"Travaillez tous les jours à acquérir l’humilité. Lorsqu’on oublie d’arroser les arbres que l’on vient de planter, ces arbres meurent. Si vous oubliez de pratiquer tous les jours l’humilité, l’arbre de votre âme se dessèchera…"
soeur marie de Jésus crucifié .
"Vous prétendez gravir une montagne, mais le bon Dieu veut vous faire descendre au fond d'une vallée où vous apprendrez le mépris de vous-même. "
ste Thérèse.
(PB 724)
"Mon ami, monte plus haut. "
Mais, plus que tout le reste, la garde de l'humilité doit attirer l'attention de quiconque prétend obtenir une place éminente au banquet de Dieu. L'ambition de la gloire à venir est le propre des saints ; mais ils savent que, pour l'acquérir, ils doivent descendre d'autant plus bas dans leur néant durant la vie présente, qu'ils veulent monter plus haut dans le siècle futur. En attendant le grand jour où chacun recevra selon ses œuvres , nous ne pouvons rien perdre à nous mettre au-dessous de tous ; le rang qui nous est réservé dans le royaume des cieux ne dépend pas plus, en effet, de notre appréciation que de celle d'autrui, mais seulement de la volonté du Seigneur qui exalte les humbles et renverse les puissants de leurs trônes.
Plus vous êtes grand, plus vous devez vous abaisser en toutes choses, et vous trouverez ainsi grâce devant Dieu, dit l'Ecclésiastique ; car il n'y a que Dieu qui soit grand .
réputons nôtre en tout la dernière place.
Dans les rapports sociaux, l'humilité n'est point réelle si l'on ne joint l'estime des autres au peu de cas fait de soi-même, prévenant chacun d'honneur, cédant volontiers à tous en ce qui n'intéresse pas la conscience, et cela par le sentiment profond de notre misère, de notre infériorité, devant celui qui scrute les reins et les cœurs.
L'humilité envers Dieu lui-même n'a pas de plus sûre pierre de touche que cette charité effective envers le prochain, qui nous porte à le faire passer avant nous, sans affectation, dans les diverses circonstances de la vie de chaque jour.
dom Guéranger
'"Mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de coeur"
Mt 11,29
L'Ecriture divine, frères, nous cria cette parole:
"Quiconque s'élève sera humilié et qui s'humilie sera exalté." En nous disant cela, elle nous montre que toute exaltation de soi-même est un genre d'orgueil et c'est ce que le prophète déclarait éviter quand il disait:" Seigneur, mon coeur ne s'est pas exalté et je n'ai pas eu de regards prétentieux; je n'ai pas marché dans un chemin de grandeurs et de merveilles qui me dépassent."
Mais pourquoi? C'est que 'si je n'avais pas d'humbles sentiments, si j'exaltais mon âme, tu la traiterais comme un nourrisson qu'on sèvre de sa mère."
règle de st Benoît.
"Il s'agit donc de ne pas perdre Dieu, et on le perd par l'exaltation; il s'agit de demeurer attacher à lui, comme l'enfant au sein de sa mère, de vivre de lui, de grandir en lui; et c'est l'oeuvre de l'humilité.
Réellement, voulez-vous de Dieu?
Voulez-vous monter vers lui d'une façon rapide et sure et parvenir à la glorieuse exaltation du ciel? Alors, il vous faut renoncer à la fausse exaltation de la vie présentir et consentir à l'humilité.
dom Delatte commentaire de la règle.
"Les humbles possèderont la terre,
réjouis d'une grande paix." ps. 36
L'humilité de coeur est une certaine lumière vivifiante et claire par laquelle, l'intelligence de l'âme est ouverte pour connaître sa vilenie et l'immensité de la divine Bonté"
ste Angèle de Foligno.
En premier lieu, aimer le Seigneur Dieu de tout son cœur,
de toute son âme, de toute sa force.
Ensuite le prochain comme soi-même.
Honorer tous les hommes.
Ne pas faire à autrui ce qu’on ne veut pas qu’on nous fasse.
Se renoncer soi-même pour suivre le Christ.
Aimer le jeûne.
Vêtir celui qui est nu.
Consoler les affligés.
Ne rien préférer à l’amour du Christ.
Ne pas satisfaire sa colère.
Ne pas se départir de la charité.
Dire la vérité de cœur comme de bouche.
Mettre en Dieu son espérance.
Désirer la vie éternelle de toute l’ardeur de son âme.
Entendre volontiers les lectures saintes.
S’adonner fréquemment à la prière.
Accomplir chaque jour par ses œuvres les préceptes de Dieu.
Aimer la chasteté.
Fuir l’arrogance.
Après un désaccord, faire la paix avant le coucher du soleil.
Ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu.
Règle de saint Benoît, chapitre 4
L'acte propre de l'humilité consiste à s'incliner vers la terre, qui se dit humus en latin, d'où le nom de cette vertu.
Pour parler sans métaphore, son acte propre consiste à s'abaisser devant Dieu et devant ce qui est de Dieu en toute créature. Or, nous abaisser devant le Très-Haut, c'est reconnaître, non pas seulement de façon spéculative, mais pratiquement, notre infériorité, notre petitesse, notre indigence, qui est manifeste en nous, fussions-nous innocents, et de plus, après le péché, c'est reconnaître notre misère.
Ainsi l'humilité s'unit à l'obéissance et à la religion, mais elle en diffère : l'obéissance regarde l'autorité de Dieu et ses préceptes; la religion regarde son excellence et le culte qui lui est dû; l'humilité, en nous inclinant vers la terre, reconnaît notre petitesse, notre pauvreté, glorifie à sa manière la grandeur de Dieu. Elle chante sa gloire comme lorsque l'archange saint Michel dit : « Quis ut Deus? Qui est comme Dieu? » L'âme intérieure éprouve une sainte joie à s'anéantir en quelque sorte devant Dieu pour reconnaître pratiquement que lui seul est grand et que, en comparaison de la sienne, toutes les grandeurs humaines sont vides de vérité, comme un mensonge.
L'humilité ainsi conçue est fondée sur la vérité, surtout sur cette vérité : il y a une distance infinie entre le Créateur et la créature. Plus cette distance apparaît de façon vive et concrète, plus on est humble. Si haut que soit la créature, cet abîme est toujours infini, et plus on monte vraiment, plus il s'impose à nous avec évidence. En ce sens, le plus élevé est le plus humble, parce qu'il est le plus éclairé : la Vierge Marie est plus humble que tous les saints, et Notre-Seigneur est encore beaucoup plus humble que sa sainte Mère.
On voit l'affinité de l'humilité avec les vertus théologales en assignant son double fondement dogmatique, qui fut ignoré des philosophes païens. Il y a à sa racine deux dogmes.
Elle se fonde premièrement sur le mystère de la création ex nihilo, que les philosophes de l'antiquité ne connurent pas, du moins explicitement, mais que la raison, par ses forces naturelles, peut connaître : nous avons été créés de rien, c'est le fondement de l'humilité, selon la lumière de la droite raison .
L'humilité se fonde aussi sur le mystère de la grâce et de la nécessité de la grâce actuelle pour poser le moindre acte salutaire. Ce mystère dépasse les forces naturelles de la raison, il est connu par la foi, et il s'exprime en ces paroles du Sauveur : « Sans moi vous ne pouvez rien faire » dans l'ordre du salut (Jean, xv, 5).
De là dérivent quatre conséquences à l'égard de Dieu créateur, de sa Providence et de sa bonté, qui est source de la grâce et qui remet le péché.
Tout d'abord, par rapport à Dieu créateur, nous devons reconnaître non seulement de façon spéculative, mais pratiquement et concrètement, que par nous-mêmes nous ne sommes rien : « Ma substance est comme un néant devant toi, Seigneur » (Ps. xxxviu, 6). « Qu'avonsnous que nous ne l'ayons reçu? » (I Cor., iv, 7)
Nous avons été créés de rien par un flat souverainement libre de Dieu, par son amour de bienveillance, qui nous conserve dans l'existence, sans quoi nous serions aussitôt annihilés.
De plus, après la création, s'il y a plusieurs êtres, il n'y a pas plus de réalité, plus de perfection, plus de sagesse, ni plus d'amour ; car, avant la création existait déjà l'infinie plénitude de la perfection divine; et donc en comparaison de Dieu nous ne sommes pas.
Si même de nos actes libres les meilleurs on enlevait tout ce qui vient de Dieu, en rigueur de termes il ne resterait rien, car il n'y a pas une partie de cet acte qui vient de nous et l'autre de Dieu, mais l'acte tout entier est de Dieu comme de sa cause première, et il est tout entier de nous comme de la causé seconde. Ainsi le fruit d'un arbre est tout entier de Dieu comme de la cause première et tout entier de l'arbre comme de la cause seconde.
Cela doit être reconnu même pratiquement : Sans Dieu créateur et conservateur de toutes choses, nous ne sommes rien.
De même sans Dieu ordonnateur suprême, sans sa Providence qui dirige toutes choses, notre vie manque totalement de direction.
Nous devons donc recevoir humblement de lui la direction générale des préceptes pour arriver à la vie éternelle, et la direction particulière que le Très-Haut a choisie de toute éternité pour chacun de nous. Cette direction particulière nous est manifestée par nos supérieurs, qui sont des intermédiaires entre Dieu et nous, par les conseils auxquels nous devons avoir recours, par les événements, par les inspirations du Saint-Esprit. Ainsi nous devons humblement accepter la place, peut-être fort modeste , que le bon Dieu a voulue pour chacun de nous de toute éternité. C'est ainsi que dans la vie religieuse, selon la volonté divine, certains doivent être comme les branelles de l'arbre, d'autres comme des fleurs, d'autres comme des racines cachées sous la terre. Mais elle est très utile, la racine, elle puise dans le sol les sucs qui constituent la sève nécessaire à l'alimentation de l'arbre.
Si même on coupait toutes ses racines , l'arbre mourrait; tandis qu'il ne mourrait pas si l'on coupait toutes ses branches et toutes ses fleurs. Dans un chrétien, dans un religieux. l'humilité qui le porte à accepter très volontiers une place cachée est très fructueuse, non seulement pour lui-même, mais pour les autres. Le Sauveur, dans sa vie douloureuse, a voulu très humblement la dernière place, celle où on lui a préféré Barrabas, l'opprobre de la Croix, et c'est ainsi que dans l'édifice du royaume de Dieu il est devenu la pierre angulaire : « La pierre qu'ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue le sommet de l'angle. C'est le Seigneur qui a fait cela, et c'est un prodige à nos yeux» (Matth., xxx, 42). Saint Paul écrit aux Éphésiens, xi, 20 : « Vous n'êtes plus des étrangers... mais vous êtes des concitoyens des saints, des membres de la famille de Dieu, édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, dont Jésus-Christ lui-même est la pierre angulaire. »
Telle est la très solide humilité, merveilleusement féconde qui, jusque dans les endroits les plus cachés, chante la gloire de Dieu. Il faut donc recevoir humblement de Dieu la direction spéciale qu'il a choisie pour nous, même si elle devait nous conduire à une profonde immolation : « C'est Dieu qui mortifie et qui vivifie; il conduit à toute extrémité et il en ramène; il abaisse et il élève comme il l'entend » (I Rois, îî, 6). C'est un des plus beaux leitmotivs des livres saints.
rp Garrrigou lagrange
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« Il me semble que l’âme la plus libre, c’est la plus oublieuse d’elle-même. Si l’on me demandait le secret du bonheur, je dirai que c’est de ne plus tenir compte de soi, de se nier tout le temps. Voilà une bonne façon de faire mourir l’orgueil. On le prend par la famine. Vois-tu l’orgeuil c’est l’amour de nous-mêmes. Eh bien ! il faut que l’amour de Dieu soit si fort qu’il éteigne tout amour en nous.
Saint Augustin dit que nous avons en nous deux cités : la cité de Dieu et la cité du moi. Dans la mesure où la première grandira, la deuxième sera détruite. Une âme qui vivrait dans la foi sous le regard de Dieu, qui aurait cet « oeil simple » [Mtt 6, 22] dont parle le Christ en l’Evangile, c’est-à-dire cette pureté d’intention qui ne vise qu’à Dieu, cette âme-là, il me semble, vivrait aussi dans l’humilité. Elle saurait reconnaître ses dons à son égard, car l’humilité c’est la vérité, mais elle ne s’approprie rien, elle rapporte tout à Dieu, comme faisait la Sainte Vierge.
Tous les mouvement d’orgeuil que tu sens en toi ne deviennent des fautes que lorsque la volonté s’en fait complice. Sans cela, tu peux beaucoup en souffrir mais tu n’offenses pas le bon Dieu. Ces fautes qui t’échappent, comme tu me le dis, sans même que tu y réfléchisses, dénotent sans doute un fond d’amour propre. Mais cela, ma pauvre chérie, fait en quelque sorte partie de nous. Ce que le bon Dieu te demande, c’est de ne jamais t’arrêter volontairement à une pensée d’orgueil quelconque et de ne jamais faire un acte inspiré par ce même orgueil, car ce ne serait pas bien. Et encore, si tu constates une de ces choses, il ne faut pas te décourager, car c’est encore l’orgueil qui s’invite, mais tu dois étaler ta misère comme Madeleine aux pieds du Maître et lui demander qu’Il te délivre. Il aime tant voir une âme reconnaître son impuissance ! Alors, comme disait une grande sainte (Angèle de Foligno) « l’abîme de l’immensité de Dieu se trouve en tête à tête avec l’abîme du néant de la créture, et Dieu étreint ce néant* ». »
*Sainte Faustine racontait aussi qu’un grand abîme sépare le Créateur et la créature et que c’est seule la miséricorde de Dieu qui fait que la créature accède au Créateur, peut s’en approcher… C’est Jésus qui lui expliquait cette chose là. Nous sommes « amis » de Dieu par sa seule miséricorde, c’est elle qui comble l’abîme qui nous sépare et permet la rencontre… jusqu’à l’union.
D’ailleurs, Jésus dit à ses disciples « je ne vous appellerai plus serviteurs mais amis » mais ils leur précise bien ceci « ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis et qui vous ai établis ».
Quand « le Verbe s’est fait chair » pour venir à la rencontre des hommes dans le monde, ce n’était pas parce que les hommes avaient du mérite, au contraire, c’était parce qu’ils courraient à leur perte à force de péché et Dieu, dans sa miséricorde, a envoyé son Fils dans le monde, « lumière pour éclairer les nations et conduire nos pas aux chemins de la paix ».
C’est donc la seule miséricorde de Dieu qui a permit à ce moment-là la rencontre de l’homme avec Dieu et c’est encore le cas jusqu’à aujourd’hui, et c’était le cas dès le début. Je veux donner comme exemple de ce que ça a toujours été le cas, l’exemple de Moïse qui supplie le Seignuer parce qu’il veut voir sa face. Dieu lui permet alors de voir sa gloire mais pas sa face car, dit-il, « l’homme ne peut me voir et vivre » (Ex. 33, 20). Et ce jour là, il dit bien ceci à Moïse : « je fais grâce à qui je fais grâce, et miséricorde à qui je fais miséricorde ». C’est donc de sa seule libéralité qu’il accorde à qui il veut ce qu’il veut, sans qu’il n’y ait aucun mérite de la part des hommes.
Et quand Dieu nous comble par l’Incarnation de son Verbe, c’est uniquement à cause de notre misère d’une part et de sa miséricorde d’autre part. Le voilà le grand abîme qui nous sépare de Dieu ; la miséricorde seule comble ce vide infini qui existe entre le Créateur et sa créature…
Ecrits spirituels d’Elisabeth de la Trinité,
R.P. Philipon O.P.