Fontgombault: la vie contemplative

Publié le 8 Janvier 2020

Aux limites ouest de la province de Berry, le val de Creuse présente, avant que la rivière ne conflue avec l’Anglin puis la Gartempe, une alternance de coteaux calcaires abrupts et de terrasses alluvionnaires plus accueillantes. C’est dans les premiers que des ermites s’installent, peut être dès le début du XIe siècle, près de la fontaine qui porte le nom de l’un d’eux, Gombault. À la fin du siècle, sous la conduite de leur maître, Pierre de l’Étoile, certains se transportent sur la rive droite de la Creuse pour fonder une abbaye sous la règle de saint Benoît, en 1091 précisément. Aux aménagements primitifs dans des grottes, autour d’une petite chapelle consacrée à saint Julien, va succéder un grand monastère dont l’église abbatiale, achevée vers 1140 et longue de plus de 80 mètres, est un joyau de l’art roman à son apogée.

Son décor sculpté est volontairement sobre, dans la ligne du « nouveau monachisme » dont Cîteaux est la réalisation la plus connue : au portail occidental, pas de tympan sculpté mais des voussures extrêmement travaillées, avec des lions supportant huit colonnes. L’implantation des bâtiments est adaptée à la vie de prière des moines : au nord se trouve l’église, au sud le réfectoire et à l’ouest le bâtiment contenant la sacristie et le chapitre, avec, à l’étage, le dortoir des moines. Enfin, le logis des hôtes et la cuisine complètent l’ensemble à l’Est, desservi par la large galerie du cloître entourant un jardin intérieur. La grande église abbatiale est alors achevée.

SPLENDEURS MÉDIÉVALES

Les XIIe et XIIIe siècles voient un développement remarquable de la communauté, avec l’implantation de nombreux prieurés ruraux. Mais, à partir du premier quart du XIVe siècle, les difficultés économiques obligent à réduire le nombre des moines à douze. La guerre de Cent Ans aggrave la situation. Il faut attendre la fin du XVe siècle pour que certains bâtiments, comme le réfectoire, le chauffoir et la sacristie, soient restaurés. Sur la porte qui donnait accès au logis abbatial, la présence des armes de France et de celles du dauphin laisse penser que des largesses royales ont contribué à ce relèvement.

L’intervention du pouvoir royal dans la nomination des abbés, officielle à partir du concordat de 1516, vient profondément bouleverser les dispositions de la Règle, selon laquelle l’abbé doit être le père de ses moines. Avec le pillage de l’abbaye et l’incendie de l’abbatiale dus aux troupes protestantes qui assiègent Poitiers à l’été 1569, la vie commune elle-même disparaît : les quelques moines subsistants vivent dans des ruines et ne se réunissent que pour les offices dans la chapelle sud, seule restaurée.

Heureusement, vers la fin du XVIIe siècle, porté par l’action de Dom Nicolas Andrieu, soutenu par les abbés Anselme Mornet et Jean-François Chamillard, un remarquable redressement se produit. Grâce à la reprise de la vie commune et à la mise en commun des revenus, le sanctuaire de l’église est restauré. Le chœur des moines y est installé, tandis qu’un grand mur le sépare de la nef toujours en ruine. D’autres bâtiments sont reconstruits, ainsi que la chapelle des ermites, sur la rive gauche de la Creuse. L’observance rétablie mérite en 1708 cette appréciation de Dom Martène : « Ces religieux font très bien l’office, vivent avec édification et sont en bonne odeur dans tout le pays ; et il serait à souhaiter que tous les anciens religieux qui n’ont point reçu la Réforme les imitassent. »

TROUBLES RÉVOLUTIONNAIRES

En 1742, l’archevêque de Bourges décide l’extinction de la communauté monastique au profit des prêtres de la Mission, qui doivent ouvrir un séminaire et prêcher des retraites dans la région. Ils sont néanmoins remplacés dès 1786 par des prêtres de Saint-Sulpice, qui utilisent les revenus au bénéfice du séminaire diocésain de Bourges. Il est même envisagé de détruire les bâtiments et l’abbatiale, qui n’ont plus d’utilité. Avec la Révolution, tous les biens de l’abbaye sont vendus. Une grande partie d’entre eux, à l’exception de l’église, est achetée par Madame Dupin, l’arrière grand- mère de George Sand. Ses héritiers les revendront ensuite en différents lots.

 

Fort heureusement, en 1848, lors d’une visite à l’abbaye en ruine, un prêtre du diocèse, l’abbé Lenoir, décide de la sauver. Il y intéresse les pouvoirs publics ainsi que la communauté trappiste de Bellefontaine en Anjou. En 1849, un essaim monastique s’installe sur les rives de la Creuse et commence à restaurer l’église et les bâtiments avec l’aide d’une colonie pénitentiaire. Les travaux de restauration se terminent à la fin du siècle par la reconstruction de la nef, sous la direction de l’abbé Lenoir.

« Restaurer un édifice, affirme Eugène Viollet-le-Duc, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné. » Il est probable que l’ancienne nef de l’abbatiale ne ressemblait pas à celle, un peu froide, qui a été reconstruite mais qui a toutefois le mérite d’exister… Du fait des difficultés faites aux congrégations au début du XXe siècle, les trappistes décident de partir aux États-Unis, et en 1905 l’abbaye est adjugée dans une vente judiciaire à la famille Bonjean qui y installe des œuvres sociales.

Après la Grande Guerre – au cours de laquelle l’abbaye abrita un hôpital militaire belge – , un petit séminaire et un séminaire de vocations tardives y sont ouverts, ce dernier restant en activité jusqu’en 1948. À cette date, l’abbaye de Solesmes peut racheter les bâtiments et envoyer un groupe de fondateurs pour reprendre la vie monastique. Depuis, les moines y observent la vie contemplative selon la règle de saint Benoît et mettent en valeur le patrimoine architectural du site, dans le but d’aider chacun à réaliser l’idéal monastique : chercher Dieu.

dom Jean Troupeau . osb+ 

archiviste. 

 

 

pour Nicolas , frère " Benoît " and family ! union de prières et à bientôt j'espère dans ce lieu magique.. 

Rédigé par dom Jean Troupeau OSB +

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article