Publié le 27 Février 2014
Le christianus poenitens est essentiellement celui qui doit déplorer son manque de fidélité au Christ, à qui il a déjà juré loyauté dans son baptême.
Les péchés du chrétien sont des offenses contre un état, l'état des rachetés. En commettant le péché, nous marchons d'une manière indigne de notre vocation, nous prouvons nous-mêmes que nous sommes de mauvais enfants, des personnes qui ne pensent pas à leur élection. Nous péchons contre le Christ, nous le blessons dans ses frères. Que nous soyons conscients ou non de ces implications, nous ne pouvons pas éviter d'avoir ce genre de culpabilité sur nos âmes, chaque fois que nous transgressons. Dans son repentir, le chrétien doit penser à beaucoup de choses qui lui appartiennent exclusivement.
il doit se souvenir de sa robe baptismale, il doit porter dans sa pensée l'adoption des enfants, le sceau du Saint-Esprit, la douceur du Pain de vie, le Sang de l'Agneau, toutes réalités qu'il a plus ou moins foulées aux pieds, chaque fois qu'il a péché gravement. Il a contristé ses frères, il a couvert de honte l'Eglise, il a porté l'incroyant à blasphémer le nom du Seigneur, il a rendu le travail du Saint-Esprit plus difficile, il a été un poids mort pour les hommes fervents et les femmes ferventes, qui n'ont rien de plus cher que la gloire du Christ.
Tous ces résultats et beaucoup d'autres sont infailliblement associés à nos péchés. C'est pourquoi, lorsque nous nous repentons, des légions de puissances invisibles sont mises en mouvement, toutes demandant d'être satisfaites et d'être vengées. Or, c'est le mérite spécial du christianus poenitens d'être déterminé à faire pleine amende honorable pour tous les outrages passés, à donner satisfaction à toute la hiérarchie de l'ordre surnaturel et à réparer la brêche qu'il a faite dans la vie du Corps mystique du Christ.
Son repentir est plus qu'un chagrin; c'est une faim et une soif de justice, c'est un effort pour remplir ce qui manque, par ses actes coupables, au Corps du Christ.
Pour cette raison, la pénitence chrétienne est devenue la plus virile de toutes nos activités dans le Christ. Il serait cependant contre l'essence même du christianisme de ne voir qu'un seul aspect de cet effort du christianus poenitens; il ne peut rien faire de lui-même et, bien qu'il soit en son pouvoir de diminuer la vie du Christ en lui-même et dans l'Eglise, il lui est impossible de réparer ce dommage. Aussi le Christ a préparé pour lui le sacrement du repentir, comme il a préparé pour lui tous les autres sacrements qui lui donnent la plénitude de vie.
La théologie du sacrement de pénitence serait un incompréhensible écheveau d'éléments inconciliables sans cette supposition fondamentale que, par le sacrement, le Christ rend ses propres membres capables de réparer le mal fait par leurs péchés à tout l'ordre surnaturel. Aussi ce sacrement ne se définit pas premièrement en termes de chagrin, mais en termes de pouvoirs et d'actions. Son efficacité repose d'une part, sur la puissance des clefs, et, d'autre part, sur les actions du chrétien, dont l'un seulement est le chagrin ou la contrition, les autres étant de l'ordre exécutif, la confession et la satisfaction.
Bien que les dommages causés à l'ordre divin de la vie du Christ soient très graves, le sacrement de pénitence est plus puissant que le péché.
Le chrétien n'est un pénitent dans le vrai sens que lorsqu'il entre dans cette disposition destructrice du péché que le Christ a laissée à son Eglise pour le bénéfice exclusif de son peuple. Un chagrin extérieur à cette institution ne recouvrirait pas les besoins du cas; par lui-même, il ne ferait pas d'un chrétien un authentique christianus poenitens.
Toute une rangée de divines réalités a été bouleversée par le péché du chrétien; il ne peut pas rétablir l'ordre, sauf par les secours extérieurs préordonnés de réajustement sacramentel. La puissance de propitiation qui est dans le Christ devient palpablement opérante dans le sacrement catholique de la pénitence et les fidèles, qui sont les personnes mêmes, dont les péchés ont besoin d'expiation, sont appelés à entrer effectivement dans cette puissance du Christ en accomplissant les oeuvres du repentir sacramentel.
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Le christianus poenitens est demeuré le même type à travers tous les temps; il a compris avec une clarté non diminuée que ce n'est pas par ses propres efforts, mais par l'opération d'une institution divine, par le fonctionnement d'un système sacramentel dans lequel il est seulement un partenaire, que la justice est rétablie et la balance de la sainteté redressée. Il y a les tendres larmes du repentir personnel, il y a la plus transperçante de toutes les peines de l'âme, celle d'avoir offensé Celui qui est d'autant plus digne d'amour qu'il s'est laissé insulter par nous, il y a la colère contre notre propre chair qui s'est révoltée contre l'éternelle Beauté.
Ces grâces, - car elles sont vraiment des grâces - peuvent apparaître à première vue comme n'étant que la communication individuelle d'une seule âme avec Dieu. Mais ceci serait une intelligence imparfaite des mouvements de la grâce.
C'est le Saint-Esprit, l'animateur de tout le Corps mystique du Christ, qui, produit ces gémissements ineffables de l'âme repentante. Un dommage est réparé, et la réparation a sa répercussion dans le ciel où les anges se réjouissent d'un seul pécheur qui fait pénitence que des quatre vingt dix neuf justes qui n'ont pas besoin de repentir.
C'est l'esprit partirculier du repentir chrétien de vivre dans la conviction que tout peut encore être remis en ordre de la manière la plus complète, si grand qu'ait pu être le désastre. Il pourrait y avoir de la vraie douleur sans cette persuation. L'homme peut-être profondément contrit, mais aussi profondément convaincu que le tort qui a été fait sera éternellement une blessure incurable dans le monde spirituel. Or telle n'est pas la grâce de la pénitence chrétienne. Elle est au contraire, une douleur pleine de foi en une puissance qui rebâtit tout ce qui a été démoli. Pour cette raison les anges se réjouissent d'un seul pécheur qui fait pénitence.
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Faire pénitence est essentiellement une reconstruction des murailles endommagées de la Jérusalem spirituelle. Le christianus poenitens est une personne remplie de confiance, à cause de cette ocnviction. Il n'est pas comme les Juifs qui s'asseyaient près du fleuve de la terre d'exil, versant des larmes inconsolables et se désolant à la pensée de la lointaine Jérusalem; il est comme les Juifs après leur retour de captivité, tout appliqués au travail de la reconstruction des murs de la Cité sainte, que leurs ennemis avaient rasée jusqu'au sol.
Mais l'homme, laissé à lui-même, est au-dessous d'une si grande entreprise. La pénitence chrétienne doit, pour cette raison être considérée comme une portion de l'adorable mystère du Christ, en qui Dieu restaure toutes choses qui sont dans le ciel et sur la terre.