fête de la Toussaint - Fontgombault.

Publié le 1 Novembre 2012

todos-los-santos-630x350

 

Dans la grande tourmente... 

 

 

TOUSSAINT

Homélie prononcée

par le Très Révérend Père Dom Jean Pateau, Abbé de Notre-Dame de Fontgombault

 

(Fontgombault, le 1er novembre 2012)

 


« Gaudete et exsultate, quoniam merces vestra copiosa est in cælis...

Réjouissez-vous et exultez, car votre récompense est grande dans les cieux... » (Mt 5, 12).

 

 

Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,


Alors que le Saint-Père vient d’inaugurer l’année de la foi, le 11 octobre dernier, la fête de la Toussaint donne à méditer sur la récompense qu’ont obtenue ceux qui avant nous ont parcouru, dans la faible lueur de cette même foi, mais avec sérieux, le chemin de la vie humaine, le chemin de la foi.

 

Désormais, pour les saints, le temps de la foi et de l’espérance est achevé. Ils se réjouissent dans la vision du Seigneur, ils exultent dans la possession de Dieu.


Ceux que nous fêtons aujourd’hui ne sont pas les personnages froids et lointains d’une galerie de portraits ou encore les fruits de notre imagination. Tous ils ont vécu et ils vivent encore aujourd’hui. Tous ils nous disent, comme un des sept Anges aux sept coupes de l’Apocalypse : « Viens, que je te montre la Fiancée, l'Épouse de l'Agneau » (Ap 21, 9). De fait, nous sommes destinés, un jour, si nous le voulons bien, à entendre cette voix.


Les lectures de la Messe offrent à notre contemplation deux textes fondamentaux, telles deux fresques qui se dessinent sous nos yeux, deux œuvres qu’il importe de regarder à la fois dans leur ensemble et dans leurs détails.


La longue énumération des élus, rapportée par le livre de l’Apocalypse, réchauffe notre espérance. Non décidement, le Ciel ne sera pas vide. Il sera occupé par tous ceux qui, unis aux anges, diront : « Salut à notre Dieu, qui siège sur le trône, ainsi qu'à l'Agneau ! ... Amen ! Louange, gloire, sagesse, action de grâces, honneur, puissance et force à notre Dieu pour les siècles des siècles ! Amen ! » (Ap 7, 10 et 12). Le début de cette lecture donne pour ainsi dire la clé du Paradis : pour y entrer, les serviteurs de Dieu devront être marqués d’un signe dont la présence les préservera lors de la grande tourmente.


Mais comment espérer pouvoir être du nombre de ceux qui seront ainsi marqués du signe du Dieu vivant ? Les paroles du Seigneur rapportées dans l’Évangile selon saint Matthieu indiquent le chemin. Ils seront bienheureux les pauvres en esprit, les doux, les miséricordieux, les cœurs purs, les artisans de paix. Ils seront bienheureux ceux qui pleurent, ceux qui ont faim et soif de justice et ceux qui souffrent persécution pour la justice.

 


Nous faisons nôtres les paroles du Seigneur tout en reconnaissant que leur mise en pratique n’est pas chose si facile. Précisément cette difficulté invite à entrer de façon plus radicale sur le chemin de l’espérance, à le choisir plus résolument : c’est un chemin éminemment chrétien. Si les élus sont pour nous des témoins, à notre tour nous devons nous aussi être témoins pour les hommes et les femmes de notre temps.

 

Espérer dans le silence, avoir une foi pour sa propre satisfaction, sa propre tranquillité, sa propre sainteté, c’est manquer d’espérance, c’est manquer de foi ; c’est s’engager sur une voie qui assurément mènera à la perte de l’une et de l’autre au jour de la grande tourmente.

 

 

À notre décharge, il serait aimable de vivre paisiblement dans la société tranquille, paradisiaque, où nous contemplons aujourd’hui les élus. La béatitude, nous la désirons, mais la société où nous vivons ne nous l’offre pas. Bien plus, c’est le tragique spectacle de la déchéance humaine qui s’offre à nos yeux. Ils sont bienheureux les durs, ceux qui écrasent pauvres et petits. Ils sont bienheureux les puissants par les armes, par le mensonge. Ils sont bienheureux ceux qui proposent aux hommes un plaisir sans lendemain, qui avilissent enfants et misérables.

 


Pourtant, il est un révélateur sur le drame que vivent nos contemporains. Si nous interrogeons l’un des élus sur son lendemain, il répond un seul mot : “Paix”. La même question adressée à tout homme de la terre recevrait-elle aujourd’hui la même réponse ? Celle-ci ne serait-elle pas plutôt “Crainte”? Nombre de nos contemporains ne pourraient peut-être que difficilement analyser ce sentiment tellement ils sont conditionnés par la normalité de ce monde qui devient de plus en plus, par l’œuvre même de l’homme, un enfer.


La crainte est bien le sentiment dominant de notre société. Crainte d’un monde où la guerre et la haine se font de plus en plus présentes. Crainte devant tant de femmes qui demandent la mort de leurs enfants en leur sein sans que les sociétés viennent au secours ni des mères, ni des enfants. Crainte devant les lendemains que l’on prépare aux enfants qui naissent aujourd’hui. Crainte devant la profanation de la création, propriété de Dieu, tout particulièrement par la dénaturation du mariage, union durable d’un homme et d’une femme. Crainte devant un avenir de pauvreté et de misère pour beaucoup désormais inéluctable.

 


Le cri, entendu dans la bouche de Jésus sur la croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?» (Mt 27, 46), monte désormais de tous les points de la terre. Ces mots, tirés du psautier, résonnaient dans la bouche de Jésus comme un ultime cri vers le Père dans l’attente de la puissante affirmation du matin de Pâques : « Il est ressuscité ».


Ce cri, nous l’entendons aujourd’hui encore, mais il semble désormais n’attendre plus rien de Dieu, du vrai Dieu. C’est un cri de désespoir, le cri d’un monde qui pour avoir renoncé au vrai Dieu, se sait condamné à être abandonné tôt ou tard par chacun des dieux auxquels il se confie de façon éperdue. Le refus de Dieu, le refus de la condition de créature et de ses conséquences, le refus de la loi naturelle, ravalent l’homme, qu’on le veuille ou non, à la condition d’objet, d’épave ballottée au gré de flots plus ou moins menaçants.

 

Plus de port, plus de paix. Ce qui donne de façon ultime à chaque homme, qu’il soit adulte ou enfant, sa valeur, c’est le regard que Dieu pose sur lui. Ce qui lui donne la paix, c’est l’accueil de ce regard.

 


Serait-il donc interdit de proposer à tous les hommes la béatitude que Dieu réserve à ses amis ?


La société moderne plonge l’homme dans un monde sans espérance, un monde qui a fait le choix de l’oubli, voire du refus de Dieu. En face de ce monde et par rapport à lui, le chrétien doit faire un autre choix : non pas celui de l’ignorance, non pas celui de la compromission, mais celui de l’éducation.


Entamons donc ce « pèlerinage dans les déserts du monde contemporain » (cf. homélie du Saint-Père durant la Messe d’ouverture de l’année de la foi, 11 octobre 2012), sachons y discerner les signes de l’attente de Dieu.

 


Alors que débute l’année de la foi, alors que nous fêtons les saints de tous les temps et que nous nous unissons à leur action de grâces, avons-nous le désir de les rejoindre ?

 

Avons-nous le souci de guider nos frères en humanité vers la maison du Père par l’exemple d’une vie authentiquement chrétienne ? Notre foi ne serait-elle pas refroidie au point qu’une évocation du sort des bienheureux ne nous toucherait que peu ?

 


Que Marie, femme de foi, nous introduise dans leur société et dès ici-bas nous fasse désirer le Ciel pour nous et pour tous les hommes.

Amen.

Rédigé par philippe

Publié dans #spiritualité

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article