Un procès qui a defrayé la chronique. Arrêté en marge d’un rassemblement de la Manif pour tous le 16 juin, Nicolas B. a été condamné en comparution immédiate à 4 mois de prison dont deux fermes, assorti d’un mandat de dépôt.
Lors de son procès en appel le 09 juillet, sa peine a été annulée et remplacée par une amende simple de 3000 euros, après 20 jours d’incarcération à Fleury-Mérogis.
Retour sur sa comparution immédiate du 19 juin, avec le compte-rendu inédit et détaillé de Philippe, qui faisait partie des 23 personnes présentes à l’audience ce jour-là.
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“Je vous écris pour vous proposer un compte-rendu de la comparution immédiate de Nicolas Bernard-Buss du mercredi 19 juin auquel j’ai pu assister, presque par hasard.
“En discutant pendant le délibéré puis après le procès avec les gens présents, j’ai compris que 21 personnes le connaissaient tous plus ou moins, 1 monsieur était un policier en civil, et moi. Comme j’étais le seul à prendre des notes durant la comparution, et surtout que je n’ai strictement rien lu sur comment s’est passé ce premier procès, et pour cause puisqu’il n’y avait aucun journaliste, j’ai fini par écrire ce compte rendu.
Compte-rendu du procès de Nicolas Bernard-Buss (mercredi 19 juin 2013)
Ayant assisté à la comparution immédiate de Nicolas Bernard-Buss le 19 juin, je décide enfin de prendre la parole pour raconter ce que j’y ai entendu et dans quelles circonstances la « justice » a été rendue. Je précise qu’il n’y avait aucun journaliste parmi les 23 personnes présentes. Je ne me suis pas exprimé plus tôt afin de ne pas interférer avec l’appel de ses avocats et le procès en appel du 9 juillet.
Sympathisant de La Manif Pour Tous, je ne connaissais absolument pas Nicolas. Je me suis rendu par curiosité à ce procès, me demandant ce qu’on pouvait reprocher au tribunal à tous ces opposants à la loi Taubira arrêtés en série depuis le 23 mars.
14h50, début du procès et silence pesant dans la salle qui contraste avec l’ambiance de la précédente affaire de trafic de drogue. 2 gendarmes supplémentaires ont été appelés en renfort dans la salle pour surveiller les 23 personnes de l’audience, plus un autre en civil devant la salle.
Je vois Nicolas pour la première fois. Grand costaud de 23 ans, mauvaise mine, air épuisé, cheveux en bataille, sale, il porte encore le sweat LMPT gris avec lequel il a été arrêté trois jours plus tôt. Pas vraiment une tête de hors-la-loi, mais plutôt celle d’un gars qui ressort de 48h de garde à vue et 17h de dépôt et qui visiblement n’a pas dû beaucoup dormir. Il esquisse quelques sourires envers ceux qu’il reconnaît dans l’assistance, les premières têtes connues qu’il aperçoit depuis 3 jours j’imagine.
Nicolas est accusé de rébellion et dégradations volontaires déclare la Présidente. Mais celle-ci demande et constate l’absence de représentant pour la Pizzeria Pino des Champs-Elysées, pas de partie civile pour eux donc, ni même de plainte, rien.
Une avocate représentera ainsi l’unique partie civile, soit les 3 policiers ayant procédé à l’interpellation et l’accusant de violences et rébellion. Aucun des policiers n’est présent.
Prise de parole de la première juge assesseur (la deuxième ne dira pratiquement rien du procès) qui mènera l’essentiel des débats.
Avertissement sur un ton franchement agressif à l’auditoire: le tribunal engagera des poursuites pénales si elle voit un seul téléphone sorti ou appareil d’enregistrement audio (note : lors de la précédente affaire une avocate a carrément répondu à son portable durant l’audience sans aucune remontrance de sa part). Nous sommes prévenus ajoute-t-elle, au moindre téléphone sorti c’est l’arrestation. Elle rappelle également à l’ordre les deux policiers au fond qui ne l’écoutait visiblement pas, leur demandant la plus extrême vigilance nous concernant.
État-civil de Nicolas
Dès les premiers échanges, la tension est maximale entre elle et lui, toujours la même agressivité. A questions péremptoires et méprisantes, réponses impertinentes de Nicolas, régulièrement interrompu par des « Répondez à la question ! » « Ce n’est pas ce que je vous demande ! », « Taisez-vous ! ».
Nicolas n’est donc pas chômeur comme elle l’a sous-entendu mais étudiant à la catho de Paris (il n’a pas été fait mention de son école d’ingénieur en parallèle), ce qu’elle met en doute n’ayant pas eu de réponse de son université le matin même.
Il réside légalement à Angers chez ses parents, elle s’en étonne. Nicolas lui dit loger chez des amis à Paris.
Il est boursier, mais n’a pas fourni le montant précis de sa bourse à l’interrogatoire. Il rappelle à plusieurs reprises qu’il est épuisé et ne se souvient pas de mémoire du montant exact mais qu’il est très facile de le connaître. Elle s’énerve qu’il rappelle sans cesse ses conditions de détention et son épuisement.
Le rapport de force est posé. Elle le méprise, Nicolas le lui rend bien.
« – Vous vous appelez Nicolas Bernard-Busse, sécable ou non sécable le nom de famille ? »
Nicolas amorce une réponse.
« – Répondez, je ne vous demande pas votre avis sur votre famille. »
« – Vous m’avez posé une question, puis-je répondre ou pas ? »
La Présidente intervient pour la première fois. « Soyez plus respectueux Mr Bernard-Buss, c’est dans votre intérêt et répondez. Ici c’est nous qui posons les questions. »
Au bout de quelques échanges : non sécable.
« Ce n’est pourtant pas sous ce nom complet que vous vous êtes présenté au commissariat. » reprend l’assesseur. (Nicolas a dit lors de sa garde-à-vue s’appeler Nicolas Bernard à l’officier de police judiciaire, ce sera son premier délit).
Lecture des actes
Comparution immédiate. Accusé de :
Renseignements d’identité imaginaires fournis le 17/06 ;
Refus de soumission à des relevés signalétiques le 17/06, prise d’empreintes et photographies (il n’est pas fait mention d’ADN) ;
Refus d’obtempérer et résistance avec violences envers deux agents de police, poussés et qui ont renversé deux tables et des chaises à l’étage de la Pizzeria Pino des Champs-Élysées.
(Les dégradations volontaires du début de séance ont déjà disparu.)
« Reconnaissez-vous les faits ? » demande l’assesseur.
Nicolas ne répond pas et expose les conditions illégales préalables à son arrestation.
« Comment aurais-je pu savoir que c’était des policiers et pas des bandits qui me menaçaient dans la rue avec leurs tasers puisqu’ils n’avaient pas de brassard et que je n’avais rien fait ? Je me suis enfui, c’est normal, j’ai eu peur. »
La discussion vire alors au débat politique et sa participation répétée aux manifestations contre la loi Taubira.
Elle n’a que faire de ses conceptions, se moque qu’il n’ait rien fait sur son trottoir avant d’être poursuivi, « je suis là pour juger les gens comme vous ».
Nicolas lui rappelle qu’il y a des lois.
La Présidente intervient : « Changez de ton immédiatement ! ». « Vos opinions politiques n’ont pas leur place ici ». La remarque valait-elle pour lui ou sa collègue ?
Elle reprend en main l’interrogatoire et évite de repartir sur du politique comme son assesseur.
Nicolas ne reconnaît pas les faux renseignements d’identité, ne répondra pas sur les refus de soumission à des relevés signalétiques (il partait à chaque fois dans une réponse plus développée et non directe, interrompu par la Présidente avant qu’il ne réponde enfin à la question), il reconnaît avoir tenté d’échapper à l’arrestation mais nie toute violence.
« Acceptez-vous votre jugement aujourd’hui ?»
« Je ne savais pas que je pouvais le refuser, ce n’est pas ce que les policiers m’ont encore dit tout à l’heure. »
« Ici la loi c’est nous, pas les policiers. Vous acceptez, oui ou non ? »
« Et si je refuse? »
« Ah mais c’est comme vous voulez, et vous resterez en prison. » « Donc vous acceptez oui ou non ? »
« Oui. »
La Présidente rappelle que Nicolas a déjà comparu pour des faits similaires le 28 mai, et qu’il a été condamné à 200 euros d’amende avec sursis à l’issue de 48h de garde-à-vue pour renseignements d’identité imaginaire lors de la garde-à-vue. Il avait déclaré oralement s’appeler Nicolas Buss. Le parquet a fait appel de ce premier jugement.
Procès-verbal de la police
La juge assesseur reprend la parole et « lit » le procès-verbal d’interpellation de la police. Je mets des guillemets à « lit » car elle le commente plus qu’elle ne le lit pas vraiment et ellipse certains passages.
Je résume :
16 juin, manifestation LMPT autorisée sans incidents.
200 personnes restent sur place et entonnent des chants et des slogans avec un drapeau tricolore.
Au métro Porte Maillot les policiers entendent qu’ils vont se rendre au métro Georges V (N.B. : une station des Champs-Elysées).
Ils partent alors au métro Georges V et les retrouvent effectivement dans la rue, en nombre plus réduit.
Ils identifient 2 meneurs dont Nicolas et décident de les arrêter en pointant leurs armes Taser et en les sommant de se rendre.
La plupart s’enfuient, l’autre meneur est interpellé, pas Nicolas qui les sème.
Une autre patrouille en civile arrive et le prend en tenaille, il refuse de s’arrêter malgré les sommations et les pistolets Taser pointés sur lui.
Il reprend sa course et se réfugie dans l’établissement Pizza Pino.
Il entre violemment, bouscule les clients, renverse des tables, des couverts et des verres.
Il se réfugie à l’étage. Là il est arrêté et interpellé.
En garde-à-vue il déclare s’appeler Nicolas Bernard et refuse de se signaliser aux enquêteurs (photos et empreintes digitales).
Enfin il refuse de répondre aux questions et de signer son procès-verbal (note. : ce qui est tout à fait légal et autorisé) et stipule une version différente de celle des policiers sur le PV.
« Reconnaissez-vous les infractions ? »
Les échanges sont alors vifs, Nicolas fait preuve d’une impertinence réelle. La présidente et son assesseur également, surtout son assesseur d’une rare impolitesse.
« Monsieur vous n’êtes pas Jean Moulin » lâchera la Présidente.
Toujours les mêmes réponses de Nicolas, il nie s’être mal identifié, ne répond pas en ce qui concerne les relevés d’empreintes digitales et photographies, reconnaît avoir résisté à l’interpellation, mais conteste toute violence.
« Lecture » du témoignage des 3 policiers sur l’interpellation elle-même, puis du gérant de l’établissement, et enfin d’un client
Les témoignages ne sont une fois de plus pas lus de manière formelle, l’assesseur lit ce qu’elle veut bien, commente, elle parle avec la Présidente par moment, c’est confus et inaudible par moment.
Les témoignages sont concordants sur le fait que Nicolas a refusé de s’immobiliser suite aux poursuites, qu’ils ont fait des sommations, qu’ils ont pointé leurs tasers mais n’en ont pas fait usage, que l’interpellation a bien eu lieu à l’étage de l’établissement, que Nicolas a résisté, qu’ils l’ont étranglé pour l’immobiliser, menotté et entravé, et enfin qu’il était encore extrêmement excité lorsqu’ils l’ont sorti de la pizzeria et mis dans leur véhicule de police banalisé.
En revanche il y a manifestement des contradictions, mais à chaque fois l’assesseur passe alors sur les détails. Je crois comprendre que le nombre de policiers à l’étage varie selon les témoignages, l’un déclare même l’avoir immobilisé seul (étranglement + clef de bras + menottes, tout seul et sur un gars de 23 ans rugbyman amateur qui résiste violemment).
Il y a des variables sur les dégâts commis, l’un dit que c’est Nicolas qui a renversé trois tables volontairement, un autre ne parle que d’une table renversée par les policiers eux-mêmes. C’est confus, mais essentiellement à cause de la lecture très parcellaire qui est faite des récits, et parfois pas suffisamment fort pour que l’audience puisse entendre.
Le gérant n’a pas assisté à l’interpellation mais a constaté les dégâts à l’étage (il ne mentionne aucune dégradation au rez-de-chaussée contrairement au PV des policiers). Des clients n’ont pas voulu payer leur repas. Il parle de « démence » de Nicolas lorsque les policiers l’ont redescendu.
Le client n’a pas assisté à l’interpellation non plus. J’ai seulement compris qu’il parlait d’un Nicolas « très excité et agité » et qui a crié « Hollande démission » à un moment donné.
Version de Nicolas
Les policiers étaient en noir, non identifiables et sans brassards, il n’y a pas eu de sommations, il a fui car il a eu peur quand il a été pris en chasse sur le trottoir avec ses amis. Il n’a pas été violent contrairement aux policiers lors de son interpellation qui l’ont également insulté. Ses blessures ont été attestées par un médecin au dépôt le matin même.
Fait intéressant : Nicolas signale aux juges que les Tasers de la police sont équipés de caméra lorsqu’ils sont branchés. Puisque les policiers reconnaissent eux-mêmes les avoir allumés, alors il existe des films de son interpellation qui peuvent prouver sa version des faits. En guise de réponse la présidente lui rappelle que les policiers ont maintenu leurs accusations lors de la confrontation.
L’avocat de Nicolas demande alors le visionnage d’un film amateur disponible sur internet montrant la sortie de la pizzeria alors que Nicolas est déjà arrêté, menotté et entravé. Sur le film Nicolas n’est ni excité, ni agité, ni dément, contrairement à ce que les 5 témoignages affirmaient..
L’avocat précise que la « confrontation » avec les policiers n’a eu lieu que 30 minutes avant la fin de la garde-à-vue et qu’il n’y a donc pas eu de réelle confrontation puisqu’il n’a pu poser qu’une unique question aux fonctionnaires sur les 15 qu’ils souhaitaient poser. L’avocat souligne également la mauvaise foi des policiers qui ont déclaré que celui-ci avait voulu les piéger en faisant dépasser le temps légal de garde-à-vue avec la confrontation. Ce sont pourtant les policiers qui l’ont repoussée jusqu’à la 23ème heure de garde-à-vue.
Les témoignages des policiers sont confus et discordants entre eux, et même inexacts au moins en ce qui concerne la fin, ils ont refusé toute confrontation, et en plus ne sont même pas présents au procès.
Etude du profil de l’accusé
Casier vierge.
On reparle de sa condamnation le 28 mai à 200 euros d’amende avec sursis pour avoir déclaré s’être appelé Nicolas Buss lors d’une première garde-à-vue de 48h. Aucun délit préalable n’a en revanche été retenu pour justifier cette première garde-à-vue 20 jours plus tôt. Le parquet a fait appel (d’où le casier vierge).
Nicolas soutient qu’il nie déjà les faits reprochés lors de cette première condamnation.
« Taisez-vous Monsieur ! » lui lance la Présidente. Elle lui explique qu’une « mesure de faveur » lui avait déjà été « accordée » la dernière fois avec cette condamnation avec du sursis.
« Comment expliquez-vous en 20 jours votre participation à une autre manifestation ? »
Nicolas dit se sentir agressé par les lois Taubira. Il use donc de sa liberté d’expression sans violence en manifestant.
La présidente lui rétorque « mais attroupements persistants après dispersion des manifestations ».
S’ensuit un nouveau débat politique, entre Nicolas et la présidente directement cette fois. En clair elle lui reproche de participer aux manifestations contre la loi Taubira. Nicolas n’est évidemment pas d’accord et ne partage pas ses opinions politiques.
Nouveaux échanges tendus, nouvelles menaces de la Présidente quant au ton de Nicolas. « Il n’y aura pas d’autres avertissements. »
Partie civile
« Est-ce le procès de la police ? » « La police a procédé à une interpellation et à un interrogatoire. » « L’accusé a refusé de se laisser interpeller avec résistance violente. »
L’avocate demande 500 euros de préjudice pour chaque policier.
« C’est parfait ! » lui répond alors l’assesseur.
L’avocate quitte ensuite la séance lors du réquisitoire du procureur, attendue sur une autre affaire.
Procureur
« Nicolas entretient la confusion. » « Il fait mine de s’étonner d’être poursuivi par la police, de confondre policiers et bandits. » « Il refuse tout, les lois de la République, les sommations, les ordres de se rendre, de donner son identité. » « Il entend tirer sa légitimité d’un autre droit que le droit français. »
Le procureur réclamera 4 mois de prison dont 2 avec sursis et 1500 euros d’amende.
Plaidoirie de l’avocat de Nicolas
Il commence par deux phrases qui m’ont marqué:
« En effet Madame la Présidente, mon client n’est pas Jean Moulin. Et ce tribunal n’est pas une tribune politique. »
Il rappelle quelques faits:
65h de détention, dont 48h de garde-à-vue focalisée sur l’infraction de participation à une manifestation non autorisée, infraction qui n’est pas retenue, et donc finalement personne ne conteste que Nicolas n’a été arrêté … pour rien.
Entre 50 et 100 étudiants sont sur un trottoir avec des sweats aux images subversives (sweat LMPT que Nicolas porte encore) et des drapeaux français, ils sont chargés par les forces de l’ordre, tout le monde court pris de panique, il n’y a eu aucune sommation ni infraction commise. Nicolas se réfugie dans un restaurant et monte à l’étage où il y a moins de monde. Il est immédiatement violemment interpellé et saucissonné. On l’accuse de violence mais les policiers n’ont aucune trace de blessures quand Nicolas a lui bel et bien été blessé (blessures à la jambe gauche et au mollet droit attestées 60 h plus tard au dépôt quand il a enfin eu accès à un médecin).
Aucune plainte de Pizza Pino alors même qu’il a été rapporté plusieurs fois qu’il aurait soi-disant tout cassé dans l’établissement.
On attend 23h de garde-à-vue pour faire une prolongation de 24h sans aucune confrontation possible (1 question sur 15).
On requiert 4 mois de prison pour avoir été poursuivi sur un trottoir sans avoir commis la moindre infraction. Or le délit de rébellion doit être la suite d’une infraction, inexistante ici.
L’avocat rappelle les contradictions dans les témoignages des policiers, aucune plainte de Pizza Pino, aucune dégradation dûment constatée, aucune photo, aucune facture, aucun client n’a déclaré avoir été bousculé, aucune blessure sur les policiers, rien. Et une vidéo de la fin d’arrestation contredisant les témoignages.
Le premier PV des policiers en GAV parlait d’ « organisation d’une manifestation non autorisée », le deuxième d’une simple « participation », et finalement plus rien ne lui est reproché préalablement à son arrestation alors que la garde-à-vue avait été justifiée par les policiers sur ces faits.
Enfin l’avocat rappelle ses conditions de détentions, 24h dans une cellule de 3m² à 6, puis nouvelles 24h à 3 cette fois. Aucune possibilité de sortir, ils doivent uriner dans leur cellule à même le sol, un autre prisonnier malade vomit et fait ses besoins dans la cellule. Nicolas a dû attendre 60h pour enfin voir un médecin au dépôt pour ses blessures assénées lors de son arrestation.
Délibéré
Le délibéré a duré environ 15 minutes.
Surpris par le réquisitoire à de la prison ferme alors qu’on a tous compris qu’il n’y a pas de preuves sur la rébellion ni blessures, que les témoignages sont très discordants et qu’aucun délit préalable à son arrestation n’a été retenu, son avocate me confie que c’est surtout « pour faire peur ». 20 jours plus tôt le procureur avait même requis 8 mois de prison dont 4 fermes parce que Nicolas avait dit s’appeler Buss et non Bernard-Buss pendant sa garde-à-vue…
Et même si la présidente du tribunal et l’une de ses assesseurs n’ont pas caché leurs opinions politiques et leur hostilité aux défenseurs du mariage civil, personne n’imagine dans l’assistance un seul instant que Nicolas va être condamné, c’est « trop gros ».
Verdict
Le verdict est prononcé par l’assesseur, avec son arrogance et sa verve qui ne l’auront pas quittée, tout sourire :
Nicolas est reconnu coupable des 3 chefs d’accusation contre lui déclare l’assesseur.
4 mois de prison dont 2 ferme avec mandat de dépôt pour rébellion. 2 mois avec sursis avec 5 ans de probation.
1000 euros d’amende pour refus de soumission aux relevés signalétiques.
200 euros de dommages pour chacun des 3 policiers, plus 150 euros de frais de procédure pour chacun des 3 policiers.
Saisie des scellées ( ? il n’a pas été précisé de quoi il ‘agissait).
Bouquet final : La juge assesseur justifie la condamnation à cause de la récidive de Nicolas, il avait déjà été condamné 20 jours plus tôt à 200 euros d’amende avec sursis pour fourniture d’identité imaginaire, sursis qui tombe lui aussi donc.
La présidente intervient : « Euh… non, je crois que le parquet a fait appel ».
Je me demande bien de quoi elles ont pu parler pendant un quart d’heure de délibéré pour ne même pas avoir su que Nicolas n’était légalement pas récidiviste…
La séance est levée, comme tout le monde je suis assez abasourdi par ce verdict. Nicolas se fendra avant de sortir de la salle d’un « merci à vous d’être venus » et d’un « Et n’oubliez pas, on ne lâche rien ! ». Une jeune fille lui lance « Courage Nicolas ! », une autre « Bravo ! », « on est avec toi Nicolas ! ».
Je ne sais que penser de cette forme de justice. Le « Ici la loi c’est nous » de la présidente au début du procès prend tout son sens.
Certains parlent de procès politique. C’est vrai qu’il a plus été question des opinions politiques de Nicolas et de ses juges que de recherche de la vérité sur les faits. A vrai dire il n’y a eu strictement aucun interrogatoire sur les faits, aucune question hormis « Reconnaissez-vous les faits ? ». Pas de confrontation avec ses accusateurs, de toute façon absents. Le sujet des débats c’était sa participation récidiviste à des manifestations contre les lois Taubira, rien d’autre. On ne lui a même pas reproché d’infractions préalables à son arrestation. Nicolas s’est-il réellement rebellé ? Sincèrement je n’en sais rien. Et tout le monde s’en fichait dans le tribunal, cela paraissait très accessoire.
Cicéron et Saint Thomas d’Aquin liaient justice et vertu de la vérité. André Laignel en 1981 déclarait lui à l’Assemblée Nationale au cours d’un débat sur l’inconstitutionnalité des nationalisations soulevé par un député de l’opposition : « Il a juridiquement tort car il est politiquement minoritaire. »
Alors, procès politique ? Déni de justice ? Je réponds en citant Jean-Pierre Michel, ancien premier secrétaire général du Syndicat de la Magistrature et rapporteur des lois Taubira au sénat, en commission des lois il y a quelques semaines : « Ce qui est juste est ce que dit la loi, et la loi ne se réfère pas à un ordre naturel, elle se réfère à un rapport de force à un moment donné. » « Le fondement du juste c’est le rapport de force.»
Tout est dit, et tant pis pour Cicéron ».
Philippe.
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