Publié le 9 Juin 2020
" Vous êtes donc ma victime, ô Sauveur, mais si je ne faisais que vous voir sur votre autel et sur votre croix, je ne saurais pas assez que c'est à moi, que c'est pour moi que vous vous offrez.
Mais aujourd'hui que je vous mange, je sais, je sens, pour ainsi parler, que c'est pour moi que vous vous êtes offert. Je suis participant de votre autel, de votre croix, du sang qui y purifie le ciel et la terre, de la victoire que vous y avez remportée sur votre ennemi, sur le démon, sur le monde.
Si vous vous êtes offert pour moi, donc vous m'aimiez: car pour qui donne-t-on sa vie , si ce n'est pour ses amis? Je vous mange en union avec votre sacrifice, par conséquent avec votre amour: je jouis de votre amour tout entier, de toute son immensité: je le ressens tel qu'il est, j'en suis pénétré.
Vous venez vous-même me mettre ce feu dans les entrailles, afin que je vous aime d'un amour semblable au vôtre. Ah! je vois maintenant et je connais que vous avez pris pour moi cette chair humaine; que vous en avez porté les infirmités pour moi; que c'est pour moi que vous l'avez offerte, qu'elle est à moi. Je n'ai qu'à la prendre, à la manger, - à la posséder, à m'unir à elle. " (Bossuet)
C'est la communion qui spécialise, si je puis ainsi parler, le don de Jésus: c'est dans la communion que nous sentons la vérité de la parole de saint Paul: Dilexit me et tradidit semetipsum pro me : Jésus m'aime, moi , personnellement, c'est pour moi qu'il s'est livré, j'en ai pour garant le don total qu'il me fait de lui-même. C'est là, dans ce don intime, personnel, qu'il ramasse, pour ainsi dire, tous ses dons, tous ses mérites, toutes ses oeuvres, toutes ses perfections pour me les communiquer.
Don ineffable, don gratuit, don total, don perpétuel, don universel, voilà ce qu'est la sainte communion !
Don ineffable, puisque c'est le don de Dieu, puisque je possède , par la sainte communion , Celui qui est la joie des Anges et des élus, leur béatitude, puisque le ciel ne me donnera pas plus que je ne possède quand Jésus est dans ma poitrine.
Don tout gratuit, car quels titres pourrais-je bien me reconnaître à cette libéralité sans pareille? Qu'ai-je de moi-même qu'ai-je en propre d'autre que le péché, c'est-à-dire la révolte, la désobéissance, l'abus des dons de Dieu ? Qu'y a-t-il en moi qui puisse attirer Dieu, l'incliner à me faire du bien? Il n'y a rien en moi: pour trouver le mot de ce mystère, c'est en Dieu, c'est en Jésus lui-même qu'il me faut chercher: c'est sa bonté, son amour qui m'expliquent la communion: moi je ne fais que recevoir, c'est Dieu qui donne et qu'il s'oublie en donnant.
don total: Jésus ne se réserve rien ; il me donne son corps , son sang, son coeur, son âme, sa divinité, tout ce qu'il a et tout ce qu'il est, ses prières, ses adorations , ses sacrifices, ses vertus; il s'unit à moi, aussi intimement que l'aliment s'unit à celui qui le prend;
Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et je demeure en lui, manet, demeure; ainsi ce n'est pas une union transitoire, passagère, c'est une union stable , permanente. Et quels bien me procure cette union ! Le premier de tout, le plus important, le bienfait capital; elle préserve en moi cette vie divine d'où dépend ma béatitude éternelle.
Le pain eucharistique n'est pas comme la manne qui n'en était que la figure; ceux qui mangèrent la manne sont morts; mais " celui mange ce pain vivra éternellement, quiconque en mange ne meurt pas , ut si quis ex ipso manducaverit, non moriatur.
Et c'est ma nature tout entière qui recueille le bienfait de cette présence et de ce don; dans le contact avec cette chair sacrée, cette chair divine, mon corps lui-même reçoit l'empreinte de l'immortalité, et s'il doit passer par le tombeau, le corps et le sang de Jésus lui donnent le droit à la résurrection glorieuse : et ego ressuscitabo eum in novissimo die. (Joan VI 50,55)
don perpétuel : Le pain de vie est toujours à ma portée; ma nourriture ne me fera jamais défaut, c'est moi, hélas! qui peut-être ne viens pas la prendre, mais jamais je ne pourrai faire ce reproche à Jésus qu'il n'était pas là quand je suis venu le chercher. Le tabernacle a toujours sa provision d'hosties et où que j'aille, en quelque contrée que me conduise la main paternelle de Dieu, j'y trouverai Jésus sacrement.
car " du lieu où le soleil se lève à celui où il se couche, mon nom, dit le Seigneur , est grand parmi les hommes, parce qu'en tout lieu, mes yeux rencontrent la divine victime qui m'est offerte " , et cette divine victime , c'est le chrétien qui la consomme par la communion.
Et pourtant, que de sacrifices, que d'oubli de soi-même ne suppose pas, ne nécessite pas cette présence perpétuelle de l'Hostie; quelle puissance aussi pour triompher de la haine de Satan et du monde qui voudraient supprimer le sacerdoce et détruire tous les autels.
Jésus accepte tous les sacrifices, accomplit tous les miracles, il sera toujours là, il l'a promis : Le ciel et la terre passeront mais mes paroles ne passeront pas.
Don universel, nous sommes tous appelés, tous ceux qui ont la vie - mais les morts ne se nourrissent pas - O Jésus! que de fois, au cours des siècles, vous serez descendu dans les coeurs des hommes pour les diviniser !
C'est donc bien là, dans la communion, qu'est votre don suprême , ô Jésus! Qu'il nous est précieux, puisqu'il nous apporte la vie éternelle! Qu'il nous fait grands, puisqu'il nous constitue sa réalité, vos convives, vos tabernacles, vos ostensoirs!
O Jésus ! la vraie vie est en haut et non dans les bas-fonds; c'est cette vie là que vous nous avez apportée, que vous nourrissez de votre propre substance divine, c'est cette vie du ciel que je veux et que je choisis.
Grâces vous soient rendues pour ce don ineffable, ce don gratuit, ce don total, perpétuel et universel, de vous-même. Grâces vous soient rendues pour la sainte communion : Gratias Deo inerrabili dono ejus.