du chant grégorien.

Publié le 28 Mai 2012

 

 

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Repleti sunt omnes Spiritus Sancto alleluia ! Et cœperunt loqui !" oui, ils ont commencé à parler, mais des "magnalia Dei"

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le chant grégorien a d'abord un pouvoir pacifiant et purificateur de la sensibilité.

 

 

Il favorise le recueillement. La musique, elle-même d'ordre sensible, a des affinités avec tous les états de la sensibilité: ansi existe-t-il des musiques dégradantes, excitantes, superficielles, ou tout au contraire profondes, élevantes, apaisantes. Le chant grégorien est éminemment du nombre de celles-ci; il n'y a pas, pour le constater, à choisir telle ou telle pièce du répertoire, encore que certaines soient nécessairement plus typiques de ce rayonnement de paix, tout le répertoire est à citer, ou mieux à expérimenter, à éprouver.

 

Ceux dont la sensibilité serait accordée avec une musique plus brillante, et qui s'en tiendraient à une appréciation extérieure, seraient même tentés de juger le chant grégorien monotone, tellement il est vrai que tous les sentiments, lorsqu'il se charge de les exprimer, perdent en lui leur caractère passionnel, indépendant, anarchique, pour se présenter calmés, dominés par l'immense paix divine.

 

La cantilène romaine sait aussi bien dire l'amour et la haine, le désir, l'espoir, la confiance et l'audace, ou bien la tristesse, la lassitude et l'effroi. Mais la conformité à la volonté de Dieu, la sécurité du grand amour miséricordieux enveloppent tout, pénètrent tout. A mesure que l'âme vibre plus en sympathie avec le chant officiel de l'Eglise, non seulement elle goûte davantage ce sentiment de paix, mais elle discerne "dans son épaisseur" l'infinie variété des expressions qui échappent à un regard superficiel. 

 

Cette action bienfaisante se fait sentir de deux manières différentes:

 

Le chant grégorien possède d'abord une efficacité actuelle.

 

Chaque fois que l'on participe à un office chanté, pourvu qu'il soit bien chanté et qu'on s'y livre sans raideur, une coupure s'établit entre soi et le monde.

 

Déjà, en entrant dans l'édifice consacré, par l'harmonie des volumes, le jeu de la lumière et des ombres, l'évocation des images, le silence, on se trouvait ainsi séparé du profane, disposé à recevoir le message divin. L'oeuvre de détachement ainsi commencée; le chant grégorien, par son incomparable pureté, la prolonge; il fait entrer l'âme dans un monde de paix divine en l'arrachant à mille soucis qui font obstacle à la liberté des échanges avec son Créateur.

 

Ce qui nous empêche de trouver Dieu, ce n'est pas que Dieu soit absent, c'est que nous sommes hors de nous-mêmes ou Dieu réside: l'atmosphère créée par la prière chantée de l'Eglise a une aptitude merveilleuse pour nous rendre à nous-mêmes et à notre hôte intérieur.

 

Ceux qui, ayant l'obligation du choeur, y sont appelés plusieurs fois par jour pour célébrer les heures, et qui, inévitablement y apportent le poids du ministère ou les préoccupations de l'étude, savent par expérieuce qu'un office chanté a, vis-à-vis de ce que ces soucis ont de trop étroit et de trop accaparant, et donc d'illégitime, un pouvoir libérateur plus grand qu'un office non chanté.

 

Mais si telle est l'efficacité actuelle du chant grégorien, que dire de sa pratique habituelle?

 

C'est à la condition seulement d'en avoir l'habitude que notre sensibilité sera profondément marquée.

 

On ne peut fréquenter des oeuvres aussi spirituelles, aussi dépouillées, sans que notre sensibilité soit invitée elle-même à se purifier, à se dépouiller, à se spiritualiser.

 

A la longue on prendra en horreur ce qui est vulgaire, fade, sentimental ou affecté; seule une âme indocile ou irréductiblement grossière se montrera incapable de comprendre le grégorien et d'en recevoir l'influence; mais l'âme de bonne volonté, même longtemps pécheresse, trouvera en lui un moyen puissant d'éducation ou de rééducation, d'équilibre et d'affinement de la sensibilité et du goût.

 

Si la jeunesse masculine de nos établissements d'enseignement recevait une formation grégorienne vraiment sérieuse, qui lui fasse vivre et respecter la piété liturgique, le nombre des vocations sacerdotales croîtrait peut-être.....

 

 

Enfin, que l'on soit exécutant ou simple auditeur, il est une condition indispensable, non pour assurer au chant son efficacité, mais pour percevoir son message: l'attitude d'âme qu'on lui apporte; attitude contemplative, accueillante, silencieuse ouverte, attentive.

 

Il faut avoir le parti-pris ferme d'écarter la distraction et toutes ces richesses que sont nos soucis, nos préjugés, nos propres pensées.

 

Soyons des pauvres devant l'Eglise, comme ce mendiant à la Porte-Belle du Temple auquel saint Pierre n'avait ni or ni argent à donner mais la grâce de Dieu .


 

L'Eglise prie, l'Eglise chante, l'Esprit-Saint est à l'oeuvre, il n'y a qu'à être souple, docile, et erunt docibiles Dei .

 

Prenons l'habitude, dans l'acte de la prière, de ne pas écouter le chant pour lui-même - nous ne sommes pas des esthètes, - mais de reporter toute notre attention sur le texte, sur son contenu, sur le visage du Seigneur.... à travers le chant: les lunettes sont-elles faites pour être regardées, ou pour que le paysage soit regardé à travers elle ?

 

 

Alors que nous semblerons l'oublier, le chant prendra toute sa valeur, soutiendra notre prière, portera plus loin que notre vision, exaltera nos sentiments - ou Dieu le fera par lui; - nous entrerons en communion avec l'Eglise, avec nos frères qui nous entourent, et lorsque le texte cèdera un instant la place à une de ces longues vocalises apparemment vides, peut-être rejetée en pure perte, s'ouvriront, en nos âmes libérées de la richesse trop étroite des concepts, des sources de joie et d'admiration indicibles.

 


 


 

 

R.P. D. Delalande, o.p.

Rédigé par philippe

Publié dans #spiritualité

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