Vacances: l'action de grâces (4)

Publié le 6 Juillet 2020

 

 

   Monté vers Dieu par l'intelligence et prosterné devant lui par l'adoration, l'homme n'a encore rempli que la moitié de son devoir. Il est en son âme une puissance vénérable et sacrée dirigée par la raison, mais capable aussi d'ébranler la raison quand elle est touchée; c'est la puissance affective que , dans le langage vulgaire , nous appelons le coeur. 

    Il faut que le coeur s'élève et prie. Si le coeur était absent de nos hommages, il manquerait quelque chose à la plénitude de nos rapports avec Dieu, et Dieu ne recevrait de ses créatures qu'une gloire incomplète. L'intelligence s'adresse à la Majesté infinie du Très-Haut, le coeur à son inépuisable libéralité: libéralité glorieusement manifestée par l'acte créateur, incessamment continuée par l'acte conservateur et providentiel. 

   Considérons que l'homme reçoit du monde inférieur et du monde supérieur toutes sortes de biens dont Dieu est l'auteur. Tout bien de la nature est un bien fait pour Dieu. Tout être, toute vie, toute perfection, est un bien fait à un autre être, à une autre vie, à une autre perfection . Il n'est aucune créature qui ne se donne en quelque manière à une autre créature; toutes par un mouvement généreux que leur imprime une main mystérieuse, sortent d'elles-mêmes pour entrer en d'autres, auxquelles elles doivent être utiles, la moins noble dans la plus noble, jusqu'à ce qu'elles arrivent à l'homme, cette royale créature à qui Dieu a dit :" Sois le maître, soumets à ton empire les êtres qui t'ont précédé dans l'existence. "

   En effet , l'homme est maître. Ses besoins et ses plaisirs trouvent dans tous les règnes des tributaires et des serviteurs dévoués. Il y prend en souverain et la demeure qu'il habite, et les vêtements dont il se couvre, et les ornements dont il se pare, et les aliments variés dont il se nourrit, et les parfums qu'il respire, et les remèdes qu'il applique à ses maux, et les forces qui le soulagent dans ses fatigues, et les instruments de son travail, et la matière de ses inventions. 

   Mais les biens qu'il reçoit d'en-bas , ne sont que la plus misérable partie de son patrimoine; l'homme est riche surtout, par les biens qu'il reçoit d'en haut: l'esprit, la vérité, l'amour, la liberté, le vif et persévérant désir de l'immortalité et surtout la grâce qui le rend participant autant qu'il est possible, de la nature divine; la grâce qui l'enrichit des lumières de la foi, étend l'horizon de ses espérances, enflamme son amour, surnaturalise ses actions, et le fait digne et capable de l'éternelle vision et possession de Dieu. 

   Saintes largesses! Quand on y pense, on croit entendre cette céleste parole :" O homme ! ouvre ta bouche et je la remplirai de biens; Dilata os tuum et impleba illud.

    Il résulte de là que la grande et noble nature de l'homme est comme le rendez-vous des bienfaits de Dieu. Or, ce rendez-vous ne peut pas être définitif. Il est régi par une loi supérieur qu'on peut appeler loi de retour, en vertu de laquelle tout bien communiqué revient à sa source première. Si l'homme , comme un abîme, pouvait engloutir et faire disparaître à jamais dans son sein les dons de Dieu, ce serait monstrueux, car alors le bienfait perdrait son nom en perdant son caractère. Ce ne serait plus un bienfait, mais un bien dû, un bien nécessaire, un bien arraché par la fatalité aux entrailles paternelles de Dieu, et Dieu, par le plus étrange des aveuglements se ferait un ennemi de sa propre bonté. 

   On comprend donc la nécessité d'une loi qui prévienne l'oubli du bienfait. Cette loi, la voici: Tout bien fait à un être libre doit se transformer en un acte libre, et retourner ainsi à son auteur. Quel est cet acte? Nous l'avons déjà nommé. C'est un acte simple, vulgaire, naturel , l'acte des pauvres, des deshérités, des malheureux qui ont rencontré quelque part une main secourable et un coeur généreux, c'est l'acte qui nous sert de pierre de touche pour juger les monstres que l'on appelle ingrats: la reconnaissance. 

   La reconnaissance n'est pas un fruit de l'intelligence, c'est un fruit du coeur. L'intelligence connait les bienfaits, les enveloppe de sa lumière les fait descendre radieux vers les rivages sacrés du coeur et le coeur reconnait. Il reconnait, non par un sentiment vague qui ne sait pas s'exprimer; car de même que la connaissance des perfections divines se résout pratiquement en une prière que nous appelons l'adoration, la reconnaissance des bienfaits divins se résout pratiquement en une prière que toutes les langues humaines ont appelée le remerciement, l'action de grâces. 

    Un auteur a dit de la prière qu'elle est la respiration de l'âme. Comme il y a dans toute poitrine humaine deux mouvements, l'un qui aspire l'air, l'autre qui l'expire après qu'il a vivifié le sang, il doit y avoir dans toute âme humaine deux mouvements , l'un qui aspire les dons de Dieu, l'autre qui les expire sous la forme sacrée de la  prière, de l'action de grâces. 

   La nature nous impose cette prière; d'accord avec la nature, l'Eglise nous la demande. Rendez grâces en toutes choses , nous dit-elle par la bouche de saint Paul, telle est la volonté de Dieu. ...

   Adorer Dieu, ce n'est donc pas assez, et fussions-nous prosternés jusqu'à la fin des temps devant sa perfection adorable, faisant monter vers lui le trisagion angélique, il attendrait encore l'élévation de notre coeur et la prière dont lui seul est capable: l'action de grâces. 

   Et puisque l'action de grâces n'est, en définitive, qu'un acte gracieux répondant à un acte gracieux; puisque l'acte le plus gracieux  que l'homme puisse produire, c'est de dire sincèrement à quelqu'un :" Je vous aime", Dieu notre bienfaiteur et notre père attend de nous, de l'humanité tout entière ce mot sublime et charmant que tous les coeurs tendres et généreux convoitent, ce mot qui remercie plus éloquemment que tous les discours humains :" Je vous aime. "

  Dieu attend de nous l'action de grâces, amoureuse expression de notre reconnaissance; ne la lui refusons pas; ce serait non seulement trahir notre devoir, mais encore méconnaître notre dignité. 

 

rp Monsabré. 

 

 

Rédigé par Philippe

Publié dans #spiritualité

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