en union de prières. +

Publié le 31 Août 2011

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20 septembre 1937,

 

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CONGREGATION DE SOLESMES.

 

 

Solesmes, “La vie monastique rend toujours service à

,

 

l’unité de l’Europe”

 

 

Mille ans après sa fondation, l’abbaye bénédictine Saint-Pierre de Solesmes demeure l’un des principaux et des plus prestigieux foyers monastiques de la chrétienté, dont le nom est associé à la restauration, sous l’impulsion de dom Prosper Guéranger, au XIXe siècle, de l’ordre bénédictin en France, ainsi que du chant grégorien. Le père Paul-Alain Rochon, responsable de la communication du millénaire, et le père Thierry Barbeau, maître des novices, nous ont reçus.

 

Forte d’une soixantaine de moines, l’abbaye de Solesmes semble vivre, en ce début de XXIe siècle, une période faste. Son millénaire lui donne un rayonnement mondial, lui attirant même la bienveillance des institutions médiatiques et politiques…

 

Paul-Alain Rochon Disons que nous ne sommes plus persécutés par ces institutions – ce qui n’est déjà pas si mal – et que, en effet, nous suscitons une curiosité bienveillante. Reste à savoir si le matérialisme, le consumérisme et l’individualisme n’atteignent pas de manière radicale la santé de nos sociétés…

 

Thierry Barbeau Il semble, en effet, que les gens ne comprennent plus du tout ce que constitue le monachisme. On nous regarde comme des gens d’un autre temps… mais, je vous l’accorde, avec sympathie !

 

 

Pouvez-vous revenir sur les grandes heures de Solesmes ?

 

TB Il faut distinguer deux grandes périodes distinctes. Celle qui part de ses origines jusqu’à la Révolution française, et celle qui part de sa renaissance, en 1833, grâce à dom Prosper Guéranger, qui est la figure la plus marquante de notre histoire. Le monastère a été fondé au XIe siècle par Geoffroy le Vieil, seigneur de Sablé. Un autre seigneur, revenu de croisade, nous offrit en outre la Sainte Epine, relique de la couronne du Christ, toujours abritée en nos murs. Jusqu’au XIIIe siècle, Solesmes jouit d’une grande prospérité. La guerre de Cent Ans porte un premier grand coup au monastère, qui est pillé deux fois. Il se relèvera au XVIe siècle. Les deux ensembles sculptés visibles dans notre église datent de cette époque.

 

P-AR Le transept sud présente à la fois l’ensevelissement du Christ et les prophéties de la Résurrection. Le transept nord est un beau traité de théologie mariale sculpté dans la pierre. On y trouve quatre scènes superposées : la dormition de la Vierge, son ensevelissement, l’assomption et le triomphe de Marie. L’oeuvre a été commandée par dom Bougler, afin d’affirmer sa piété mariale face aux réformés. Il s’y est fait représenter en moine, tenant un coin du linceul de la Vierge.

 

TB Ensuite, notre plus mauvaise période se situe au moment de la Révolution française, qui disperse brutalement les communautés.

 

Au XIXe et au début du XXe siècle, surviennent des hommes providentiels comme dom Guéranger ou le marquis de Juigné…

 

TB Dom Guéranger s’est porté acquéreur de l’abbaye lorsqu’il a vu que l’on commençait à en faire une carrière de pierres. En s’installant à Solesmes, en 1833, avec quelques compagnons, notre « grand abbé » a rétabli en France le vieil ordre de saint Benoît. Nous devons également beaucoup à Jacques Le Clerc, marquis de Juigné, lors des pics d’anticléricalisme de la IIIe République. Les moines furent à nouveau expulsés de chez eux, le 6 novembre 1880, par six brigades de gendarmerie et deux cent cinquante soldats, puis, en fonction des détentes et crispations du régime, furent autorisés à revenir ou contraints de repartir, en un sinistre vaudeville ! En 1910, le marquis de Juigné a racheté à l’Etat les bâtiments de l’abbaye pour, en toute simplicité, les remettre aux moines qui en ont repris possession en 1922. Paradoxalement, cette politique de persécution a favorisé les vocations : à l’époque, avec cent vingt moines, Solesmes était surpeuplée ! Ces péripéties montrent qu’à côté de la vocation individuelle, il existe aussi une vocation des lieux.

 

Une communauté peut-elle véritablement exister en dehors de ses murs ?

 

TB La tradition monastique attache une importance « charnelle » au lieu. Ce que nous appelons « l’amour du lieu » est fondamental, car le moine fait voeu de stabilité. Tout éloignement est un déchirement. Toutefois, il peut se justifier en cas de force majeure.

 

En quoi votre vie monastique, réformée par dom Guéranger, diffère-t-elle de l’époque antérieure ?

 

TB Elle diffère à peine. Dom Guéranger s’inscrit dans la lignée de saint Benoît, mais avec un charisme personnel qui lui a permis d’aller à l’essentiel – la louange de Dieu et une vie monastique ancrée dans le mystère de l’Eglise – en s’affranchissant de certaines lourdeurs. Nous nous levons à cinq heures du matin et nous couchons vers 21 heures 30. Notre temps est essentiellement partagé entre cinq heures de prière commune ou individuelle et cinq heures de travail manuel et intellectuel. Dom Guéranger a assoupli la règle pour les hommes de son temps, en supprimant le lever de nuit pour l’office et l’abstinence perpétuelle – nous mangeons aussi parfois de la viande.

 

Qu’est-ce qui fait la spécificité de Solesmes ?

 

P-AR Il faut insister sur cette louange de Dieu que nous avons en commun avec les autres monastères. Mais la fidélité au magistère romain et la piété mariale, fondamentales pour toute l’Eglise, le sont tout particulièrement à Solesmes.

 

TB Le monastère a été placé sous le patronage de saint Pierre et il est construit sur un rocher de marbre ! Cette fidélité particulière à Rome nous a amenés très tôt à éditer, par exemple, les textes des papes.

 

P-AR Dom Guéranger a aussi joué un rôle dans la définition des dogmes de la conception immaculée de Marie, en 1854, et de l’infaillibilité pontificale (1870), les deux ayant un lien entre eux, pour affirmer l’indépendance de l’Eglise face aux pouvoirs extérieurs. La fête de l’Immaculée, le 8 décembre, est la fête patronale de la congrégation de Solesmes.

 

 

Solesmes est aussi la capitale mondiale du chant grégorien…

 

P-AR Dom Guéranger s’est effectivement attelé à la restauration du grégorien. D’abord en donnant au chant une allure naturelle – jusqu’alors, celui-ci était habituellement martelé –, mettant ainsi l’intelligibilité du texte au service de la prière. En 1847, dom Guéranger confie aussi à deux moines la charge de restaurer les mélodies authentiques en déchiffrant et comparant l’écriture « en pattes de mouche » des plus anciens manuscrits. Un travail de… bénédictin qui, au bout de quarante ans, a débouché sur la paléographie musicale de Solesmes. Encouragé par Pie X, Solesmes a ensuite publié des ouvrages de référence, comme le Graduel, contenant tous les chants de la messe. Le 15 janvier dernier, notre père abbé a pu offrir à Sa Sainteté Benoît XVI la nouvelle édition de l’Antiphonaire romain, contenant tous les chants de l’office.

 

En 1976, Paul VI fit de saint Benoît le saint patron de l’Europe ; aujourd’hui, Benoît XVI accorde une grande importance au monachisme. Quel fut l’impact de celui-ci en Europe ?

 

P-AR A partir du VIe siècle, le monachisme s’est développé comme forme de vie religieuse dans toute l’Europe. Vers le Xe siècle, la règle de saint Benoît, réputée pour sa sagesse, s’est imposée partout, la caractéristique essentielle des monastères n’étant pas leur nationalité, mais leur appartenance à la chrétienté. Le monachisme a été ainsi facteur de paix. Les réseaux monastiques ont formé une Europe chrétienne, lui donnant une réalité tangible et spirituelle que, du fait du primat de l’économie, elle n’a plus aujourd’hui. La vie monastique et, par extension, l’Eglise, rend toujours service à l’unité de l’Europe. D’abord parce qu’elle est catholique, donc universelle, ensuite, parce qu’elle fait prédominer la raison sur les passions et les intérêts.

 

TB Dans son discours aux Bernardins, à Paris, en 2008, Benoît XVI a très bien montré que c’est la recherche de Dieu, surtout à partir du texte de la Bible, qui a bâti notre culture. Cette quête du divin a servi à forger des instruments rationnels au service de la foi. Les moines ont été les pionniers d’une culture européenne centrée sur le primat de Dieu et de l’intelligence, la distinguant de certaines cultures orientales moins sensibles à la raison.

 

Le monachisme bénédictin fête plus de mille ans d’existence ininterrompue, soit une longévité supérieure à n’importe quel régime ou organisation humaine. Comment l’expliquer ?

 

P-AR Notre vie se juge surtout à notre fidélité personnelle à Dieu. Le plus important demeure l’année liturgique. Notre fondateur, dom Guéranger, avait coutume de dire que mille ans ne font jamais qu’une journée aux yeux de Dieu… Cela dit, la règle bénédictine offre un cadre particulièrement souple. Elle a pu être vécue sous toutes les latitudes, à toutes les époques, et nous vivons la vie religieuse à l’état brut, hors des contingences temporelles…

 

Vient l’inévitable question sur « l’utilité » des moines. Pourquoi, par exemple, alors que l’Eglise connaît une crise des vocations, ne pas réorienter le clergé régulier vers le clergé séculier ?

 

P-AR Ainsi que le dit notre père abbé, « les moines ne servent à rien, mais ils servent Dieu ! » Mgr Le Saux, évêque du Mans, a bien expliqué que « la vocation sacerdotale a besoin d’un centre de vie spirituelle. L’action sans prière est vide ». La vie monastique est au point central de ce qu’est l’Eglise : l’union au Christ, sa louange. « Cherchez le royaume de Dieu, le reste sera surajouté » : le fait même que le monachisme contemplatif vise ce centre profite à l’Eglise et – l’expérience le prouve sur le terrain – encourage des vocations séculières !

 

Certaines communautés monastiques disparaissent aujourd’hui, faute d’effectifs. Ainsi que dom Guéranger avait adapté la règle aux hommes de son temps, ne faudrait-il pas en faire autant pour relancer les vocations ? Un franciscain avait un jour évoqué devant moi la possibilité de « passer des contrats » avec des candidats à la vie monastique sur cinq ans, renouvelables une ou deux fois.

 

P-AR Voilà une question clé méritant que je vous explique pourquoi, en ce qui concerne Solesmes, la réponse est assurément non ! Ma vocation est née en lisant dans un livre : « A Solesmes, on loue Dieu. » Si l’on était venu me chercher ou si l’on m’avait appâté avec des « formules à la carte », je ne me serais peut-être pas engagé dans la vie monastique. Il faut simplement prier et mettre en avant le primat de Dieu. Le propre de l’homme est de pouvoir dominer le temps. Il peut donc faire de la totalité du temps à venir un seul ensemble. Et ceci, contrairement à ce que pensent les modernes, ne diminue pas la liberté mais l’augmente. La liberté, c’est la faculté d’agir en fonction de nos désirs les plus intérieurs. Les voeux nous rendent plus libres. Le grand bonheur de la vie monastique est précisément de prononcer des voeux définitifs. Le doute aliène. Un choix fermement affirmé libère. En revanche, qu’il faille un temps pour s’en assurer est normal : le noviciat [six ans] est fait pour cela.

 

 


 le spectacle du monde

 

 

 

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Mère Claire de Sazilly

 

 

bénédiction abbatiale en la fête de la Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie, le 8 septembre 2011.

Rédigé par philippe

Publié dans #spiritualité

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