"O saintes âmes de la prière et de la pénitence, est-ce donc que vous n'êtes pas assez nombreuses, que les ennemis le sont tant? O petite troupe d'élite, soldats des grandes luttes, oui, il faut agrandir vos rangs! "
Les premiers contemplatifs parmi nous, ceux qui, ordre chronologique et par puissance d'influence, ont mérité au-dessus de tous le nom de "Moines d'Occident", ne sont-ce pas les Bénédictins?
Depuis treize siècles, conservant en sa pureté l'esprit monastique, les fils du grand patriarche du Mont-Cassin ont tant travaillé pour l'honneur de Dieu, et tant fait abonder de bénédictions, de sainteté et de gloire dans la sainte Eglise!
Saint Benoît s'est distingué par son zèle pour la célébration des offices divins et par son attachement à l'Eglise romaine. Ses fils, héritiers de son esprit, ont été grands par ce double caractère de fidèles gardiens des vérités traditionnelles dans les observances liturgiques et dans la défense de l'Eglise. Et n'est-ce pas à ce passé glorieux, que le Souverain Pontife rattachait lors de son relèvement, la Congrégation de France, en lui disant que sa mission était de relever, de la ruine où elles s'écroulent, les saintes traditions du droit pontifical et de la sainte liturgie?
Hommes de l'Eglise, hommes de Dieu: voilà bien les Bénédictins dans leur rôle traditionnel. Hommes de l'Eglise, conservateurs de ses idées, de son autorité, de son influence. Hommes de Dieu, conservateurs de son culte, de son nom, de sa gloire. Un monastère bénédictin est un foyer, où brulent et d'où se répandent l'amour de l'Eglise et l'amour de Dieu.
L'amour de l'Eglise.
C'est un privilège antique que celui de l'exemption, qui soustrait les religieux à la juridiction ordinaire de l'Evêque, pour les soumettre à l'autorité immédiate et spéciale du Souverain Pontife.
Pourquoi cette faveur particulière? Pourquoi cette situation exceptionnelle? Par cette grande raison que, protégé par la Règle, l'esprit de l'Eglise, dans les monastères, vit en une pureté plus intense. Les saintes traditions, les idées vraies, les initiatives fécondes, ont là des foyers d'une incomparable vitalité. Par la multiplication des monastères qui relèvent de lui et qui lui sont dévoués, le Souverain Pontife est présent sur tous les points de la chrétienté: ses idées sont là, son influence est là. Et sont là; et là, elles se conservent comme dans une forteresse sûre. Elles sont là; et de là, elles rayonnent comme d'un foyer puissant.
Là elles se conservent. Un monastère est un centre de doctrine. Homme de contemplation, le moine vit dans la familiarité de la vérité divine. Il la cherche et il la rencontre dans ses oraisons et dans ses études. Plus que tout autre peut-être, le moine bénédictin vit dans le commerce assidu de la vérité; elle est son attraction supérieure, son aliment préféré. Aussi, les cloîtres bénédictins ont-ils eu à travers les siècles cette gloire d'être les réservoirs sacrés de la doctrine.
Elle s'est conservée là, et de là elle s'est déversée. On sait quels rayons ont jetés sur le monde ces génies bénédictins qui s'appellent saint Grégoire le Grand, saint Pierre Damien, saint Anselme. On sait quelle influence et quelle renommée ont eu jadis les écoles monastiques.On sait de quel éclat ont brillé les moines qui ont fait du nom de bénédictin le synonyme de travailleur infatigable et de savant indiscutable.
Est-ce donc que l'occupation d'écrivain fait partie intégrante de la vocation bénédictine? Non point. Une chose fait partie essentielle de cette vocation, elle en est un des traits caractéristiques: c'est l'amour passionné de la vérité, c'est l'amour de l'Eglise, de sa vie, de sa doctrine, de son autorité, de ses droits. Et quand il est nécessaire d'affirmer le droit, de venger la doctrine, de faire comprendre et aimer l'Eglise et ses institutions, de propager l'influence et l'autorité du Saint-Siège, le Bénédictin sait écrire et il sait parler.
(On peut d'ailleurs lire les sermons de notre père Abbé. )
Et il écrit suivant que son Supérieur le lui dit; car il appartient au Supérieur de déterminer le travail du moine. Les grands écrits des Bénédictins ne sont donc qu'un des témoignages extérieurss de leur amour intérieur pour l'Eglise et la vérité.
Sans vouloir ni pouvoir résumer, en un aperçu succinct, même les plus saillants des travaux par lesquels les différentes Congrégations Bénédictines honorent et défendent l'Eglise à l'heure présente, il nous est possible cependant de signaler ce qu'ont écrit, sur la liturgie, le chant, la discipline, l'histoire, l'art, etc... ce qu'ont fait comme oeuvres apostoliques: en France les disciples de D. Guéranger; en Allemagne, en Belgique et au Brésil, ceux des PP Wolter, Maur et Placide; en Angleterre, les moines anglais; en Espagne, ceux de Montserrat et de silos; d'autres encore, en Italie.
Ces travaux ne montrent-ils pas que les réservoirs sacrés ont la même plénitude que jadis?
La tradition monastique est vivante au milieu de nous. surtout à Fontgombault !
Ils sont les contemplatifs de la vérité; et quand il en est besoin, ils la disent au monde.
Ainsi, le Bénédictin est l'homme de l'Eglise et le conservateur de ses idées; mais il est bien plus encore l'homme de Dieu et le conservateur de son culte.
"Le but de cet Ordre, dit M. Olier, est surtout d'exprimer la religion de Notre-Seigneur Jésus Christ envers son Père et le culte auguste, qu'il lui a rendu sur la terre et qu'il lui rend dans le ciel.
De là vient que cet Ordre est pompeux et magnifique en ses belles cérémonies, bien plus solennelles, bien plus imposantes qu'en nul autre institut religieux; qu'il y étale de splendides ornements, comme autant d'images de la gloire céleste, et qu'il les accompagne de splendeurs et de lumières, qui portent la pensée jusqu'aux grands spectacles décrits au livre de l'Apocalypse. Ses temples sont superbes; leur voûtes élevées, immenses, annoncent la majesté de Dieu; les chants nobles et mélodieux, dont il les fait retentir, rappellent l'harmonie des concerts évangéliques; ses cloches d'airain sonore font l'effet de la grande voix de Dieu. On chercherait inutilement cette pompe et cette solennité dans les offices liturgiques des autres institus, parce que leur vocation n'est pas la même. "
"Le moine, dit Mgr. Pie, est avant tout l'homme de la prière, et de cette prière publique et officielle, qui est la prière liturgique.
Quand il s'agit de recevoir un frère, la première règle tracée par saint Benoît, c'est de s'assurer s'il cherche vraiment Dieu et s'il est empressé à l'oeuvre de Dieu. Or l'oeuvre de Dieu, c'est le service divin, c'est le chant des louanges du Seigneur, c'est l'acquittement du tribut de la nuit et du jour devant l'autel où s'accomplissent les saints mystères."
La sainte Liturgie, voilà vraiment le coeur de la vie bénédictine. C'est là que le religieux puise surtout la connaissance et l'amour de son Dieu, là qu'il trouve les ascensions de son âme vers l'infini, là qu'il se dilate, non plus en parlant, mais en chantant la vérité et l'amour divins.