la réalité du ciel.

Publié le 30 Octobre 2012

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  "Pour ce qui est de l'essentiel, nous sommes indiciblement seuls."

 

Rainer-Maria Rilke.

 

D'où vient que des gens qui répètent, dans leur prière du matin, que le Dieu tout-puissant et paternel auquel ils croient est le créateur du ciel et de la terre, passent le reste de la journée comme ceux qui ont dit simplement, en mettant le nez à la fenêtre:"Aujourd'hui le temps sera beau", ou bien, :"il va pleuvoir." Car c'est le même mot qui signifie cette réalité mystique dont la pensée devrait nous hanter, et les hauteurs azurées d'où le soleil nous distribue sa lumière et les nuages leur rosée.

 

Reconnaissons que le mot ne touche pas avec la même vivacité lorsqu'il désigne, d'une part ce que nous ne saurions décrire mais dont la certitude de l'existence aurait de quoi nous combler, et de l'autre le phénomène météorologique aux conséquences anodines.

 

   C'est dimanche à la campagne. Le prêtre a lu l'Evangile du jour. Il referme le livre et, avec des mots à lui, il s'efforce d'en tirer l'enseignement pratique. En définitive, cette page d'évangile rappelle le chemin du salut, autant dire: le chemin du paradis. L'on a bien écouté et l'on ne doute pas que tout cela soit ainsi. Mais l'ite missa est libère bientôt l'assemblée des fidèles du silence un peu morose et de la contrainte où ils ont été tenus. Dehors, le soleil luit, les visages sont réjouis. Les hommes vont boire un verre ensemble, parler de leurs travaux, du cours du marché, de sport ou de politique. Les femmes vont à leurs occupations ménagères. On est rentré dans la vie et, tout à l'heure, quand la famille sera réunie, à table, autour de la soupière fumante, je vous jure qu'il ne sera plus question de ce ciel dont Monsieur le Curé avait parlé avec tant d'animation.

 

...

 

Constatons simplement que le ciel n'a pas, dans notre pensée et sur notre coeur, la même consistance que ces faits quotidiens. En vérité, il n'a aucune consistance , ou si peu.

 

...

 

Il est certain que ces voyants de l'invisible, suivant le mot de saint Paul, que sont les mystiques et les saints, considèrent le ciel avec d'autres yeux. "Depuis qu'elle a contemplé ces merveilles du paradis, témoigne sainte Thérèse d'Avila, mon âme voudrait toujours demeurer dans cette région de lumière, sans revenir à la vie, tant elle a conçu de mépris pour toutes les choses de la terre... Heureuse l'âme à qui Dieu a ouvert le ciel et montré d'avance le séjour où elle est appelée à vivre! Elle est comme le voyageur qui, allant s'établir dans une contrée lointaine mais connue, charme les ennuis du chemin par la pensée du repos dont il est sûr de jouir au terme de son voyage. Avec quelle facilité elle s'élève à la considération des choses divines! On peut bien dire que, déjà, sa conversation est au ciel."

 

...

Le ciel donne un sens à ce qui semblait n'en point avoir. Ce qu'il est convenu d'appeler le "monde", et qui est le monde moins Dieu, le monde "désacralisé", c'est plutôt ce qui est décoloré, qui n'a point de relief et qui est sans saveur, tandis que la vision chrétienne et paradisiaque de l'univers est la seule qui soit réelle.

 

Nous professons que ce monde n'est pas illusion. Il faut préciser qu'il n'est pas tout à fait réel que par cette intelligence d'où il est sorti et qui le soutient. Le sens de notre destination est impliqué dans nos origines, et ce qu'on cherche dans le futur est déjà arrivé. Si le ciel n'est pas encore arrivé complètement, il est déjà commencé; il faut compter avec lui comme avec une réalité actuelle et présente.

 

Ainsi loin de favoriser une évasion de la terre, le ciel nous y plonge au contraire en lui donnant une valeur d'éternité. La vie même que le chrétien y trouve est une condition est un signe d'authenticité. "Tout ce qui ne donne pas à l'humanité son pain de chaque jour, je n'y crois pas." Ce cri n'est pas de Karl Marx mais du père Lacordaire.

 

Nous ne croyons pas au ciel parce que nous l'aurions vu, mais parce qu'il est cette réalité invisible qui explique tout, notre attente, nos souffrances, nos jouissances, nos espérances. Nous sommes forcés de croire à une chose qui nous fait vivre.

 

 

Ecoutons une fois encore, la voix pathétique et familière de Bernanos:

 

"Compagnons inconnus, vieux frères, nous arriverons ensemble, un jour, aux portes du royaume de Dieu. Troupe fourbue, troupe harassée, blanche de la poussière de nos routes, chers visages dont je n'ai pas su essuyer la sueur, regards qui ont vu le bien et le mal, rempli leur tâche, assumé la vie et la mort, ô regards qui ne se sont jamais rendus! Ainsi vous retrouverai-je, vieux frères.....

 

 

J'appartiens probablement de naissance à ce peuple de l'attente, à la race qui ne désespère jamais, pour laquelle le désespoir est un mot vide de sens, analogue à celui de néant.

 


 

 


 

 

 

R.P. Lelong

O.P.

Rédigé par philippe

Publié dans #spiritualité

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