes unica, Édith Stein écrivait, le 14 septembre 1939 : « Veux-tu rester fidèle au Crucifié ? Réfléchis bien. Le monde est en flammes... Prendre parti pour le Christ peut te coûter la vie. Pèse bien ce à quoi tu t'engages. C'est le coeur aimant de ton Rédempteur qui t'invite à le suivre... Le monde est en flammes. Libère ton coeur dans l'accomplissement fidèle de tes voeux, et le flot de l'amour divin le remplira jusqu'à le faire déborder et lui fera porter du fruit jusqu'aux confins de la terre. Lève les yeux vers le Crucifié. Liée à lui, tu seras présente partout, comme il l'est aussi... Ton amour compatissant, l'amour qui vient du Coeur divin, te portera partout, et partout répandra son sang précieux – qui apaise, qui guérit, qui sauve. » Telle est notre espérance à jamais.
Amen.
pax. O.S.B.
pour Philippe