Publié le 30 Décembre 2010
Voici que la Sagesse divine par une de ses dispositions les plus suaves réservait à une humble créature, la Vierge Marie, l'honneur de refléter et d'exprimer en son amour maternel pour Jésus notre Sauveur la tendresse infinie que Dieu lui-même porte au Fils qu'il engendre depuis toujours.
Ne dirait-on pas, pour parler le langage de Bossuet, que "le Père a coulé dans son sein quelque chose de cet amour infini qu'il a pour son Fils"? et puisque l'enfantement virginal est une image excessivement lointaine mais très touchante de la génération in sinu Patris, il ne nous parait pas déplacé de mettre sur les lèvres de la Mère de Dieu cette parole que Dieu lui-même prononce éternellement sur le Fils qui est l'unique objet de ses complaisances: Filius meus es tu, ego hodie genui te.
Bien entendu, la Vierge qui engendre son Dieu - Dei Genitrix Virgo - selon la forte expression de la liturgie - figure au premier plan du mystère que nous revivons en ce jour très saint où elle donna pour le salut du monde le fruit de son inviolable virginité.
S'il est vrai que le Père céleste ne semble jamais mieux glorifié qu'en la fête de Noël, on peut en dire autant de la Vierge Marie que nous honorons plus directement en cette circonstance dans sa maternité divine, racine et fondement de tous ses privilèges.
Devenue Mère de Dieu, elle nous paraît si fort élevée au-dessus de toutes les créatures du ciel et de la terre que l'Eglise elle-même se déclare inhabile à publier sa gloire:
"O sainte et immaculée virginité, je ne sais point de louanges dignes de te célébrer, car tu as porté dans ton sein celui que les cieux ne peuvent contenir."
Le plus expédient est d'envelopper dans une même louange, inséparablement, Notre-Dame et le fruit béni de ses entrailles, comme le fait avec tant de grâce et de délicatesse ce répons de l'office qui met finement en valeur la part de la maternité divine dans le mystère de Noël:
"Heureuses les entrailles de la Vierge Marie qui ont porté le Fils du Père éternel, et heureuses les mamelles qui ont allaité le Christ-Seigneur qui daigne aujourd'hui, pour le salut du monde, aître d'une Vierge".
"Qui daigne, aujourd'hui, pour le salut du monde, naître de la Vierge", ces derniers mots suggèrent avec une exquise discrétion que la naissance virginale se rattache d'elle-même à l'oeuvre de notre rédemption. Jamais, du reste, l'union ne se fait sentir plus étroite entre le Seigneur et sa mère que dans cet office de la Nativité où nos hommages ne peuvent atteindre le Fils de Dieu naissant selon la chair, sans aller du même coup jusqu'à la Vierge dont le nom béni se pose spontanément sur nos lèvres, chaque fois que nous rendons gloire aux trois divines Personnes:
Gloria tibi Domine
Qui natus es de Virgine
Cum Pattre et sancto Spiritu
In sempiterna saecula.
Et, si, nous célébrons surtout en la fête de Noël le mystère de notre propre naissance à la vie céleste, il faut nous souvenir que la maternité de Notre-Dame, envisagée dans la plénitude de ses fonctions divines, ne se termine pas à la seule personne du Sauveur, mais au Christ total, c'est-à-dire à Jésus en tant qu'il est notre Chef et à tous les membres de son Corps mystique.
L'enfant que la Vierge met au monde et qu'elle enveloppe si tendrement de langes, c'est, nous dit l'Evangile de la messe de minuit, le premier-né de ses fils; Et peperit Filium suum PRIMOGENITUS ex multis fratribus.
Lorsque Notre-Dame contemplait reposant en sa crèche ce Fils unique, objet de son amour, elle pouvait entrevoir à la lumière des promesses divines, l'extension future de son oeuvre maternelle.
Sachant, sur le témoignage de l'ange, qu'elle donnait le jour à Jésus, le Sauveur du monde, le Rédempteur, l'Auteur de la vie, comment aurait-elle pu ignorer qu'elle engendrait en lui le Chef de cette innombrable postérité qui devait la proclamer bienheureuse?
Il est indispensable de nous replacer sous l'influence pénétrante et maternelle de la Vierge Marie, afin qu'elle puisse reproduire en nos âmes l'image de son Fils, et déposer au fond de nous-même quelque chose de cette tendresse profonde, de cet abandon filial, de cette fraîcheur exquise et très pure, dont se trouvait rempli le coeur du Christ Jésus, lorsqu'il se détacha, comme un fruit déjà mûr, du sein virginal de sa mère.
dom E. FLICOTEAUX
OSB
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Mater Christi, pour maman.
requiescat in pace + amen.