Comprenons d'abord la grandeur et la sainteté de notre ministère, et connaissons bien quel est le combat auquel nous sommes engagés, en nous dévouant au sublime emploi de la prédication. Quoique si éloignés de la haute sainteté des Apôtres, nous devons cependant continuer leurs travaux, annoncer comme eux le royaume de Dieu, et soumettre tout à l'empire de Jésus-Christ, par la seule vertu de sa parole. Mais il nous importe de ne point ignorer la qualité, les forces, et toute la malice de nos ennemis. Résolus de déclarer la guerre au monde et à l'enfer, attendons-nous à voir le monde entier, c'est-à-dire à tous ceux qui vivent selon l'esprit du siècle présent, s'élever et se déchaîner contre nous. Si nous prêchons contre l'orgueil, la volupté, l'avarice, ceux qui font leurs dieux de la vanité, de leurs plaisirs, de leurs richesses et de tout ce qui flatte leur ambition, se croiront aussi en droit d'attaquer nos maximes et nos discours. Ils décrieront notre vie, et empoisonneront nos intentions. Je ne dis pas assez: Saint Paul nous avertit, que nous avons à combattre, non contre des hommes dee chair et de sang, mais contre les principautés, contre les puissances de ce siècle ténébreux, enfin contre les esprits de malice répandus dans l'air. (Eph 6-12).
C'est à tous leurs traits que nous sommes en butte, dès lors que nous entreprenons de détruire les oeuvres de Satan, le déréglement des moeurs, le libertinage, l'hérésie, l'infidélité. Mais dans notre foi nous trouverons aussi notre force. Assurés d'un secours avec lequel nous pouvons triompher de tout, ne craignons rien sous la protection du Dieu du ciel. Que notre unique soin soit de la mériter, cette divine protection.
" Ne vous appuyez point sur vous-mêmes, sur vos talents, sur vos vertus. Comme nous pouvons tout avec Jésus-Christ, sans lui nous ne pouvons rien. Dans la conversion des âmes ne vous attribuez aucun mérite, ne vous glorifiez de rien, n'attendez rien que du secours d'En-Haut! Et mettant en Dieu seul toute votre confiance, rendez-lui gloire de tout ce qu'il fera par votre ministrère. Humbles et modestes dans le succès, soyez constants dans les adversités, toujours fermes parmi les persécutions. Selon l'avertissement de l'Apôtre, fortifiez-vous dans le Seigneur, et livrez-vous à sa vertu toute-puissante. (Eph 10,11) Revêtez-vous des armes divines pour vous défendre contre tous les efforts de Satan et contre ses artifices; Vous confondrez toute sa malice par une vive confiance en Jésus-Christ.
Que la vérité soit la ceinture de vos reins, que la justice soit votre cuirasse.
A l'orgueil de l'ennemi, il suffit d'opposer une foi vive et parfaite.
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Aimez surtout la vérité, prêchez-là avec force, avec constance, sans déguisement, sans rien craindre, sans rien espérer des hommes, sans rien perdre de la liberté évangélique, au milieu des souffrances et des vexations les plus iniques. C'est par ce chemin tout semé d'épines que les Apôtres ont marché; c'est par de tels moyens qu'ils ont fait connaître la vertu de Jésus-Christ et qu'ils ont converti les nations.
N'importe que nous ne voyions pas d'abord le fruit que nous attendons de nos prédications. Dieu a ses moments; et Jésus-Christ nous apprend que sa parole est comme le grain de froment que l'on jette en terre; il porte son fruit, mais il le porte en son temps. Ne prévenons point le temps de Dieu; attendons avec patience et faisons en sorte que les péchés des peuples et les nôtres ne s'opposent pas à ce qu'il a résolu pour le salut de tout.
Je ne vous dirai pas; ce que vous savez comme moi, que la prédication la plus efficace et la plus utile est toujours la sainteté du prédicateur, la pureté de sa vie et la force de ses exemples. Cette vérité que les hommes apostoliques ont toujours regardée comme la première et la plus importante de leurs maximes, vous l'avez déjà mise en pratique, et, en rendant gloire à la grâce de Jésus-Christ, je ne puis que le prier de perfectionner en vous et d'achever son ouvrage.
Ce sera par la ferveur de la prière, par l'assiduité à l'oraison et par les gémissements continuels de nos coeurs que nous l'obtiendrons, cette grâce, dont nous avons besoin dans le pénible exercice de notre ministère. Ne cessons donc pas de prier, le jour, la nuit; dans le travail, dans le repos; dans le secret de la solitude, et dans nos entretiens; que ce saint exercice soit la plus douce de nos occupations. Ce que nous ne pourrons faire par nos discours, nous le ferons par nos prières.
discours de St Dominique de Guzman.