Publié le 6 Mars 2010
Sancta Maria, ora pro nobis.
Aux jours lointains du moyen âge
Vivait dans un pauvre village
Un pauvre orphelin sans esprit. -
Déshérité de la nature,
Il s'en allait à l'aventure,
Humble brebis de Jésus-Christ.
Sa faible langue embarrassée
Bégayait comme sa pensée,
Lorsqu'un jour Dieu la délia,
Et l'orphelin qu'on vit sourire
Dès ce jour put dire et redire
Ces deux mots: Ave Maria!
Ces mots, les seuls qu'il sût sans doute,
II les répétait sur sa route
Lorsque tout seul il cheminait;
Mendiait-il dans le village,
II n'avait point d'autre langage
Pour bénir la main qui donnait.
Le soir, quand il gagnait sa couche,
Ces mots s'échappaient de sa bouche,
Ils s'en échappaient le matin.
Rude saison, saison fleurie,
Toujours l'orphelin à Marie
Bégayait le salut divin.
Quoi qu'il rencontrât sur sa voie.
Son doux regard peignait la joie :
C'était un sourire éternel.
On le voyait, nommant Marie,
Sourire aux fleurs de la prairie,
Sourire aux nuages du ciel.
Plaisir, douleur, même sourire.
Au nom divin qu'il savait dire,
Le temps le plus dur s'égayait ;
Aux jours froids que l'hiver abrége,
Grelottant pieds nus dans la neige,
Comme au printemps il souriait.
Il mourut... on le vit sourire,
Essayant encor de redire
Le nom si souvent prononcé.
Et l'on couvrit d'un peu de terre
Cet enfant sans père ni mère
Qu'on prenait pour un insensé.
Mais Dieu juge autrement que l'homme
Qui mesure tout ce qu'il nomme
A son œil superficiel.
Pauvre innocent dans la détresse !
Son indigence était richesse
Pesée aux balances du ciel.
De cette vie au court passage,
De cette humble mort, au village
Bientôt il ne fut plus parlé.
Dieu voulait les mettre en lumière.
Un matin, dans le cimetière,
Le mot du ciel fut révélé.
Une. femme allant à l'église
D'un doux prodige fut surprise.
Vers l'endroit où l'enfant gisait,
Sol aride, et tout nu la veille,
Un lis de blancheur non pareille
Sous le ciel d'hiver fleurissait.
Par ce beau spectacle attachée,
Elle avança tête penchée,
Puis en extase se signa.
Fleur qui du ciel fait le délice !
En lettres d'or, dans son calice
On lisait : Ave Maria !
S'arrachant au divin spectacle,
Elle alla conter le miracle,
Et tout le village accourut.
Point de doute : c'était la place
Où l'indigent, riche de grâce, .
Fut déposé quand il mourut.
Chacun, dans la joie et la crainte,
Salua cette terre sainte.
On y bénit soir et matin
La miséricorde éternelle...
Et l'on bâtit une chapelle
Sur la tombe de l'orphelin. .
Léon Le Pas
légendes.