homélie de Pâques . dom Jean Pateau - Père abbé de Fontgombault
Publié le 31 Mars 2024
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JOUR DE PÂQUES
Homélie du Très Révérend Père Dom Jean PATEAU
Abbé de Notre-Dame de Fontgombault
(Fontgombault, le 31 mars 2024)
Salve...Dies prima Salut, premier des jours !
(Séquence d’Adam de St Victor)
Chers Frères et Sœurs, Mes très chers Fils,
« Vanité des vanités, tout est vanité !... Ce qui a existé, c’est cela qui existera ; ce qui s’est fait, c’est cela qui se fera ; rien de nouveau sous le soleil » (Qo 1,2 ;9) se lamente Qohéleth. « Fumée de fumées, dit Qohélèt ; fumée de fumées, tout est fumée » traduit de manière imagée André Chouraqui.
L’histoire de l’humanité ne serait que vide, néant, dédale sans fin avec un retour inéluctable à la case départ. De la désobéissance de nos premiers parents Adam et Ève, et du meurtre d’Abel à la dernière victime des conflits fratricides qui ensanglantent sans fin notre terre, tout ne semble que néant. Tout ne semble que haine.
Cette lourde chape s’était abattue aussi sur les disciples du Seigneur il y a trois jours. Le soleil vient de se lever en ce lendemain de sabbat ; un soleil comme le soleil de tous les jours. Sur le chemin qui les mène vers le tombeau où le corps du Seigneur a été déposé, Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé, munies de leurs aromates, n’ont qu’une inquiétude :
«Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? » (Mc 16,3)
Cette pierre qui les sépare du Seigneur est lourde en effet, lourde de tout le mal de l’histoire humaine, lourde tout particulièrement de ce dernier crime, la mort de l’Innocent, la mort de celui qui s’était dit Fils de Dieu, pain de vie et source de salut. Un homme pourrait-il rouler cette pierre ?
Mais voici que la pierre est roulée. À la place du cadavre se trouve un jeune homme vêtu de blanc : « Ne soyez pas effrayées ! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. » (ib. v.6)
Quelques pauvres mots chargés d’un grand mystère : ce que l’homme ne pouvait pas faire, Dieu l’a fait. L’heure de la réconciliation entre Dieu et l’homme a sonné. Ces quelques mots vont résonner de bouche en bouche sur toute la terre jusqu’à aujourd’hui : « Il est ressuscité. » «
Comme ils sont beaux sur les montagnes, les pas du messager, celui qui annonce la paix, qui porte la bonne nouvelle, qui annonce le salut, et vient dire à Sion : « Il règne, ton Dieu ! » (Is 52,7) annonçait le prophète Isaïe. La prophétie est accomplie. Des femmes en sont les ambassadrices.
Après être apparu à Marie-Madeleine et l’avoir appelée par son nom, aux disciples d’Emmaüs, à Pierre, Jésus apparaît enfin aux disciples : « La paix soit avec vous ! » (Jn 20,19)
Fumée de fumées, tout ne serait que fumée ? Non, ce jour n’est pas comme un autre jour. Ce jour est le jour que le Seigneur a fait ; le jour où la paix divine s’épanche sur la terre, un jour unique, un jour sans fin, le jour qu’espérait Qohéleth sans pouvoir l’imaginer.
Nous venons de le chanter en nous adressant au Christ : « Les tristes chaînes de la loi infernale se sont rompues ; le chaos s’épouvante d’être terrassé par votre visage de lumière. » (Hymne Salve festa dies, str. 7) Vivons à la lumière de ce jour sans fin.
Il faut reconnaître pourtant que pour beaucoup d’hommes et de femmes, il en sera de ce jour comme d’hier et comme de demain. Il en allait ainsi pour les contemporains des apôtres en ce matin de Pâques. Il en va ainsi aussi pour nous quand nous manquons de foi.
Au vu de la situation dans le monde, dans l’Église, parfois dans nos familles et dans nos communautés, la tentation demeure grande de faire chorus avec Qohéleth : « Vanité des vanités, tout est vanité ! » (Qo 1,2)
N’avançons pas sur ce chemin. Ne laissons pas la petite musique du murmure, de la désespérance, répandre ses harmonies maléfiques dans notre cœur.
En ce matin de Pâques, le Seigneur nous offre sa paix ; cette paix que les anges avaient annoncée dans la nuit de Noël : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’il aime. » (Lc 2,14) La preuve est donnée de cet immense amour. Il a donné sa vie pour nous.
Cette paix, c’est celle que le Seigneur a promise à ces disciples : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. » (Jn 14,27)
Non, cette paix n’est pas une paix éphémère, une paix de compromis. Cette paix féconde se déploie dans le don d’une nouvelle vie :
Si par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ qui, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts.
(Rm 6,4)
Cette paix, notre devoir est de la partager. « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. » (Mt 5,9)
Aussi, nous allons l’implorer dans une prière universelle particulièrement ornée pour la sainte Église catholique, pour le Saint- Père et ceux qui l’entourent dans sa tâche de gouvernement et d’enseignement, pour les évêques, les prêtres et tous les ministres, pour la conversion des peuples et leur tranquillité, et enfin pour notre propre cité, pour notre pays et ses habitants.
En ce matin de Pâques, le Seigneur nous invite au don de la paix. Quel est celui, membre de ma famille, de ma communauté, de mes amis, de mes collègues, qui a le plus besoin du don de la paix ? La mission nous incombe de faire mentir Qohéleth. Non ! Tout n’est pas vain. Tout ne mène pas au désespoir. Aux ténèbres du Vendredi saint succède la lumière éclatante du Christ glorieux triomphant du tombeau. Et cette lumière veut éclairer aussi ma vie, pourvu que je l’accueille.
Envers qui le Seigneur m’appelle-t-il à devenir ambassadeur de sa paix ? Rien de nouveau sous le soleil ? Non, il n’en sera pas ainsi pour celui qui marche à la lumière du Christ ressuscité.
Il n’en allait pas ainsi pour la Vierge Marie. Les évangélistes demeurent discrets sur sa présence, sur sa place en ces heures. Il est de tradition de croire que le Seigneur a réservé pour sa Mère sa première visite. À celle qui n’avait pas perdu la paix, le Christ ressuscité est venu offrir un surcroît de paix. Aussi Marie mérite- t-elle le titre de Regina Pacis – Reine de la Paix. Cette paix, elle s’en est fait messagère comme à l’Île-Bouchard le 11 décembre 1947 : « Je donnerai du bonheur dans les familles. »
Puissions-nous recevoir ce bonheur qui vient du ciel et l’annoncer aux confins de la terre. Alors ce sera vraiment Pâques pour nous, pour le monde, le passage de la mort à la vie, des ténèbres à l’éternelle lumière.
Le Christ est ressuscité. Il est vraiment ressuscité.
Saintes Pâques, Amen, Alleluia.