la résurrection de Lazare.
Publié le 7 Mars 2008

La mort de ceux qui nous sont proches nous laisse désemparés. Un père, une mère, ceux qui nous donnent la vie, nous les voyons mourir ! Nul n’échappe à ce choc. C’est un constat de la finitude humaine, mais qui fait porter le regard sur l’essentiel.
Devant la mort, celle de Lazare et la sienne propre, Jésus prie son Père : il en attend la gloire de sa résurrection et la vie pour tous ceux qui croiront en Lui.
1°) La résurrection de Lazare est le signe qui annonce sa Passion et son exaltation en croix. Le récit commence par évoquer l’onction prémonitoire de Marie et se termine par la décision prise par le grand prêtre de faire périr Jésus.
Devant la tombe de son ami, Jésus est troublé : bouleversé par une émotion profonde, il se met à pleurer. La même émotion fait pressentir son agonie. Il ressent l’effroi et frémit : « Mon âme est troublée. Et que dire ? Père sauve-moi de cette heure. Mais c’est pour cela que je suis arrivé à cette heure. Père, glorifie ton nom ! » (12, 27) Certains Juifs disent : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? » Certes, il aurait pu éviter que Lazare meure, mais à sa propre mort il ne peut se soustraire. Il dépose sa vie volontairement, car tel est l’ordre qu’il a reçu de son Père. Alors qu’on lève la pierre du tombeau, Jésus lève les yeux au ciel et exprime sa communication incessante avec le Père : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ». Sa prière n’est pas une demande mais une action de grâces, qui présuppose toutefois une demande : par delà Lazare, la prière se réfère à la traversée de l’Heure, en accord avec le trouble de Jésus. « C’est lui, explique l’Épître aux Hébreux, qui, aux jours de sa chair, étant présenté avec une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et ayant été exaucé, en raison de sa piété… » (5, 7).
Jésus est exaucé quand il crie d’une voix forte : « Lazare, ici, dehors ! ».La mort est bien réelle, mais elle n’est pas la réalité ultime. Se réalise la parole qu’il avait dite lors d’un autre miracle : « Amen, Amen, je vous le dis, l’heure vient, et c’est maintenant, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu et ceux qui l’auront entendue vivront » (5, 25). « Vous saurez que je suis le Seigneur, avait présagé Ézéchiel, quand j’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferez sortir ». – Et celui qui avait été mort sortit, les pieds et les mains attachés par des bandelettes, et le visage enveloppé d’un suaire. Ces détails anticipe en image ce qui attend Jésus ; mais l’image est décalée : suaire et bandelettes seront abandonnées dans un tombeau vide, dont la pierre est roulée, car Jésus entre dans une vie nouvelle, dans la gloire divine. Lazare quant à lui, est empêtré dans ses linges, car il revient à la vie sans être définitivement soustrait aux liens de la mort : sa « résurrection » (qui n’est qu’une réanimation) est seulement un miracle, un signe, non la réalité du mystère de la résurrection.
2°) Le miracle de Lazare ressuscité est le signe vivant de la condition nouvelle du croyant qui passe de la mort à la vie. Quand Jésus prie : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé… si j’ai parlé c’est pour cette foule qui est autour de moi, afin qu’ils croient que tu m’as envoyé », et que par la foi ils participent à ma vie de Fils ressuscité.
Cette portée symbolique du récit ressort du dialogue de Jésus avec ses disciples, puis avec Marthe.
À ses disciples, il dit que Lazare est endormi, et qu’il va le réveiller. Les apôtres ne comprennent pas : « S’il dort, il sera sauvé ». Mais Jésus parlait du sommeil de la mort physique. S’il n’emploie pas le mot « mort », c’est que pour lui il n’y a qu’une seule mort : celle du péché, qui est totale et éternelle. Et il est venu précisément pour nous libérer de cette mort. La mort physique servira à sa gloire : « Je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez ». Le miracle aura lieu pour susciter la foi en Celui qui affronte la mort. Et sera la glorification du Christ.
À Marthe, Jésus annonce que son frère ressuscitera : on rencontre la même in-intelligence qu’avec les apôtres. Marthe professe sa foi juive en la résurrection des morts au dernier jour ; mais Jésus proclame qu’il est la résurrection et la vie, la vie éternelle, il la donne sans attendre le dernier jour. « Celui qui croit en moi, même s’il meurt vivra ». Le croyant entre dès maintenant dans la vie divine et éternelle. En accueillant sa Parole, il passe de la mort à la vie. Le dernier jour est déjà là. « Crois-tu cela ? » Marthe répond par la profession de foi des nouveaux baptisés : « Je crois, Seigneur, que tu es le Fils de Dieu ». À toi, le Père a remis tout pouvoir pour délier les liens du péché et de la mort, et faire marcher dans la vie nouvelle de l’Esprit.Tu peux nous arracher à la corruptibilité et nous plonger en plein milieu divin. Car toi seul es saint, le Libérateur, le Rédempteur. Marthe devant le tombeau de Lazare fait remarquer : « Seigneur, il sent déjà, voilà quatre jours qu’il est là ». La foi n’est pas un anesthésique, le fameux opium, un artifice pouvant économiser l’angoisse de la mort. Mais quand on adhère au Christ, la mort avec lui change de sens, de couleur, de saveur et d’odeur. « Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu » ; tu verras ton frère ressuscité, tu verras les cieux ouverts et la création transfigurée, la victoire pascale métamorphoser ce monde voué à la décomposition que produit la mort. « Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous » (Rm 8, 11).
Quand Jésus se met en route vers sa Passion, Thomas, tout feu tout flamme, prend la décision héroïque : « Allons-y nous aussi, pour mourir avec lui ». Hélas, il interprète comme une démarche de mort, la démarche de Jésus en vue de la vie. Les juifs, Marie, Marthe, tous croient à la toute-puissance de la mort. Mais tous sortent de cette méprise, du lieu où ils étaient : Jésus et les disciples de Transjordanie ; les juifs, de Jérusalem ; Marthe, du village ; Marie avec les juifs, de sa maison de Béthanie ; Lazare, de sa tombe. N’est-ce pas l’amour qui les fait tous converger vers Jésus, qui se dirige vers l’endroit où il défie la mort ? « Nous le savons, nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères. Celui qui n’aime pas demeure dans la mort » (I Jn 4, 14).
Faisons nôtre la prière de ce dimanche : « Accorde-nous, Seigneur Dieu, notre Père, de marcher nous aussi allègrement dans cette charité qui a poussé ton Fils à se livrer à la mort par amour pour le monde ». Amen.
Fr Jean Gabriel . O.S.B
pour le petit Placide.
Devant la mort, celle de Lazare et la sienne propre, Jésus prie son Père : il en attend la gloire de sa résurrection et la vie pour tous ceux qui croiront en Lui.
1°) La résurrection de Lazare est le signe qui annonce sa Passion et son exaltation en croix. Le récit commence par évoquer l’onction prémonitoire de Marie et se termine par la décision prise par le grand prêtre de faire périr Jésus.
Devant la tombe de son ami, Jésus est troublé : bouleversé par une émotion profonde, il se met à pleurer. La même émotion fait pressentir son agonie. Il ressent l’effroi et frémit : « Mon âme est troublée. Et que dire ? Père sauve-moi de cette heure. Mais c’est pour cela que je suis arrivé à cette heure. Père, glorifie ton nom ! » (12, 27) Certains Juifs disent : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? » Certes, il aurait pu éviter que Lazare meure, mais à sa propre mort il ne peut se soustraire. Il dépose sa vie volontairement, car tel est l’ordre qu’il a reçu de son Père. Alors qu’on lève la pierre du tombeau, Jésus lève les yeux au ciel et exprime sa communication incessante avec le Père : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ». Sa prière n’est pas une demande mais une action de grâces, qui présuppose toutefois une demande : par delà Lazare, la prière se réfère à la traversée de l’Heure, en accord avec le trouble de Jésus. « C’est lui, explique l’Épître aux Hébreux, qui, aux jours de sa chair, étant présenté avec une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et ayant été exaucé, en raison de sa piété… » (5, 7).
Jésus est exaucé quand il crie d’une voix forte : « Lazare, ici, dehors ! ».La mort est bien réelle, mais elle n’est pas la réalité ultime. Se réalise la parole qu’il avait dite lors d’un autre miracle : « Amen, Amen, je vous le dis, l’heure vient, et c’est maintenant, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu et ceux qui l’auront entendue vivront » (5, 25). « Vous saurez que je suis le Seigneur, avait présagé Ézéchiel, quand j’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferez sortir ». – Et celui qui avait été mort sortit, les pieds et les mains attachés par des bandelettes, et le visage enveloppé d’un suaire. Ces détails anticipe en image ce qui attend Jésus ; mais l’image est décalée : suaire et bandelettes seront abandonnées dans un tombeau vide, dont la pierre est roulée, car Jésus entre dans une vie nouvelle, dans la gloire divine. Lazare quant à lui, est empêtré dans ses linges, car il revient à la vie sans être définitivement soustrait aux liens de la mort : sa « résurrection » (qui n’est qu’une réanimation) est seulement un miracle, un signe, non la réalité du mystère de la résurrection.
2°) Le miracle de Lazare ressuscité est le signe vivant de la condition nouvelle du croyant qui passe de la mort à la vie. Quand Jésus prie : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé… si j’ai parlé c’est pour cette foule qui est autour de moi, afin qu’ils croient que tu m’as envoyé », et que par la foi ils participent à ma vie de Fils ressuscité.
Cette portée symbolique du récit ressort du dialogue de Jésus avec ses disciples, puis avec Marthe.
À ses disciples, il dit que Lazare est endormi, et qu’il va le réveiller. Les apôtres ne comprennent pas : « S’il dort, il sera sauvé ». Mais Jésus parlait du sommeil de la mort physique. S’il n’emploie pas le mot « mort », c’est que pour lui il n’y a qu’une seule mort : celle du péché, qui est totale et éternelle. Et il est venu précisément pour nous libérer de cette mort. La mort physique servira à sa gloire : « Je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez ». Le miracle aura lieu pour susciter la foi en Celui qui affronte la mort. Et sera la glorification du Christ.
À Marthe, Jésus annonce que son frère ressuscitera : on rencontre la même in-intelligence qu’avec les apôtres. Marthe professe sa foi juive en la résurrection des morts au dernier jour ; mais Jésus proclame qu’il est la résurrection et la vie, la vie éternelle, il la donne sans attendre le dernier jour. « Celui qui croit en moi, même s’il meurt vivra ». Le croyant entre dès maintenant dans la vie divine et éternelle. En accueillant sa Parole, il passe de la mort à la vie. Le dernier jour est déjà là. « Crois-tu cela ? » Marthe répond par la profession de foi des nouveaux baptisés : « Je crois, Seigneur, que tu es le Fils de Dieu ». À toi, le Père a remis tout pouvoir pour délier les liens du péché et de la mort, et faire marcher dans la vie nouvelle de l’Esprit.Tu peux nous arracher à la corruptibilité et nous plonger en plein milieu divin. Car toi seul es saint, le Libérateur, le Rédempteur. Marthe devant le tombeau de Lazare fait remarquer : « Seigneur, il sent déjà, voilà quatre jours qu’il est là ». La foi n’est pas un anesthésique, le fameux opium, un artifice pouvant économiser l’angoisse de la mort. Mais quand on adhère au Christ, la mort avec lui change de sens, de couleur, de saveur et d’odeur. « Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu » ; tu verras ton frère ressuscité, tu verras les cieux ouverts et la création transfigurée, la victoire pascale métamorphoser ce monde voué à la décomposition que produit la mort. « Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous » (Rm 8, 11).
Quand Jésus se met en route vers sa Passion, Thomas, tout feu tout flamme, prend la décision héroïque : « Allons-y nous aussi, pour mourir avec lui ». Hélas, il interprète comme une démarche de mort, la démarche de Jésus en vue de la vie. Les juifs, Marie, Marthe, tous croient à la toute-puissance de la mort. Mais tous sortent de cette méprise, du lieu où ils étaient : Jésus et les disciples de Transjordanie ; les juifs, de Jérusalem ; Marthe, du village ; Marie avec les juifs, de sa maison de Béthanie ; Lazare, de sa tombe. N’est-ce pas l’amour qui les fait tous converger vers Jésus, qui se dirige vers l’endroit où il défie la mort ? « Nous le savons, nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères. Celui qui n’aime pas demeure dans la mort » (I Jn 4, 14).
Faisons nôtre la prière de ce dimanche : « Accorde-nous, Seigneur Dieu, notre Père, de marcher nous aussi allègrement dans cette charité qui a poussé ton Fils à se livrer à la mort par amour pour le monde ». Amen.
Fr Jean Gabriel . O.S.B
pour le petit Placide.