et unam sanctam catholicam (2)
Publié le 10 Février 2013
L'un des aspects du "mystère" de l'Eglise réside en cette antinomie, en ce contraste entre la sainte Eglise, telle qu'elle existe dans l'idée de Dieu et dans le Christ, et sa réalisation telle qu'elle existe en nous.
La raison seule ne peut pas rendre compte de ce paradoxe, dont la foi nous donne la clef; la solution de cette difficulté, comme de toutes les autres, est dans le Christ.
Par son Incarnation, il a uni et, d'une certaine façon, comme le disaient saint Augustin et saint Léon, mêlé sans les confondre, l'humanité et la divinité en lui: le fils de Dieu, en prenant une nature humaine, a revêtu non le péché, mais ce que saint Paul appelait la forme du péché, la ressemblance de la chair du péché. De même la Sainte Eglise nous apparait parfois, selon une expression audacieuse de saint Paulin de Nole, sous l'apparence d'une pécheresse.
Toujours inadéquate à l'idéal que Dieu a d'elle, l'Eglise de la terre, jusqu'à la parousie, souffre de cette continuelle insuffisance. En elle vit le Christ, mais le Christ crucifié, dont la grâce est encore invisible: ce qui apparait de son oeuvre éprouve notre foi et la purifie.
L'Eglise, a expliqué R. Guardini, est comme la croix du Christ: tout l'être du Christ mystique, sa vérité, sa sainteté, sa grâce, sa personnalité, sont attachées à l'Eglise visible comme autrefois son corps physique fut cloué sur la croix: il faut embrasser le Christ avec son Eglise. Si elle était parfaite et dès maintenant sans tâche en tous ses membres, il serait trop aisé de croire qu'elle est sainte; l'orgueil et la facilité y trouveraient satisfaction, mais ce ne serait plus le salut par la croix.
Dans le mystère de l'incarnation et de la rédemption le Verbe a renoncé à certains de ses attributs divins ou à leur apparence pour se faire homme et pour mourir.
De même, dans l'Eglise, la vie surnaturelle est souvent entravée, et dérobée aux yeux, par le fait que les hommes sont pécheurs.
Du moins faut-il aimer l'Eglise telle qu'elle est: admirer ce qu'elle a d'essentiellement saint, ne pas la renier parce que les hommes y introduisent des conséquences du péché.
Il faut aimer l'Eglise d'une charité affective: souffrir de ses insuffisances en nous, autour de nous - et plus on sait ce qu'est le Chrsit, plus on en souffre - et tendre à faire d'elle ce qu'elle devrait être.
L'existence du péché dans le monde est pour nous un motif de nous donner à elle et doit nous exciter à la perfection chrétienne.
L'Eglise est en chacun de nous, mais chacun de nous n'est pas l'Eglise. L'Eglise est le corps du Christ en nous: c'est pourquoi elle est sainte, bien que nous soyons des pécheurs.
Ses déficiences - qui sont les nôtres - doivent nous faire désirer la contempler au ciel dans toute son harmonie: certains des éléments qui sont liés à son essence de société visible se réalisent maintenant; d'autres se manifesteront lorsqu'elle apparaîtra dans toute sa plénitude, quand se révèlera la gloire des enfants de Dieu.