Vacances: la prière, Miserere mei Deus !
Publié le 8 Juillet 2020

Ainsi donc, l'homme est pauvre, et dans sa vie physique, et dans sa vie intellectuelle, et dans sa vie morale, et dans sa vie chrétienne. Le vieil Homère a bien dit :" Tous les hommes ont besoin de la divinité". Et mieux encore, le Fils de Dieu lui-même :" Sine me nihil potestis facere. Sans moi, vous ne pouvez rien faire" . Partout donc, nécessité de diriger vers Dieu l'instinct qui nous porte à demander quand nous avons pris conscience de notre misère.
Ajoutons à cela qu'il y a dans la vie, ou plutôt dans les vies de l'homme, des moments solennels , des phases douloureuses et terribles, où se réveille plus impérieux que jamais l'instinct de la prière. C'est quand l'avenir s'ouvre devant notre adolescence, quand il s'agit de fixer notre vie dans un état qui réponde à la fois, à nos désirs, à nos aptitudes, et aux adorables desseins de la Providence; c'est quand notre corps tombe entre les mains impitoyables de la souffrance; quand notre âme déshéritée de toutes les affections, trahie par ceux-là auxquels elle s'était abandonnée avec une naïve confiance, devient tout à coup comme un abîme de tristesse, de chagrins, d'angoisses, de découragement, de désespoir; c'est quand, infidèles à la vérité, à la vertu, à la grâce , nous ne trainons plus ici-bas qu'une existence déshonorée par le péché; c'est alors, si nous n'avons pas étouffé en nous tout sens religieux, que nous sentons le besoin d'invoquer la lumière, l'assistance, la consolation, la miséricorde, le pardon, non pas autour de nous, mais à la source infinie de tous les biens .
.... Nous sommes amis de cet antique proverbe: Aide-toi le ciel t'aidera. Cependant il y a dans la vie humaine des circonstances où notre courage mourant ne sait plus se soutenir, où nous ne pouvons plus nous aider que par la prière. Pourquoi disons-nous: des circonstances? Toute la vie humaine en est là. Notre grandeur par rapport à Dieu n'est que la grandeur de l'intelligence et de la misère. Est-ce donc l'avilir que de la prosterner aux pieds du sublime monarque, qui peut, d'un signe nous élever jusqu'à lui? Demander son secours n'est-ce pas agir dans l'intérêt de notre propre gloire?
Un de nos vieux auteurs s'écriait :" Oh ! la vile créature que l'homme, et abjecte! " mais aussitôt il ajoutait :" s'il ne se sent soulevé par quelque chose de céleste " . Or, ce quelque chose de céleste qui soulève l'homme , c'est la prière.
Elle semble nous humilier, en réalité elle nous rapproche de Dieu pour faire de nous les coopérateurs de son gouvernement.
Comprenons bien cela, tout homme qui demande, comme tout homme qui adore et rend grâces, devient le coopérateur de Dieu. Lui qui déjà nous accorde tant de choses sans que nous les demandions , pouvait en toute occasion ne prendre conseil que de sa libéralité et faire jaillir autour de lui la lumière, la force, la vérité, la vertu , la grâce, la vie. Mais alors l'humanité eût été purement passive, passive comme les astres qui suivent, revêtus de leurs manteaux éclatants, les lignes invariables de leurs orbites; passive comme la nature qui étale en son temps ses séduisantes parures; telle n'était pas la volonté de Dieu. Il entrait dans ses desseins de grandir l'homme en le faisant participer, par des actes libres, à ses propres actes, en faisant de ses désirs et de ses prières la plus sainte loi de son gouvernement.
De deux peuples dont l'un , toujours courbé sous la main d'un despote égoïste, n'a pas le droit de pousser une plainte, d'exprimer un désir, d'émettre un vouloir, dont l'autre, au contraire, gouverné par un monarque généreux, prend part à la conduite des affaires publiques par des pétitions sérieusement examinées et justement prises en considération: celui-ci est évidement le plus grand et le plus noble.
Nous sommes ce peuple. Le roi de l'univers nous a armés du droit de pétition, et quand un jour il nous révélera les mystères de sa Providence, et nous montrera les effets dans les causes, nous pourrons lui dire avec une sainte fierté :
O Seigneur, ô Père ! j'étais là. J'étais là quand vous répandiez la vie, j'étais là quand vous éclairiez les âmes simples, j'étais là quand vous souteniez les faibles dans les bons combats de la vertu, j'étais là quand vous veniez au secours du pauvre, j'étais là quand vous protégiez les opprimés, j'étais là quand vous consoliez les grandes douleurs, j'étais là quand vous guérissiez les infirmes, j'étais là quand vous apaisiez les tempêtes, j'étais là quand vous releviez les peuples humiliés, j'étais là, car j'ai prié et votre main libérale s'est abaissée sur le monde pour le combler de bienfaits.
Combien alors nous paraitront petits et misérables ceux qui ont craint de s'abaisser en priant, ceux qui , trop épris de leur grandeur personnelle, n'ont pas compris que la prière est de tous les actes de la vie, le plus grand et le plus digne de l'homme.
Un courtisan se plaignait d'avoir perdu les faveurs de son maître. Depuis longtemps la libéralité royale ne fréquentait plus le chemin de sa demeure. Un de ses amis qui l'entendait lui dit :" Que ne demandez-vous ? le roi n'attend qu'une prière. Ce courtisan c'est nous. Nous nous plaignons aussi de notre abandon, mais le roi immortel et invisible des siècles, Dieu, nous attend . Dieu attend notre prière, Dieu nous dit :" Petite et accipietis. "
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