de l'héroïsme.

Publié le 18 Février 2015

    

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Mais ce n'est pas en vain que nous sommes descendus jusque là. Tout recul dans le néant ouvre une chance de sauter plus loin en Dieu.

 

   L'effondrement de tous les cadres naturels (vitaux, moraux, sociaux) appelle une effusion plus profonde de la Grâce. L'enfer envahit la terre, la zone habitable de la nature se resserre: nous n'avons plus le choix qu'entre Dieu et la mort.

 

   Il faudra bientôt que toute santé, toute harmonies naturelles reposent sur la charité - ou que l'univers se désagrège.

 

   Un seul exemple: jadis un homme déshérité par le destin puisait dans une sorte d'euphorie vitale et de sens social instinctif l'acceptation spontanée de sa condition. Le destin t'a fait lézard gris, dit un vieux payssan du Mistral: bois ton rayon de soleil et rend grâces au ciel.

 

   Aujourd'hui, pour une infinité d'hommes, l'hypertrophie du moi, la desséchante atomisation des individus ne rendent cette acceptation possible que dans la pure ligne surnaturelle .

 

   Il faut mettre Dieu tout entier dans la balance pour pencher du côté du bien! Et ceci partout: la révolte, l'anarchie, la mécanisation, la sclérose; - tous ces facteurs d'agonie qui constituent ce que Spengler appelait l'hiver de l' humanité ne sont qu'un moyen divin en vue de réduire au minimum l'excentricité de l'ordre terrestre à l'égard de l'amour crucifié, en vue d'amener la nature à son point de saturation surnaturelle.

 

   Plus d'issues par en bas: l'enfant prodigue mendie vainement la basse santé, la plénitude animale des pourceaux gorgés de gousses!

 

   Le retour au Père - la déroute intégrale du vieil orgueil et de la vieille ingratitude - a pris l'urgence et la brutalité d'une nécessité charnelle. Demain, il ne sera possible de faire un pas en avant, un effort positif sur cette terre qu'avec tout le ciel dans le coeur.

 

   Un nouvel héroïsme se lève sur ces ruines.

 

 

   Partout la décadence des instincts, des moeurs, des institutions - de tout ce milieu dont la fonction naturelle est d'aider l'individu à agir sainement - rend de plus en plus ardu l'accomplissement des plus humbles devoirs humains.

 

   Ce qui jadis se faisait spontanément, presque fatalement sous l'heureuse influence du climat biologique et social (par exemple le respect de la hiérarchie sociale, la fécondité dans le mariage, etc..) représente aujourd'hui une victoire sur ce climat.

 

   L'héroïsme, jadis lié à des circonstances exceptionnelles, trouve place dans le monde des actions communes: il descend du surhumain dans l'humain, il cesse d'être un luxe pour devenir une nécessité.

 

   Le temps approche - et il est déjà venu pour certains - où une vie normale, une vie "d'honnête homme" demandera des efforts de héros.

 

   Suprême don de la vie à travers la mort que cette obligation d'être un héros pour exister seulement, pour rester fidèle à une banale ligne de vie que nos ancêtres suivaient comme ils respiraient ! -

 

   Ce que tu perds aujourd'hui comme homme, demain tu le retrouveras comme Dieu... Advesperascit.

 

La politique, l'économie, la morale actuelles tissent le crépuscule de la nature humaine.

 

  Comment rester homme dans ce milieu inhumain, si ce n'est en devenant Dieu? Tout ce qui est refuge, nid, sein maternel ici-bas s'évanouit. Un ouragan balaie les attaches mélodieuses qui reliaient l'homme à la nature, à la race, à la patrie.

 

   La carie est au coeur du monde. Nos asiles naturels s'effacent: les " Mères" sont mortes.

 

   Nous n'aurons bientôt plus le choix qu'entre l'artificiel et le divin. Il faudra bien alors que toutes nos espérances se rencontrent sur le Calvaire: toute vie sera blottie au pied de la Croix.

 

Dieu n'est Dieu que quand il est seul. L'humanité sans patrie et sans baisers qui se lève l'approchera comme l'amour des siècles trop riches n'a pu même l'espérer. Voici naître les temps de la grande pauvreté et de la pure richesse: plus profond, plus généreux que jamais, le Misereor super turbam desserre les lèvres divines.

 

Au bout de la route et du jour, Cybèle et Rhée ne berceront plus notre lassitude.

 

Nous avons tué les Mères dans nos coeurs, nous sommes trop impurs pour le baiser de la nature.

 

Les Mères sont mortes: Dieu seul sera Mère !


 

 

gustave Thibon

 

 


 


Rédigé par philippe

Publié dans #spiritualité

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