et unam sanctam catholicam
Publié le 10 Février 2013
L'Eglise est sainte, et il y a des saints dans l'Eglise. Mais nous sommes des pécheurs; et à cause de nous il y a du péché dans l'Eglise.
En face de l'idéal que l'Eglise représente, que de déficiences! Faut-il donc se scandaliser du péché, s'en étonner? Faut-il condamner les pécheurs? Il faut, à la lumière de la foi, comprendre la situation du pécheur dans l'Eglise et l'attitude de l'Eglise à l'égard du péché.
Le péché, l'Eglise le connait. Elle sait qu'il existe et elle le comprend. Il est là à la condition actuelle de l'humanité. Les sources du péché sont dans le monde parce que Satan est à l'oeuvre. Elles sont en nous la conséquence de la faute originelle: nous y vivons sous le signe de l'imperfection. Le Corps mystique du Christ se réalise en cette humanité atteinte par le péché, et non pas innocente comme le fut la nature humaine de Jésus.
L'existence du péché est inhérente à la condition des chrétiens: l'Eglise exige d'eux une adhésion libre; elle ne les contraint pas; elle ne les affranchit pas non plus de la possibilité de mal faire;: Ils restent des pécheurs et sont capables de pécher malgré ce que l'Eglise fait en eux et pour eux; le bienfait de la foi, et même certains effets des sacrements, sont susceptibles de coexister en eux avec le péché; la foi, alors, est morte, elle n'est plus vive et agissante, mais elle reste un don de Dieu, capable de les animer encore, s'ils le veulent; les caractères sacramentaux demeurent indélébiles, les péchés pardonnés jadis ne ressuscitent pas, le lien du mariage chrétien n'est nullement rompu, bref le fidèle qui a péché continue d'appartenir à l'Eglise.
Le Christ est venu, nous a-t-il dit, pour ce qui était perdu, car ce sont les malades qui ont besoin du mèdecin et non les bien-portants. La sainteté de l'Eglise n'implique donc pas la perfection morale de ses membres.
L'Eglise reconnait qu'il y a des pécheurs en son sein. Elle n'a jamais compris sa sainteté dans le sens de l'impeccabilité de ses membres, et elle a affirmé, contre les "cathares" de tous les temps, qu'elle n'était pas l'Eglise des "purs" et des "parfaits", mais seulement de ceux qui tendent à la perfection. Elle ne dérobe pas le péché aux regards des hommes, elle ne cherche pas à excuser ses membres quand elle sait qu'ils ont tort, elle ne craint pas qu'ont lui montre leurs fautes.
Sur ce point comme sur les autres, elle n'a pas peur de la vérité: - plusieurs papes - Benoît XIV, Léon XIII, Pie XI - l'ont hautement affirmé. Sans étaler le péché des chrétiens - car il l'attriste -, et sans l'exagérer, - car elle sait qu'il y a en son sein plus de bien que de mal, et que ses ennemis attribuent son prestige et son influence, à la vertu de ses ministres et de ses membres, - elle y assiste sans faillir à sa mission, sans rien perdre de sa grandeur: n'est-ce pas "l'imperfection radicale de toute créature qui atteste le mieux la gloire de l'incréé? " <J.Maritain Religion et culture . -
Mais elle souffre du péché..
Elle ne s'y résigne pas, elle n'en prend jamais son pari. Le péché n'est jamais toléré dans l'Eglise, il n'a jamais droit de cité. L'Eglise est même le lieu où le mal est le plus apparent parce qu'il est le plus combattu, et parce qu'ils est le plus contraire à l'idéal qu'elle nous propose. Elle le regrette et le déplore, elle en demande pardon à Dieu; et de tout son pouvoir elle lutte contre lui.
L'Eglise est militante: hors d'elle-même, elle combat l'erreur et l'immoralité sous toutes leurs formes; en elle-même, elle combat la concupiscence.
La sainteté de l'Eglise est triomphante au ciel, dans le Christ, dans la Sainte Vierge, dans les saints déjà glorifiés; elle est militante sur terre: le pape et les évêques enseignent la foi et les moeurs, et nous, pauvres pécheurs, nous sommes aux prises avec le mal en nous et dans le monde, et nous tâchons péniblement à nous dégager du péché.
Mais le péché existe, et l'Eglise en tient compte. Elle le pardonne, et c'est sa façon de vaincre. En elle se réalise la parole du Christ: recevez le Saint-Esprit. Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez. C'est même dans sa conformité à notre nature blessée que le catholicisme apparait comme la véritable Eglise, comme l'Eglise du Verbe incarné comme l'Eglise des apôtres. L'Eglise veut, comme le Christ, sauver ce qui était perdu. Elle aime assez l'humanité pour accueillir et tenir en son sein même des pécheurs. Si elle ne le faisait pas, elle ne serait pas la sainte Eglise de Dieu. Elle a des membres qui sont malades: elle ne les repousse pas, sachant qu'elle a la sainteté non pour la damnation, mais pour le salut: d'où la rémission des péchés.
La preuve que l'Eglise est sainte c'est qu'elle possède le sacrement de pénitence: car ce sont des pécheurs qu'elle doit sanctifier. Tandis qu'elle ne fait rien pour délivrer les hommes de la souffrance physique, elle s'emploie à les liberer du seul mal véritable: le péché. Et quand elle l'a supprimé, elle utilise ses conséquences et elle en tire du bien. Elle transfigure les traces et les suites qu'il laisse, et elle en fait autant d'occasions d'expiation, d'humilité et de confiance en Dieu.
En elle le pécheur prend conscience de sa dignité: elle lui permet de concilier sa fierté de chrétien avec l'humilité de sa condition de pécheur. Le chrétien a ce privilège de connaître qu'il est pécheur et à quel point il l'est - ce que la foi seule lui révèle. Il n'est pas de ces malheureux dont a parlé Péguy, "qui peuvent commettre un crime sans que ce soit un péché", parce qu'ils n'en ont pas conscience. Il discerne le bien du mal. S'il s'écarte du bien, même sans commettre un crime, il sait qu'il agit mal, il peut s'en repentir, se relever, et dire avec confiance ces paroles que l'Eglise fait répéter à ses fidèles:" Priez pour nous, pauvres pécheurs." Et plus il participe à la sainteté de l'Eglise - moins il pèche par conséquent - plus il se reconnait pécheur.
Plus il est engagé par état dans les voies de la sainteté, plus il doit purifier sa conscience: le droit canon oblige les prêtres et surtout les religieux à des confessions plus fréquentes que celles des laïcs.
Quand les saints disent qu'ils sont les plus grands pécheurs de la terre,, ils ne font pas semblant de l'être; ils savent qu'ils le sont. Si nous ne savons pas à quel point nous sommes pécheurs, c'est parce que nous ne sommes pas des saints.
Plus nous tendrons à le devenir, plus nous constaterons que, dans l'Eglise, le péché sert la grâce, et que nos fautes et celles de nos frères se convertissent en occasion d'humilité, de charité et de toutes les vertus chrétiennes.