des moines...
Publié le 24 Février 2013
Rien n'est simple comme l'oeuvre de Saint Benoît; mais cette simplicité est celle de l'Evangile, qui répond à l'intelligence de chacun comme elle va au coeur de tous.
Aplanir la voie des conseils évangéliques, à force de mesure et de discrétion, voilà son but, ainsi que le disait l'une de ses interprètes les mieux inspirée, sainte Hildegarde, discretam et planam viam fecit.
Aussi n'est-ce pas aux parfaits qu'il s'adresse, mais à ceux qui aspirent à le devenir. Ce qu'il veut établir tout simplement, c'est une école où l'on apprendra à mieux servir le Seigneur, Dominici schola servitii, et dans laquelle il n'entrera rien d'âpre, nihil asperum, ni de trop pénible pour la faiblesse humaine, nihil grave.
Oui, c'est avec aisance et en toute liberté, doucement et sans crainte, que son disciple suivra la route tracée par l'Evangile et arrivera à la perfection, ne la cherchant ni trop haut, ni trop bas, nec nimis in altum, nec nimis in profundum, mais se laissant aller au souffle de la grâce qui le conduira, selon sa voie, au terme qu'il doit atteindre.
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Dans cette législation des âmes appelées à la vie parfaite, dans ce chef-d'oeuvre de prudence et de discrétion, comme s'exprime saint Grégoire-le-grand, discretione praecipuam, il y a sans doute la haute lucidité d'un regard éclairé par la foi; mais l'on y retrouve aussi, si je ne me trompe, quelque trait de ces patriciens de l'ancienne Rome qui ont conquis le monde par la sagesse plus encore que par la force, qui ont su le gouverner après l'avoir conquis, et qui, par là, ont préparé, à leur insu, le règne universel du Christ.
Or la vie monastique est l'antithèse parfaite de la vie mondaine.
A la concupiscence de la chair elle oppose le voeu de chasteté;
à la convoitise des yeux, le voeu de pauvreté;
à l'orgueil de la vie, le voeu d'obéissance.
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Mais ce détachement parfait des choses d'ici-bas et cette consécration totale de l'être humain à Dieu ne se conçoivent guère sans l'éloignement du monde.
Voilà pourquoi le cloître est le deuxième élément de l'ordre monastique.
"L'atelier où nous manions les instruments de l'art spirituel, disaint saint Benoît, c'est le cloître de nos monastères, " officina vero claustra sunt monasterii...
Le cloître!
A ces mots, les préjugés s'éveillent, la faiblesse humaine recule. Et cependant, qu'est-ce que la vie du cloître, sinon la vie de famille dans ce qu'elle a de plus intime et de plus élevé?
Là, sous l'autorité d'un père à qui la grâce a donné des tendresses et des sollicitudes sans pareilles, la charité fraternelle s'exerce dans toute sa plénitude.
Là, le fort soutient le faible, le grand se rapproche du petit; ou plutôt, il n'y a ni fort ni faible, ni grand ni petit: tous ne sont qu'un en Jésus-Christ.
O Famille monastique, vrai idéal et type surnaturel de la famille humaine! C'est à ton école, et par tes exemples répétés en tous lieux, que le monde chrétien a appris l'obéissance et la discipline, qu'il s'est façonné à l'esprit de communauté, à tout ce qui resserre et fortifie les liens de la société domestique ou civile.
O lieux solitaires, s'écriait St Jérôme, où les vertus chrétiennes fleurissent dans un printemps perpétuel! O desertum Christi floribus vernans! O cloîtres bénis, où se forment les pierres précieuses dont est construite la cité du grand Roi! O solitudo, in qua illi nascuntur lapides, de quibus civitas magni regis extruitur !
O retraites sacrées, où Dieu se communique davantage aux âmes et converse avec elles plus familièrement ! O eremus familiarus Deo gaudens.
Le monde s'imagine que le deuil et la tristesse règnent derrière vos grilles et vos murs; non, c'est la joie, c'est l'allégresse spirituelle qui remplit vos demeures, comme elle éclate dans vos hymnes et dans vos cantiques de louanges,
Exultabit solitudo laetabunda et laudans.
Mgr Freppel