Publié le 26 Juillet 2009
" Yvon Nikolazig, ne zoujet ket : me zo Anna, Mamm Mari ;
laret d'ho person éh és bet gwéharall,
én tamm douar anùet er Bossenneu,
kent ma oé amañ kér érbed, ur chapél,
er getañ e zo bet gloestret dein é bro er Vretoned.
Boud zo hiniù naù hant peùar blé àrn-ugent ha hwéh miz
men dé bet diskaret.
Me garehé ma vehé saùet a-neùé d'er prontañ, ha ma um soursiet hwi mem a gement-sé.
Doué e fal dehoñ ma vein inouret énni."
"Yvon Nicolazic, ne craignez pas : je suis Anne, Mère de Marie ;
dites à votre recteur qu'il y a eu autrefois,
dans la pièce de terre appelée le Bocenno,
avant même qu'il y ait eu aucun village,
une chapelle,
la première qui me fût dédiée dans le pays des Bretons.
Il y a aujourd'hui neuf cent vingt-quatre ans et six mois
qu'elle est ruinée.
Je désire qu'elle soit rebâtie au plus tôt,
et que vous preniez soin vous-même de cela.
Dieu veut que je sois honorée ici."
Il ne s'agit pas d'un personnage de légende ou de fantaisie. Yves Nicolazic a bien existé. Il est né en 1591 à Pluneret, petit village, situé près de Vannes et habitait au village de Ker-Anna ou Keranna (Sainte Anne). C'était un paysan aisé qui possédait deux belles terres à domaine congéable. L'une des terres, nommée Bocenno, rapportait davantage que les autres. Mais particularité singulière, on ne pouvait y travailler qu'avec une bêche. Impossible d'y faire passer la charrue : arrivés à un certain endroit, les bœufs s'affairaient au risque de briser la charrue. « C'est le champs de la chapelle » disait-on. Cette croyance locale était justifiée par les blocs de pierres que de temps en temps on retirait du sol. En 1615, le père de Nicolazic en avait utilisées pour rebâtir sa grange. Marié, depuis 1613, avec une personne de son village, Guillemette Le Roux, Nicolazic, à son grand regret, n'avait pas encore d'enfant en 1627.
Ses visions avaient commencé en août 1622 ; il avait entrevu Sainte Anne à la fontaine ; l'avait rencontrée près de la croix au bord de la lande ; il avait voyagé en sa compagnie toutes les fois qu'il s'en revenait tard au logis. Un jour d'été, son beau-frère Louis Le Roux et Yves Nicolazic étaient allés chercher leurs boeufs dans un pré voisin de la fontaine ; avant de les ramener, ils voulurent les faire boire à l'abreuvoir. Tout à coup, les boeufs refusèrent obstinément d'avancer. Une dame majestueuse était devant eux, tournée vers la source et portant un flambeau allumé.
C'est le 25 juillet 1624, veille de la fête de sainte Anne, que Nicolazic reçut le mandat qui devait faire de lui le créateur du Pèlerinage de Sainte-Anne d'Auray. L'apparition disait « Yves Nicolazic, ne craignez pas. Je suis Anne, mère de Marie. Dites à votre recteur que dans la pièce de terre appelée le Bocenno, il y a eu autrefois, même avant qu'il y eût aucun village, une chapelle dédiée en mon nom. C'était la première de tout le pays. Il y a 924 ans et 6 mois qu'elle est ruinée. Je désire qu'elle soit rebâtie au plus tôt, et que vous en preniez soin, parce que Dieu veut que j'y sois honorée ». Ce mandat, il l'accomplira, mais au prix de multiples épreuves et de nombreuses hésitations. Il ne suffisait pas en effet d'avoir reçu une mission, il restait encore à la faire reconnaître par l'Eglise et surtout par le recteur de la paroisse, Sylvestre Roduez et son vicaire.
Dans la nuit du 7 au 8 mars 1625, sainte Anne lui apparût à nouveau et lui dit : « Yves Nicolazic, appelez vos voisins, comme on vous l'a conseillé ; menez les avec vous au lieu où ce flambeau vous conduira, vous trouverez l'image qui vous mettra à couvert du monde, lequel connaîtra enfin la vérité de ce que je vous ai promis ». Yves fit appel à son beau-frère Louis Le Roux et se mit à chercher des voisins du villages : Jacques Lucas, François Le Bléavec, Jean Tanguy et Julien Lézulit (le marguillier de la paroisse).
Le flambeau se mit alors en mouvement. Arrivé en face du Bocenno, le flambeau sortit du chemin et se dirigea jusqu'à l'endroit de l'ancienne chapelle. Ils se mirent à creuser le sol et découvrirent une pièce en bois qui s'y trouvait enfuie : il s'agissait d'une vieille statue, toute défigurée et endommagée, qui gisait là depuis 900 ans. La nouvelle se répondit comme la foudre. Une foule de curieux arrivait de toute part non seulement de Ker Anna (Keranna) mais des localités voisines, pour prier et faire des offrandes. Qui les avait prévenu ? C'est un mystère.
Le commissaire de l'Evêque se rendit à Pluneret le mercredi 12 mars 1625 et manda Yves Nicolazic au presbytère. L'évêque de Vannes, Mgr de Rosmadec, reçut Yves Nicolazic au château de Kerguéhennec en Bignan, où demeurait M. du Garo, beau-frère de l'évêque. Yves Nicolazic resta aussi quelques jours chez les Capucins de Vannes et il fut soumis à un examen minutieux.
Il fut conclu que les faits mentionnés par Yves Nicolazic étaient véridiques et qu'il était opportun de construire la chapelle demandée au même endroit que celle du Vème siècle. En attendant la construction de la chapelle, l'évêque autorisa à célébrer une messe le 26 juillet 1625 dans une cabane en planches (messe célébrée par Dom Roduez).
Lorsque la construction de la chapelle fut achevée, les Carmes prirent le relais. Nous sommes alors en 1628 et Yves Nicolazic se retire à Pluneret. Respecté par les religieux, vénéré par les pèlerins, Yves Nicolazic semblait être le plus heureux des hommes. Mais au point de vue familiale, il était à plaindre car il n'avait pas d'enfant ni de descendant. Quelle fut sa prière alors ? Alla-t-il jusqu'à demander à Sainte Anne de lui accorder l'honneur d'être père ? Toujours est-il qu'il reçut un jour de sa femme Guillemette Le Roux une confidence inespérée et le 18 janvier 1628, il se présentait à l'église de Pluneret, annonçant au recteur Sylvestre Roduez qu'il apportait un garçon à baptiser. Deux ans après naquit une fille nommée Jeanne, puis une autre fille nommée Paterne.
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